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Hommages / 19.01.2021

Junior Mance (1928-2021)

Originaire d’Evanston, dans l’Illinois, Julian Clifford Mance, Jr. – que tout le monde appelle Junior – est dès son enfance considéré comme un prodige au piano et commence très tôt à se produire en public. Il est encore étudiant quand il rejoint, à la fin des années 1940, le groupe du saxophoniste chicagoan Gene Ammons, avec qui il fait ses débuts discographiques dès 1947 pour Alladin et qu’il accompagne sur différentes faces pour Mercury. Quand Ammons remplace Stan Getz dans l’orchestre de Woody Herman, Mance rejoint l’ensemble de Lester Young, avant de partir effectuer son service militaire. À son retour, il rejoint le “house band” du  Bee Hive Jazz Club, un des bastions du jazz moderne à Chicago, où il accompagne les vedettes de passage telles que Coleman Hawkins, Eddie “Lockjaw” Davis, Sonny Stitt et Charlie Parker, qui l’encourage à tenter sa chance sur la scène new-yorkaise.

Installé en ville à partir de 1953, son jeu racinien gorgé de blues lui permet de décrocher un poste au sein de l’orchestre de Dinah Washington à partir de 1954. Outre les tournées, Mance participe à différentes séances d’enregistrement de celle-ci pour Mercury et apparaît sur l’album live “Dinah Jams” aux côtés, entre autres, de Max Roach, Clark Terry et Clifford Brown, ainsi que sur “In the Land of Hi-Fi”. Il rejoint ensuit le groupe de Cannonball Adderley, avec qui il grave plusieurs albums pour EmArcy, puis celui de Dizzy Gillespie, tout en participant à différentes séances pour Art Blakey, Johnny Griffin ou James Moody. 

C’est à l’occasion d’une séance de Gillespie que Norman Granz propose à Mance d’enregistrer son premier disque personnel. Baptisé “Junior”, l’album sort en 1959 sur Verve, et marque le début d’une décennie particulièrement productive : jusqu’au début des années 1970, Mance enchaîne les disques sous son nom pour Jazzland, Capitol, Prestige puis Atlantic. Toujours nourri de soul et de blues – il publie en 1960 un album intitulé “The Soulful Piano Of Junior Mance” –, il fait évoluer son approche avec l’époque et, avec la participation d’accompagnateurs de luxe comme David Newman, Chuck Rainey, Billy Cobham ou Eric Gale, nourrit sa musique de soul et de funk. En dehors de ses disques personnels, il enregistre à cette époque avec Aretha Franklin (“Soul’69”), Jimmy Scott (“The Source”) mais aussi Buddy Guy : il est (avec Junior Wells) l’un des deux “Juniors” de l’album “Buddy And The Juniors” et contribue également à “Hold That Plane!”, paru sur Vanguard en 1972. En 1967, il publie sa propre méthodologie, “How to Play Blues Piano”. 

Plus discret à partir des années 1970, il n’en continue pas moins à enregistrer ponctuellement jusqu’aux années 2010, parfois pour son propre label, et à se produire régulièrement en clubs (au Duc des Lombards en janvier 2010, pour ce qui constituait sans doute ses derniers concerts en France) et dans les festivals jusqu’à ce que la maladie lui impose de prendre une retraite bien méritée. Paru en 2015, son dernier disque personnel s’intitulait “For My Fans, It’s All About You”, clin d’œil à la philosophie qui avait inspiré toute son œuvre. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos : Orange, France, 1984. © Brigitte Charvolin

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