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Hommages / 17.01.2024

Ils nous quittent : Sandra Reaves-Phillips, Johnny Ray Daniels, Selwyn Cooper, Byron Woods, Red Paden, Neil Slaven…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Sandra Reaves-Phillips (1944-2023)

Originaire de Mullins, en Caroline du Sud, Sandra Phillips chante à l’église et dans des concours de talents avant de tenter sa chance à New York. Elle ne tarde pas à s’y faire remarquer et publie dès 1967 deux singles sous l’égide de Juggy Murray sur un label annexe de Sue, Broadway, puis un 45-tours pour OKeh. Si aucun de ces disques ne connaît un succès particulier, ils seront ensuite redécouverts par la scène northern.

En 1970, c’est sous la direction de Jerry Williams Jr. – plus connu sous le nom de Swamp Dogg – qu’elle publie son premier album, “Too Many People In One Bed”, sur Canyon Records. Faute de succès côté soul, elle se tourne au début des années 1970 vers Broadway, où elle fait ses débuts en 1973 dans la comédie musicale Raisin, adaptée de l’œuvre de Lorraine Hansberry. Elle ne tarde pas à y connaître un grand succès, apparaissant notamment dans des productions de Ma Rainey’s Black Bottom, Blues in the Night et Black & Blue, ainsi que dans son propre spectacle, The Late Great Ladies of Blues and Jazz (publié en album en 1986).

Elle est d’ailleurs, avec Linda Hopkins et Ruth Brown, dans la distribution parisienne de Black & Blue, qui fait l’objet d’un enregistrement publié par Trema en 1985. Elle joue également pour le cinéma et la télévision, apparaissant notamment dans Autour de minuit de Bertrand Tavernier et dans plusieurs épisodes de séries comme New York – Police judiciaire et Homicide.

Photo © DR/ Collection Gilles Petard

Johnny Ray Daniels (1946-2024)

Originaire de Greenville, en Caroline du Nord, le chanteur et guitariste Johnny Ray Daniels fait ses débuts de musicien professionnel côté soul dans le courant des années 1960 au sein des Soul Twisters, dont il est le guitariste et un des chanteurs principaux et avec lesquels il enregistre au moins deux singles pour le label local Romat Records.

C’est cependant vers le gospel de son enfance qu’il se tourne ensuite. Marié à Dorothy Vines des Gloryfying Vines Sisters, un des groupes gospel majeurs de la région, il les accompagne sur disque et sur scène, écrivant et produisant certains de leurs enregistrements, donnant occasionnellement de la voix et conduisant le bus de tournée ! Il intègre également les rangs d’un autre groupe, Little Willie and the Fantastic Spiritualaires, emmené par son jeune frère Willie Earl Daniels.

Il attend cependant les années 2020 pour se lancer sous son propre nom, d’abord sur “Sacred Soul Of North Carolina” puis avec un album personnel, “Whatever You Need”, parus sur Bible & Tire. Anthony “Amp” Daniels, le leader des Dedicated Men of Zion, est son fils, et les six membres de Faith & Harmony sont ses petites-filles.

Johnny Ray Daniels © DR

Selwyn Cooper (1954-2023)

Né à Baldwin en Louisiane, c’est à New Iberia que grandit Selwyn Cooper. Dès le début des années 1970, il rejoint Buckwheat & The Hitchhikers, un groupe R&B mené par Stanley Dural, rebaptisé quelques années plus tard Buckwheat Zydeco Ils Sont Partis Band après un virage stylistique. Jusqu’au milieu des années 1980, il tourne avec l’ensemble et apparaît sur plusieurs albums parus sur Black Top et Rounder. Après une étape au sein de R.G. And Bayou Zydeco, il intègre à la fin des années 1980 le Red Hot Louisiana Band de C.J. Chenier, qui comprend encore de nombreux anciens accompagnateurs de son père, puis au début de la décennie suivante les Zydeco Twisters de Rockin’ Dopsie. Il participe à la même époque à plusieurs disques de Lyn August. 

