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Hommages / 22.05.2021

Roger Hawkins (1945-2021)

Mustang Sally, When a man loves a woman, I’m your puppet, Tell mama, Slip away, Respect yourself et les monuments publiés par Aretha Franklin en 1967-1968, de Respect à Think : cette incroyable série de classiques parus sur une période d’à peine plus de cinq ans – et tous classés dans les sommets des hit-parades – ont pour point commun de bénéficier de la présence de celui que Jerry Wexler présentait comme « le meilleur batteur du monde », Roger Hawkins, avec ses camarades de studio, les légendaires Swampers, dont le bassiste David Hood est désormais le seul survivant. 

Né à Mishawaka, dans l’Indiana, Hawkins fait ses débuts dans différents groupes qui se produisent dans l’Alabama et le Tennessee, mais sa carrière décolle réellement en 1964 quand Rick Hall, le patron du studio FAME, l’embauche au sein de l’orchestre régulier du lieu suite au départ de ses premiers musiciens. Avec le clavier Barry Beckett, le bassiste David Hood et le guitariste Jimmy Johnson, ils constituent la deuxième Muscle Shoals Rhythm Section, souvent appelée The Swampers, un surnom popularisé par les rockers de Lynyrd Skynyrd. Ensemble, ils accompagnent les différents artistes qui viennent enregistrer chez FAME, de Wilson Pickett à Percy Sledge en passant par Solomon Burke, Etta James, Clarence Carter et même les patrons de la scène yéyé que sont Johnny Halliday, Dick Rivers et Eddy Mitchell. La réputation de l’orchestre et du lieu est telle que, quand un incident interdit à a nouvelle protégée Aretha Franklin d’enregistrer sur place, Jerry Wexler décide de faire venir les musiciens à New York pour enregistrer l’album destiné à lancer sa carrière de star… 

En 1969, Hawkins et ses collègues quittent Rick Hall et FAME pour ouvrir, avec l’aide financière d’Atlantic, leur propre studio situé au 3614 Jackson Highway à Sheffield – ce qui ne les empêche pas de baptiser les lieux du nom de Muscle Shoals Sound, en référence à l’adresse de FAME. L’événement est commémoré sur l’album de la chanteuse Cher paru cette année-là, qui prend l’adresse du studio comme titre et sur la pochette duquel apparaissent les musiciens. Désormais autonomes, les musiciens poursuivent leur travail, principalement au service d’Atlantic. Boz Scaggs, Arthur Conley, R.B. Greaves, Brook Benton,  Joe Tex, John Hammond, King Curtis, Otis Rush et bien d’autres y gravent des disques majeurs, tandis que Stax commence à y décentraliser quelques-unes de ses séances des Staple Singers et de Johnnie Taylor.

Quand Atlantic décide de déménager ses séances à Miami –et décide de punir les musiciens qui refusent de les suivre en demandant le remboursement immédiat du prêt consenti pour l’installation du studio –, Hawkins et ses acolytes n’ont aucun de mal à remplir leur carnet de commande : les artistes Stax (les Staple Singers, qui y gravent leurs plus grands succès), Bobby Womack, Tony Joe White, Luther Ingram, les Dells, Candi Staton, Millie Jackson, James Brown mais aussi Jimmy Cliff, Linda Ronstadt, Ry Cooder, JJ Cale, Paul Simon, Willie Nelson, Bob Seger ou les Rolling Stones s’y installent pour enregistrer. Tout en continuant à manier les baguettes, Hawkins, qui a commencé à se mêler de production dès les années FAME, pour Ted Taylor en particulier, assume régulièrement le rôle de producteur pour certaines séances. Il est notamment à la manœuvre pour le tube Starting all over again de Mel & Tim en 1972. 

Si le son de Muscle Shoals perd de sa popularité à partir de la fin des années 1970, alors que le studio déménage au 1000 Alabama Avenue (le bâtiment d’origine est devenu une attraction touristique très courue), Hawkins et ses camarades restent très actifs, accompagnant aussi bien Millie Jackson qu’Eric Clapton. En 1985, le studio est vendu à Malaco, et Hawkins participe à de nombreuses séances pour le label (Denise LaSalle, Bobby Bland, Johnnie Taylor, Tyrone Davis…) mais aussi pour d’autres, de Screamin’ Jay Hawkins à Willy DeVille en passant par différents artistes européens en quête de crédibilité, de Johnny Hallyday à Axelle Red. Discret à partir des années 2000, il participe néanmoins à différents événements saluant l’aventure singulière de Muscle Shoals et en particulier au documentaire qui y est consacré, sorti en 2013. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © DR

Frédéric AdrianRoger Hawkins