;
Hommages / 15.07.2022

William “Poogie” Hart (1945-2022)

Originaire de Philadelphie, William Hart chante dès son adolescence dans différents groupes locaux – Little Hart and The Everglows, les Veltones, les Four Guys, les Four Gents… – avant de monter vers 1964 son propre groupe, les Orphonics, avec son frère Wilbert et un ami d’enfance, Randy Cain. Remarqué par Stan Watson, une personnalité de la scène musicale locale, le trio fait la connaissance du producteur Thom Bell, qui travaille alors pour Cameo-Parkway Record. Séduit par ce qu’il entend, Bell produit le premier single du groupe, rebaptisé pour l’occasion les Delfonics, He don’t really love you, co-écrit par William et publié sur Moon Shot, un label secondaire de Cameo-Parkway. C’est sur l’étiquette principale que paraît le 45-tours suivant, mais la maison de disques est alors en train de cesser ses activités. 

C’est Stan Watson qui sauve la mise au groupe, en montant son propre label, Philly Groove Records Incorporated. Watson a eu du nez : le premier single publié début 1968 par Philly Groove, La-La (Means I love you), co-écrit et chanté par William et produit par Thom Bell, est un immense succès, porté par le falsetto de William. Le disque atteint la deuxième place du classement R&B et la quatrième du Hot 100 et la chanson est un classique immédiat, repris par le chanteur jamaïcain Alton Ellis, les Jackson 5 et Booker T & the MG’s, puis quelques années plus tard par Prince.

Sans atteindre les mêmes sommets, les singles suivants sont également des succès et l’album “La La Means I Love You”,  sur lequel William co-signe six titres, est également une réussite. Sorti en fin d’année, à nouveau co-écrit par William, Ready or not here I come (Can’t hide from love) est un succès mineur, mais devient un classique multi-repris et samplé à partir des années 1990, son refrain étant intégré par les Fugees à leur Ready or not.

Sorti à la fin de 1969, co-signé par William, Didn’t I (Blow your mind this time) ramène les Delfonics au sommet des hit-parades – 10e du Hot 100 et 3e du classement R&B –, décroche un Grammy et assurera la pérennité de la réputation du groupe lorsqu’il sera utilisé par Quentin Tarantino dans une scène de son film Jackie Brown. Il marque aussi la fin de l’âge d’or du groupe, même si ses singles et albums continuent à connaître un certain succès, bien que Thom Bell soit désormais largement occupé par ailleurs, notamment avec les Stylistics et les Spinners. C’est donc Stan Watson qui assure la production de leur cinquième album, “Alive & Kicking”, qui sort en 1974. 

Ce disque marque la fin du groupe original – qui a d’ailleurs déjà connu quelques changements au fil des années : les frères Hart montent chacun leur version des Delfonics et arpentent séparément le circuit de la nostalgie entre deux procès sur la propriété du nom. Sans surprise, c’est celui de William – la voix principale et le co-auteur des tubes – qui connaît le plus de succès, enregistrant plusieurs albums – notamment en 2013 sous la direction du producteur Adrian Younge – et participant à la tournée ’70s Soul Jam, sans cependant jamais vraiment parvenir à sortir du circuit de la nostalgie.

Sous son propre nom, William Hart publie quelques singles au début des années 1980 et participe au projet A Soulful Tale of Two Cities en 2006. Il s’associe également avec deux autres “ex”, Ted Mills de Blue Magic et Russel Thompkins, sous le nom des Three Tenors of Soul. Il continuait à se produire régulièrement avec sa version du groupe.

Texte : Frédéric Adrian
Photo © DR