En 1994, il monte son propre groupe, les The Zydeco Hurricanes, qui publie un album, “Louisiana Zydeco”, sur Mardi Gras Records, puis se rebaptise Hurricane Blues Band pour l’album “Louisiana Swamp Blues”, sorti en 1999. En 2007, il publie un disque autoproduit, “SVC Sound Magic”, suivi d’un autre album, “Blues Greatest Hits”, qui semble être sorti vers 2015 et être son dernier enregistrement personnel. Si sa notoriété peine à dépasser les frontières de son État d’origine – même s’il est au programme du festival MNOP en 2011 –, il se produit régulièrement localement sous le nom de Selwyn Cooper & The Sharecroppers, en particulier au Teddy’s Juke Joint de Zachary, un club qui revendique sa décoration à base de lumières de Noël accrochées toute l’année ! 

Outre sa carrière personnelle, il continue à travailler avec d’autres, et en particulier avec Carol Fran (l’album “Fran-tastic”) et C.J. Chenier, qu’il accompagne notamment lors d’un passage au Duc des Lombards au milieu des années 2010.  

Byron Woods (1955-2023)

Originaire de Chicago, le chanteur Byron Woods est actif sur la scène de sa ville natale dès les années 1970 avec les groupes Heet, Brandi et Onstage, avec lequel il fait ses débuts discographiques avec une série de singles pour des labels locaux qui connaissent un succès régional. À la séparation du groupe, il se lance en solo avec quelques 45-tours pour le label britannique Ardent au début des années 1990, tout en développant une carrière de choriste, aux côtés en particulier de Phil Perry.

S’il apparaît ponctuellement sur des projets d’autres artistes comme le Chicago Skyliners Big Band du batteur Bill O’Connell, le trompettiste Malachi Thompson ou la chanteuse Pat Scott (un duo sur l’anthologie “Mojo Mamas” publiée par le club Blue Chicago), il doit attendre 2004 pour publier son propre album, “In The Land Of Smooth”, sorti sur le label britannique Expansion.

Il continue ensuite à se produire et à enregistrer localement, sous son nom ou au sein d’un trio baptisé Point Of Vu, dont un titre figure sur l’anthologie “Luxury Soul 2022”. 

Red Paden (1955-2023)

Pendant plus de trente ans, Cornelius “Red” Paden a été le patron emblématique du principal juke-joint de Clarksdale, situé à l’angle de Sunflower Street et du Martin Luther King Jr Boulevard. Au fil des années, le lieu a changé de nom à plusieurs reprises – quand Jim O’Neal le visite en 1986, il s’agit du South End Disco –, mais il est bien souvent rattaché au surnom de son propriétaire : Red’s Lounge, Big Red’s Place, Red’s Blues Club, Red’s Juke Joint ou tout simplement Red’s.

Paden a fait ses débuts dans un  junk-joint du comté de Bolivar appartenant à son oncle, avant de lancer son propre lieu, et il a dirigé une autre salle, également appelé Red’s, à Belen dans le comté de Quitman. Si, jusqu’au début des années 1990, la musique live n’est qu’occasionnelle au Red’s, elle occupe progressivement une place croissante : Big Jack Johson, ami proche de Paden, en fait son club de prédilection – sa plaque du Mississippi Blues Trail y est installée –, et la programmation s’est ensuite développée, grâce en particulier aux conseils de Roger Stolle, au point qu’il y ait des concerts au moins quatre fois par semaine : en décembre 2023, Anthony “Big A” Sherrod, Lucious Spiller, Watermelon Slim et Terry “Big T” Williams, entre autres, s’y sont produits.

Au moins trois albums de Terry “Big T” Williams & Wesley “Junebug” Jefferson (“Meet Me In The Cotton Field”), T-Model Ford (“Jack Daniel Time”) et Anthony Sherrod avec les Cornlickers (“Reds Juke Joint Sessions Clarksdale, Mississippi”) ont été gravés. Très critique de la scène blues de Clarksdale – il déclarait en 2017 dans Living Blues que son club « était le seul endroit à Clarksdale où tu peux entendre du blues. Les autres jouent je ne sais pas quoi juste pour garder leurs portes ouvertes » –, il se voyait comme le porteur du flambeau du genre. 

En plus de son club, Red Paden avait lancé en 2018 son propre festival, le Red’s Old Timers Blues Festival, dont l’édition 2023 avait accueilli entre autres Cadillac John & Bill Abel, Miss Gladys & Terry “Big T” Williams, Watermelon Slim et John Horton. Il apparaît dans plusieurs documentaires dont M for Mississippi: A Road Trip through the Birthplace of the Blues et We Juke Up in Here.

