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Interviews / 28.07.2021

Same Player Shoot Again, Longue vie au roi Albert

Ils sont jeunes, ils sont doués et ils sont fans d’Albert King. Trois bonnes raisons pour partir à la rencontre du chanteur de Same Player Shoot Again, Vincent Vella, et en savoir plus sur les conditions d’élaboration de leur nouvel album, “Our King Albert”.

Comment est né le groupe ?

L’histoire de la formation de Same Player est assez marrante puisqu’à la base, on est une bande de copains, tous musiciens à Paris. On avait pris l’habitude de nous réunir pour des soirées, des jams, des tributes. Un jour le guitariste Romain Roussoulière a eu l’idée d’organiser un hommage à Freddie King. On a donné un premier concert qui s’est très bien passé. Pierre Darmon, le patron du label Bonsaï Music, était dans la salle ce soir-là. Il nous a proposé d’enregistrer un CD, que nous avons réalisé dans des conditions vraiment live. On a organisé une release party au New Morning en 2018, puis nous avons démarché les festivals et les salles parisiennes. Nous nous sommes ensuite inscrits à l’International Blues Challenge de Cahors que nous avons eu la joie de remporter en juillet 2019. Six autres prix ont suivi. Du coup, nous avions une programmation 2020 assez riche, en Croatie, en Suisse, en Italie, à Cahors en ouverture de Popa Chubby. C’était parfait, quoi… et puis il y a eu le Covid ! Terminés les concerts… mais pas terminés les projets, car on avait envie, après Freddie King, de nous attaquer à un autre King. 

Pourquoi avoir choisi Albert King ?

Le choix d’Albert s’est fait naturellement. Cela s’inscrit dans un cycle qui doit s’achever avec B.B. L’avantage du répertoire d’Albert, c’est qu’il contraste bien avec celui de Freddie dont le blues funky est doté d’une énergie très rock. Albert King a, je dirais, un peu plus de retenue. Il a abordé une plus grande variété de styles, le funk moderne bien sûr, mais aussi le groove New Orleans, le blues traditionnel, le côté jam et même des pièces plus jazzy.   

Comment avez-vous choisi les titres ?

Romain est un grand fan d’Albert et vu le nombre de disques qu’il possède, c’est toujours lui qui élabore les propositions de setlists. Après, on discute, on passe en revue les disques, on cherche à identifier les titres qu’Albert n’a jamais joués ou publiés en live. On marche aussi au coup de cœur tout en ménageant quelques surprises, avec ici un standard de jazz [The very thought of you de Ray Noble, qu’Albert enregistra pour Stax puis pour Tomato] ou une reprise des Stones [Honky tonk woman, gravé en 1971 à Muscle Schoals en compagnie du magicien rythmique Jesse Ed Davis]. Et puis on ne va pas se cacher qu’avoir sur le disque des standards comme My babe ou Honky tonk woman, des morceaux que tout le monde connaît et apprécie, c’est un plus pour intégrer les playlists des programmateurs et être diffusé en radio.

La démarche d’Albert était très moderne en fait. On a voulu retranscrire ça et rester fidèle à la variété de son œuvre, tout en nuances. “

Vincent Vella

Vous êtes allés jusqu’à piocher dans ses albums controversés de la fin des années 1970, dont le disco We all wanna boogie, très critiqué lors de sa sortie et qui pourtant fonctionne super bien.

C’est représentatif de sa carrière. Albert a toujours voulu se renouveler, coller à son époque, sans a priori. Pareil lorsqu’il reprend ce standard d’Allen Toussaint, Get out of my life woman, un classique du funk qui a été largement samplé ensuite. La démarche d’Albert était très moderne en fait. On a voulu retranscrire ça et rester fidèle à la variété de son œuvre, tout en nuances. 

Le groupe est resté le même que pour le premier album, à l’exception de Julien Bruneteau, remplacé par Florian Robin.

