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Hommages / 06.09.2019

Jimmy Johnson, 1943-2019

Après Donnie Fritts il y a quelques jours, c’est un autre des grands architectes – et sans aucun doute le plus discret – du son de la soul sudiste qui s’éteint avec le décès de Jimmy Johnson.

Né à Sheffield, dans l’Alabama, Johnson se passionne vite pour la guitare, sous l’influence de Chuck Berry, et, au grand désespoir de son entourage familial, pour le rock ‘n’ roll, le rhythm and blues et le blues électrique plus que pour la country. Habitué dès l’adolescence à se produire localement, il commence dès le début des années 1960 à travailler comme musicien de studio pour Rick Hall, le patron de Fame. Jusqu’à la fin de la décennie, il se fait entendre sur une bonne partie des productions qui sortent des lieux, d’Etta James à Clarence Carter en passant par Wilson Pickett, Percy Sledge et même Eddy Mitchell. Il est également de l’aventure des premiers enregistrements Atlantic d’Aretha Franklin qui se tiennent à New York suite à l’échec rocambolesque des séances sudistes. 

Courant 1969, Johnson quitte Fame et, avec le soutien d’Ahmet Ertegun, monte avec ses collègues musiciens Roger Hawkins, Barry Beckett et David Hood le Muscle Shoals Sound Studio, qui devient vite un des studios de référence, aussi bien pour les artistes soul – le fidèle Clarence Carter, mais aussi Bobby Womack, Millie Jackson, les Staple Singers… – que pour les vedettes pop et rock comme Paul Simon, Bob Dylan ou Rod Stewart qui ont recours, en plus du studio, à l’orchestre maison surnommé les Swampers au sein duquel Johnson tient toujours son rôle de guitariste. En plus de son rôle d’accompagnateur, Johnson s’intéresse également aux techniques de studios, devenant souvent l’ingénieur du son des séances locales, y compris quand les Rolling Stones viennent à Muscle Shoals enregistrer quelques titres de l’album “Sticky Fingers”.

Jimmy Johnson, Wilson Pickett, Spooner Oldham, Roger Hawkins, Junior Lowe. © Fame
Wilson Pickett, Jimmy Johnson. © DR

Alors que le studio, au cours des années 1980, perd de son prestige et de son activité régulière, c’est désormais pour les productions de Malaco qu’il joue le plus souvent, accompagnant sur disques les vedettes du label, de Bobby Bland à Johnnie Taylor en passant par Z.Z. Hill et Denise LaSalle. Ces dernières années, Johnson avait recentré son activité sur son propre studio, Swamper Sound Studio, tout en participant activement à la mise en valeur de l’héritage musical de Muscle Shoals, qu’il s’agisse de la réalisation d’un documentaire, Muscle Shoals, sorti en 2013, ou de retrouvailles en forme de célébration avec certains de ses anciens collègues, par exemple à l’occasion du festival de Porretta en 2014. Fier à juste titre du travail accompli mais satisfait de son rôle dans l’ombre des stars, il n’a jamais tenté l’aventure soliste, préférant revendiquer son appartenance à « une bande de ploucs sudistes qui étaient capables de jouer tellement de styles de musique »… 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

Porretta Soul Festival 2014. © Brigitte Charvolin
Fame RecordsFrédéric AdrianguitaristJimmy JohnsonMuscle Shoals