;
Hommages / 06.04.2021

Pierre Charvolin (1925-2021)

Si un jour vous avez eu l’occasion d’assister à un concert de blues ou de jazz dans la moitié sud de la France, vous avez forcément croisé celui que plusieurs générations de musiciens américains surnommaient affectueusement le “Doc Charvolin”, pharmacien de profession. Pendant une soixantaine d’années, le Doc a accompagné le développement du jazz et du blues en France, en organisant des concerts à Orange et aux alentours dès le début des années 1970, tout en faisant partie des plus fidèles spectateurs des concerts dans un périmètre sud très élargi. 

À l’opposé des dérives égotiques que l’on observe souvent dans ce métier, Pierre Charvolin n’a jamais cherché à se mettre en avant. Même s’il appréciait certainement l’hommage, il paraissait toujours un peu gêné lorsqu’un musicien lui dédiait un morceau ou prononçait son nom sur scène pour le faire applaudir. Pendant toutes ces années, qu’il organisa des concerts à Orange, qu’il reçut les musiciens à son domicile pour dîner, qu’il se rendit aux concerts en France, en Suisse, en Italie, aux États-Unis, “le Doc” n’a eu qu’un but, vivre et partager sa passion en aidant ces musiciens dont la musique et les parcours de vie le touchaient tant.

Il faisait partie des gens que l’on a vraiment plaisir à revoir dans les concerts et a réussi l’exploit d’être partout un habitué, d’abord à la Grande Parade du Jazz à Nice dans les grandes années, plus tard à Jazz à Vienne, au Cahors Blues Festival mais aussi au Jam à Montpellier, au Sonograf’ au Thor, à Porretta en Italie, à Lucerne en Suisse et même au festival de Chicago. 

À Vienne ces dernières années, il fallait le voir passer les portes du théâtre antique, sous le soleil de plomb du mois de juillet, pour assister aux répétitions en pleine après-midi et patienter ensuite pendant des heures avant le début du concert.

Les concerts à Orange se sont arrêtés il y a 25 ans, mais Pierre et sa fille Brigitte Charvolin ont continué à sillonner la France et à traverser l’Atlantique pour se rendre au festival de Chicago chaque année et enrichir notre collection de photos que Brigitte nous a toujours offertes gracieusement.

Le 29 novembre 2019, à l’occasion du passage de la tournée anniversaire des 50 ans du Chicago Blues à Nîmes, le Doc, qui venait de fêter ses 94 ans, était là, fidèle au premier rang, pour ne pas rater ce rendez-vous qu’il suivait chaque année depuis son lancement en 1969.

C’est là que nous nous sommes croisés pour la dernière fois. Sur le chemin du départ, après avoir salué des vieux amis comme Willie Hayes, Wayne Baker Brooks, Maurice John Vaughn, Melvin Smith, je lui avais demandé quelle cuvée il avait le plus aimée en 50 ans. Avec son flegme habituel, il m’avait répondu que 50 ans ce n’était pas assez et qu’il en faudrait encore quelques-unes pour pouvoir juger !

Nous nous sommes quittés là et dit à bientôt, comme nous le faisions depuis des années. Ce soir-là, il avait encore payé son billet, comme il a tenu à le faire pendant toutes ces années, justifiant à nouveau de sa passion et de son soutien aux musiciens.

Ce 4 avril, c’est un vrai ami du blues qui s’en est allé et que tous les musiciens qui l’ont connu n’oublieront pas. Je ne vous ai jamais tutoyé Doc, mais je peux écrire sincèrement que vous allez me manquer.

Texte : Guillaume Tricard (Boom Boom Productions)
Photos © Brigitte Charvolin
Photo d’ouverture : Avec Earl Hines, juillet 1974.

Avec Count Basie, juillet 1975.
Pierre Charvolin, Francine Charvolin, Lionel Hampton, juillet 1978.
Pierre Charvolin, Francine Charvolin, Jimmy Slyde, juillet 1979.
Brigitte CharvolinGuillaume TricardPierre Charvolin