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Interviews / 13.03.2023

Laurent Macimba, Du lien autour du zinc

Alors que la 28e édition du festival Le Blues Autour du Zinc ouvre ses portes jeudi 16 mars, questions à son fondateur et directeur artistique, véritable passionné de la musique vivante.

Nous savons que tu es un fou de concerts, mais quels styles privilégies-tu dans ta discothèque ?

Des gens comme Charlie Christian, Wes Montgomery, Chuck Berry, Fats Domino, Bo Diddley, Little Richard, Ray Charles, Sam Cooke, Otis Redding, James Brown, Jimi Hendrix, Eddie Cochran, Robert Johnson, Muddy Waters et B.B. King, mes idoles de jeunesse, qui s’imposent comme des références historiques, avec des styles variés des courants de la musique noire, blues, jazz, rhythm and blues, rock ’n’ roll, soul, funk, rap, hip-hop.

Es-tu toi-même musicien ?

Non, mais mélomane !

Avant de t’occuper du festival Blues Autour du Zinc à Beauvais, avais-tu déjà organisé des concerts ? Comment est née l’idée de ce festival et comment a-t-il évolué jusqu’à l’édition 2023 ?

Je vivais en Nouvelle-Calédonie quand j’ai dû revenir à Beauvais, suite au décès de mon père, en 1994, pour aider ma mère qui tenait le bar, le Longchamp. J’ai commencé à organiser des concerts tous les dimanches à 16 heures. Pendant deux ans et demi, j’ai beaucoup appris, avec humilité, sur l’accueil des groupes, l’organisation, la communication, et cette période a vraiment servi de laboratoire. Ça a très vite fonctionné, justement parce que les concerts étaient programmés le dimanche après-midi. Les tourneurs se sont passé l’information et on eu des groupes du monde entier, des Belges, des Hongrois, des musiciens de toute l’Europe, des États-Unis et de tous les styles : jazz, soul, ragga, reggae, etc. Un jour, il y a eu un groupe punk américain : Horace Pinker. Il y avait 200 ou 300 personnes dedans et dehors. Les voisins ont eu peur et une voisine a porté plainte auprès de la mairie. Voilà, ç’a été le dernier concert, ça m’a choqué et j’étais un peu en colère, car je peux comprendre les nuisances sonores le soir, mais un dimanche après-midi… Donc je me suis demandé comment faire évoluer les mentalités et fédérer davantage de monde. Voilà la naissance du festival Le Blues Autour du Zinc et de l’association Le Comptoir Magique.

Pourquoi avoir choisi cette pluralité des lieux et des publics pour présenter les musiciens du festival ?

J’ai toujours aimé les lieux de proximité, les clubs, les pubs, là où il y a de l’échange, des endroits où tout le monde se rencontre, se rassemble. C’est l’essence même du festival, sa philosophie.

Quels sont tes partenaires privilégiés pour l’organisation du festival ?

La ville de Beauvais, le département de l’Oise, la région Hauts de France et un autofinancement à hauteur de 45 % pour le budget de l’association.

À quel niveau les commerçants, la ville de Beauvais s’investissent-ils pour faire vivre cet événement ?

Le blues en vitrine est organisé en pôles scénographiques qui contribuent à l’habillage des devantures des commerçants partenaires. Avec un arrêt de 3 ans suite au COVID, nous reprenons la thématique autour des guitares cette année.

© Rachel Saddedine

“J’ai toujours aimé les lieux de proximité, les clubs, les pubs, là où il y a de l’échange, des endroits où tout le monde se rencontre, se rassemble.”

Laurent Macimba

Comment sélectionnes-tu les artistes qui composent l’affiche ? Faut-il absolument que tu les aies vus sur scène pour les signer ?

Je suis un passionné de musique et ma curiosité en ce domaine est toujours en éveil. Je voyage beaucoup,  notamment en Europe, et je fréquente assidûment les différentes scènes musicales. Et puis, au fil des ans, j’ai tissé un réseau suffisamment étoffé pour être toujours bien informé. Effectivement, j’ai vu sur scène 80 % des artistes qui se sont produits sur le BAZ. La scène reste pour moi incontournable pour découvrir les artistes et pour établir la programmation du festival. À mon sens, un artiste ne se dévoile jamais mieux qu’en concert. Un exemple, j’ai vu Félix Rabin sur scène en Écosse et j’ai aussitôt décidé de le produire au BAZ 2023. Je ne suis pas certain que j’aurais ressenti la même émotion à la simple écoute de son album.

Quelles sont tes trois principales qualités en tant que programmateur et directeur artistique ?

Je suis pugnace, doté d’un caractère affirmé et d’une très grande sensibilité.

Préfères-tu “connaître” ou “reconnaître” ?

“Connaître”, cela correspond davantage à mon esprit curieux et assez intrépide. Mon objectif dans ce métier est de découvrir de nouveaux artistes et de les révéler au public.

Peux-tu nous dire quelques mots sur ta découverte de Kaz Hawkins ?

Oui, avec plaisir. Je l’ai vue en concert en Irlande du Nord et le coup de cœur a été immédiat. Elle est venue au BAZ en 2017, huit jours pour sa première prestation en France. Cette même année, d’ailleurs, j’avais programmé en exclusivité plusieurs autres artistes irlandaises et anglaises comme Elles Bailey et aussi Graine Duffy, venue sur le festival en exclu en 2013, et bien d’autres…

“À mon sens, un artiste ne se dévoile jamais mieux qu’en concert.”

Laurent Macimba

Quels sont tes meilleurs souvenirs d’artistes présents à Beauvais ?

Ray Charles en 2000 ! Un souvenir inoubliable. Il se produisait avec son big band à l’époque. On avait réservé un bus pour aller les chercher à Orléans afin d’accueillir les musiciens avec un service à bord, champagne, petits fours et bouquets de fleurs pour les choristes. Ces attentions avaient particulièrement touché Ray Charles. Résultat, un concert d’une heure et demie. Mémorable !

Que dirais-tu de convaincant pour faire venir le public des 18-30 ans en plus grand nombre sur les concerts blues ?

Que je ne suis pas resté figé sur le blues des origines, ma culture et mes goûts musicaux sont larges et hétéroclites. J’aime la soul, le blues, le jazz, le rhytm and blues, le rock ’n’ roll, la soul, le funk, le rap, le hip-hop et je veille à métisser ma programmation pour tenir compte des nouveaux courants musicaux.

Qu’est-ce qui entretient ta passion depuis tant d’années ?

Mon amour de la musique et du genre humain. Le temps d’un concert, la musique abolit les différences et rassemble les gens autour d’un artiste. La musique est un art fédérateur. Créer du lien, c’est l’âme du Blues Autour du Zinc.

Le mot de la fin ?

Je me projette dans l’avenir et je fourmille toujours de projets. Le dernier en date est une création, en collaboration avec Nina Attal, autour de la musique d’Hendrix. De 2023 à 2025, des guitaristes féminines, françaises d’abord, puis européennes et enfin internationales se produiront au BAZ pour lui rendre hommage. Et aussi une scène mobile, afin de mettre en avant la ruralité et diminuer l’empreinte carbone des gens.

Propos recueillis par Marc Loison le 16 février 2023.
Photo d’ouverture : Chuck Berry et Laurent Macimba © Willy Viez

Billetterie : zincblues.com

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