Neil Slaven (19??-2023)

Historien, discographe, producteur et compilateur, Neil Slaven fait partie de ceux qui, à partir du milieu des années 1960, ont contribué à la fois à la connaissance et à la diffusion des musiques populaires afro-américaines. Cofondateur du jounal R&B Monthly avec Mike Vernon, il contribue également au lancement du label Blue Horizon – il joue même de la guitare sur la face B du premier 45-tours du label, crédité à Hubert Sumlin –, tout en travaillant pour les labels Decca et Deram, pour lesquels il produit des disques du Keef Hartley Band, de Chicken Shack et de Savoy Brown et rédige de nombreuses notes de pochettes, y compris celles de l’album fondateur de John Mayall avec Eric Clapton et de nombreuses rééditions.

Tout en écrivant pour différents périodiques musicaux, dont Blues Unlimited et Blues & Rhythm, il pilote différentes compilations et anthologies, notamment pour RCA et London Records, tout au long des années 1970, avant de devenir consultant chez Charly, produisant tout au long des années 1980 de nombreuses sorties dans la collection Charly R&B. Dans les années suivantes, il poursuit cette activité au service de Westside, JSP et indigo notamment. En 1968, il cosigne avec Mike Leadbitter un ouvrage discographique fondateur, Blues Records – January 1943 to December 1966, régulièrement mis à jour par la suite.

Samuel Butler Jr. (19??-2023)

Fils du Révérend Samuel Butler Sr., guitariste notamment des Original Five Blind Boys of Mississippi et des Brooklyn All Stars, le chanteur et guitariste Sam Butler Jr. fait ses débuts au milieu des années 1960 sous le pseudonyme de Little Junior avec le groupe familial, les Butler-Aires, avec qui il grave plusieurs singles tout au long de la décennie pour Jewel et Fuller.

Embauché par Dorothy Norwood au début des années 1970, il l’accompagne en tournée, en particulier lorsque celle-ci assure pendant trente dates la première partie des Rolling Stones. Keith Richards s’en souviendra, au point de l’embaucher pour quelques chœurs sur son album solo de 1988. Il collabore également avec Joe Cocker et Donald Fagen. Dans le courant des années 1980, Butler, qui a publié quelques singles séculiers sous son nom au début de la décennie (dont I can’t get over (Loving you), devenu un petit classique de la soul de l’époque) a rejoint les Blind Boys of Alabama de Clarence Fountain, participant à la comédie musicale The Gospel At Colonus et apparaissant sur plusieurs albums du groupe dans les années 1980 et 1990.

Il publie un album en collaboration avec Fountain, “Stepping Up & Stepping Out”, en 2009, puis un vrai album solo, “Raise Your Hands!” en 2015, qui le voit interpréter des compositions de Bruce Springsteen, Tom Waits, Eric Clapton et d’autres artistes pop et country. Un autre album sous son nom paraît en 2018, “Clarence Fountain Presents Sam Butler”. Il se produisait encore sous son nom il y a quelques mois. 

Norby Walters (1932-2023)

Figure flamboyante d’Hollywood, connu pour ses soirées et ses parties légendaires, Norby Walters avait fait ses débuts dans le monde de la musique en programmant des musiciens de jazz dans le bar de son père, rebaptisé le Brooklyn Bop Shop, au début des années 1950, offrant notamment son premier contrat en vedette à Miles Davis, avant de monter son agence de management et de booking, travaillant notamment avec et pour Gloria Gaynor, Marvin Gaye, Kool & the Gang, Patti LaBelle, Rick James, Parliament-Funkadelic, The Gap Band, The Four Tops, Michael Jackson et les premiers artistes hip-hop. 

Frank Cassenti (1945-2023)

Réalisateur engagé, proche à ses débuts de Chris Marker, Frank Cassenti réalise dans le courant des années 1990 différents documentaires musicaux et films de concerts pour Arte et France 3, évoquant entre autres Sun Ra, Ray Charles, Archie Shepp, John Hammond, Keb’Mo et Taj Mahal. Il avait cofondé le festival Jazz à Porquerolles. 

Lamar Chase (19??-2023)

Originaire de Californie, le guitariste et chanteur Lamar Chase se fait remarquer localement dès l’adolescence et accompagne notamment John Lee Hooker, J.J. Malone et Lowell Fulson. Installé aux Pays-Bas à la fin des années 1980, il devient vite un habitué des clubs et festivals du pays, se produisant régulièrement en particulier au Bourbon Street d’Amsterdam. 