En fait, Julien est un peu comme un orchestre à lui tout seul [rires]. On l’adore, c’est un excellent pianiste, mais il déborde tellement de projets que son planning ne lui permettait plus de coller au nôtre. Le bassiste Max Darmon a proposé que Florian prenne sa place. Tout deux se connaissent bien puisqu’ils se sont rencontrés chez Bill Deraime avant de faire partie du groupe de Paul Personne. Nous avons de nouveau enregistré à Meudon, parce qu’on adore l’ingénieur du son Julien Bassères, avec qui ça s’était déjà super bien passé pour le premier album. 

« On souhaite garder l’empreinte originale de chaque composition, mais le fait que nous soyons une bande de copains rajoute naturellement la touche Same Player.

Vincent Vella

Comment se sont déroulées les sessions ?

Nous avons travaillé nos parties respectives individuellement et n’avons commencé à répéter ensemble qu’une fois arrivés en résidence. Nous avons joué chaque morceau une quinzaine de fois, ce qui est indispensable pour définir les intros, les structures, les moments d’impros, les conclusions. Nos choix sont démocratiques, tout le monde a voix au chapitre. On souhaite garder l’empreinte originale de chaque composition, mais le fait que nous soyons une bande de copains rajoute naturellement la touche Same Player. On a fait attention de ne pas sombrer dans le pastiche, par exemple en ne reproduisant pas la partie parlée d’I’ll play the blues for you. On trouvait plus marrant que ce soit Loïc [Gayot] qui reprenne ce passage-là au saxophone. 

L’album illustre aussi les qualités de chanteur d’Albert King, trop peu souvent citées par la critique.

Albert avait une vraie voix de crooner, très posée, profonde et grave. Par rapport à Freddie King, j’ai dû bosser trois fois plus pour essayer de capter toutes ses nuances. J’ai pris beaucoup de plaisir à chanter ce répertoire. Une chanson comme The very thought of you nécessite beaucoup de maîtrise, de la puissance aussi, mais contrôlée.

En espérant qu’ils ne soient pas contrecarrés par la situation sanitaire, quels sont vos projets ?

On a une petite captation le 28 mai à la MJC d’Orsay. Ce ne sera pas du livestream, mais cela nous permettra quand même de diffuser du contenu sur les réseaux sociaux. Notre vraie prochaine date sera le 3 juillet en Croatie, pour la 4e édition du Thrill Blues Festival. On devrait jouer aux Mercredis de Belfort en août puis le 14 septembre au New Morning pour fêter officiellement la sortie du disque. On a préféré attendre septembre afin de minimiser le risque d’annulation. En parallèle, on travaille à la composition de nos propres compos. Être un groupe de reprises, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour maintenir une dynamique dans la durée. Et comme je te le disais, on s’entend tellement bien que nous avons envie de faire perdurer l’aventure en exprimant quelque chose de plus personnel. Néanmoins, pour le moment, notre priorité, c’est de défendre le répertoire d’Albert. Nous ne pensons pas que ce soit inutile, car le public a parfois la mémoire courte. Dans une vingtaine années, il faudra peut-être que de jeunes musiciens fassent de même avec Michael Jackson. Ça peut paraître dingue, mais si vous prenez un gamin de 16 ans aujourd’hui, il y a peu de chances qu’il puisse vous dire de but en blanc qui chante Beat it ou Billie Jean ! Alors oui, faire vivre les grands classiques, on pense que c’est nécessaire. Et en plus, avec Albert, on fait danser le public. Que demander de plus ?

Propos recueillis par Ulrick Parfum le 15 mai 2021.
Photo © Kobayashi Photography

spsaband.com
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Line-up : Vincent Vella (chant), Romain Roussoulière (guitare), Max Darmon (basse), Florian Robin (piano), Steve Belmonte (batterie), Jérôme Cornélis (sax alto), Loïc Gayot (sax ténor).

Christophe MourotSame Player Shoot Again