Maurice Hines (1943-2023)

Habitué des scènes de Broadway et du monde entier, seul ou en duo avec son frère Gregory, le danseur et chorégraphe Maurice Hines s’inscrivait dans la lignée des grands danseurs afro-américains, dans la continuité en particulier des Nicholas Brothers. Outre ses apparitions dans des comédies musicales, où il croise la route de Phyllis Hyman, Jennifer Holliday, Stephanie Mills ou Melba Moore, il joue, avec son frère, dans le film de Francis Ford Coppola The Cotton Club. Il avait publié plusieurs albums de standards dans les années 2000. 

Wendell Bates (19??-2023)

Membre de l’équipe de promotion de Sussex Records, Wendell Bates, qui a également travaillé pour Capitol, Polydor et London Records, était particulièrement associé à la carrière de Bill Withers.

Robert Phelps (19??-2023)

Figure de la scène blues de Houston à partir des années 1950, le saxophoniste Robert Phelps avait notamment tourné avec Big Mama Thornton et Clarence Gatemouth Brown avant d’intégrer l’orchestre de Milton Hopkins. 

Jesse Graves (1949-2023)

Originaire de Pennsylvanie, disciple de  Son House, Gary Davis et Johnny Shines, le chanteur et guitariste Jesse Graves avait publié en 1972 un album de reprises de classiques, de Robert Johnson à Lead Belly, et avait ensuite continué à se produire régulièrement, notamment dans le Dakota du Sud où il vivait. 

Guitar Mac (1946-2023)

Figure de la scène blues de Sacramento, le chanteur et guitariste Harvey Macknally Sr, plus connu sous le nom de Guitar Mac, avait publié plusieurs albums sous le nom de Guitar Mac & His Blues Express. Habitué du King Biscuit Blues Festival, il avait participé au début des années 1980 à une tournée européenne du San Francisco Blues Festival et apparaît sur l’album qui en est issu, “San Francisco Blues Festival In Europe Again”. 

Tawl Ross (1948-2024)

Originaire de Caroline du Nord, Lucius “Tawl” Ross rejoint Funkadelic en tant que guitariste rythmique en 1968 et contribue aux trois premiers albums de l’ensemble, ainsi qu’à “Self Portrait” de Ruth Copeland et à “Osmium” de Parliament, co-signant avec ses collègues quelques titres comme Super stupid et Wars of Armageddon. Une mauvaise expérience avec le LSD en 1971 lui laisse des séquelles qui lui imposent de quitter le groupe et le monde de la musique dans son ensemble. Il réapparaît néanmoins en 1995 sous le nom de Tal Ross* A.K.A. Detrimental Vasoline pour l’album “Giant Shirley” auquel participe un autre ancien clintonien, le batteur Jerome “Bigfoot” Brailey. 

Lilian Descorps (19??-2024)

Habitué des scènes et festivals français depuis les années 1990 avec le groupe Double Stone Washed, le chanteur et harmoniciste Lilian Descorps avait participé aux différents albums de l’ensemble parus dans les années 2000 et continuait à se produire régulièrement. 

Stanley Keeble (1937-2023)

Figure de la scène gospel de Chicago, le pianiste et chanteur Stanley Keeble fait ses débuts dans les années 1950 en accompagnant le chœur de la Fellowship Missionary Baptist Church sous la direction de Clay Evans et participe à ses enregistrements. Accompagnateur de différents artistes gospel comme Jessy Dixon ou Dorothy Love Coates, il monte à la fin des années 1960 son propre ensemble, les Voices of Triumph, avec lesquels il enregistre plusieurs disques pour des labels locaux. Il publie également deux disques sous son seul nom. 

Harrison Johnson (1937-2023)

Originaire de Memphis, c’est à Los Angeles que grandit Harrison Johnson. Après avoir accompagné différents artistes, il monte le Los Angeles Community Choir avec lequel il publie une série d’albums pour Savoy à partir de la fin des années 1970. Plusieurs de ses compositions, comme Lord help me to hold out et I’ve decided to make Jesus my choice, sont devenues des classiques repris notamment par James Cleveland, les Gospel Keynotes, Mildred Clark And The Melody Aires ou Nikki Giovanni. 

Textes : Frédéric Adrian

hommageJohnny Ray DanielsSandra Reaves-Phillips