;
Hommages / 29.01.2024

Ils nous quittent : Dick Waterman, Jo-El Sonnier, Kester Smith…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Dick Waterman (1935-2024)

Sans jamais avoir joué une seule note de musique de sa vie, Dick Waterman a fait partie, à l’aube du premier blues boom, des premiers passeurs qui ont joué un rôle décisif dans l’accès des musiques afro-américaines auprès d’un large public. 

Né le 14 juillet 1935 à Plymouth, dans le Massachusetts, Waterman fait des études de journalisme à Boston et intègre la rédaction de Broadside, une publication spécialisée dans le folk. En 1963, il commence à organiser des concerts blues avec notamment Mississippi John Hurt et Bukka White. L’année suivante, il part avec ses camarades Phil Spano et Nick Perls à la recherche de Son House, arpentant dans conditions rocambolesques le Delta et en particulier les environs de Clarksdale, avant de découvrir que House était installé à Rochester, dans l’État de New York ! 

Waterman prend en charge la carrière de House, dont il devient le manager, le présentant notamment au public lors de sa première apparition au festival folk de Newport. Il évoquait longuement sa relation à House dans les colonnes de notre numéro 246, à l’occasion de la sortie d’un album en public inédit de celui-ci issu de ses propres enregistrements.

Dans la foulée, il lance sa propre agence de booking, Avalon Productions, qui s’occupe notamment de Son House, Bukka White, Mississippi John Hurt, Skip James, Lightnin’ Hopkins et Arthur Crudup, mais aussi de musiciens de la génération suivante  Junior Wells et J.B. Hutto. Il assure également tout au long des années 1970 le management de Bonnie Raitt. Également passionné de photographie, ses clichés constituent des documents majeurs sur la scène blues de l’époque, et ses images illustrent les pochettes de nombreux disques, comme “Father Of Folk Blues” de Son House et “Skip James Today!”

Installé à Oxford dans le Mississippi dans les années 1980, il continue à gérer les intérêts posthumes des artistes qu’il a accompagnés et leur succession, contribuant en particulier à la mise en place d’une pierre tombale pour Fred McDowell, et participe à de nombreux colloques et évènements autour du blues. Au début des années 2000, il publie un recueil de ses photographies, Between Midnight and Day: The Last Unpublished Blues Archive et coordonne l’ouvrage The B.B. King Treasures: Photos, Mementos & Music from B. B. King’s Collection, tandis qu’une biographie lui est consacrée  par Tammy L. Turner en 2019, A Life In The Blues.

Photo : Dick Waterman et Son House © DR / Collection Dick Waterman

Jo-El Sonnier (1946-2024)

Né à Rayne en Louisiane, une région encore largement francophone, le chanteur et accordéoniste Jo-El Sopnnier a refusé, tout au long d’une carrière entamée dans les années 1960, de choisir entre country et cajun. Enfant prodige, il publie son premier disque alors qu’il n’est qu’adolescent (Bayou beauf waltz) avant de signer avec Goldband, pour qui il publie plusieurs singles jusqu’à la fin de la décennie. 

Sa carrière bascule quand il signe avec Mercury au milieu des années 1970 et décroche plusieurs petits succès dans un registre country. Outre ses enregistrements personnels, il se lance également dans une carrière de musicien de studio, accompagnant à l’accordéon Asleep At The Wheel, Hank Williams Jr., Elvis Costello, Dolly Parton, Robert Cray, Clarence “Gatemouth” Brown et Johnny Cash. Ce dernier, comme Doug Kershaw, Emmylou Harris, Jerry Lee Lewis, Jimmy C. Newman, Conway Twitty et Loretta Lynn, enregistre d’ailleurs plusieurs de ses compositions.

S’il revient ponctuellement du côté cajun au début des années 1980, avec en particulier l’album “Cajun Life” pour Rounder auquel participe Michael Doucet, c’est dans le monde de la country qu’il connaît sa plus grande réussite après avoir signé avec RCA à la fin des années 1980 : plusieurs de ses chansons deviennent des tubes majeurs du genre, parmi lesquels No more one more time et Tear-stained letter. Sa reprise du Rainin’ in my heart de Slim Harpo lui vaut aussi un beau succès. 

Malgré une signature avec Capitol, sa popularité dans le monde de la country s’affaiblit dans le courant des années 1990, et il retrouve Rounder pour l’album “Cajun Roots” au milieu de la décennie, suivi par plusieurs albums dans ce registre pour différents labels, dont en particulier Green Hill. Paru en 2013, son dernier disque, “The Legacy”, intégralement chanté en français, lui permet, à sa cinquième nomination, de décrocher un Grammy. S’il n’entre plus en studio par la suite, il continuait à se produire régulièrement, et c’est littéralement juste après un dernier rappel sur la scène d’un club texan qu’il est décédé.

Kester Smith (19??-2024)

Originaire de Trinidad, Kester Smith a été pendant plus de quarante ans le batteur du trio de Taj Mahal, apparaissant encore à ses côtés en 2019 au Blues Roots Festival de Meyreuil. Il est présent sur de nombreux albums de Taj Mahal, de “Mo’ Roots” de 1973 à “Maestro” de 2008, en passant notamment par “Music Fuh Ya’ (Musica Para Tu)”, “Mule Bone” et plusieurs disques en public. Au fil des années, il a également enregistré avec Geoff Muldaur, Pinetop Perkins et différents albums d’artistes soutenus par la fondation Music Maker.

Joe Jama (19??-2024)

Figure de la scène latin soul de San Antonio depuis les années 1960, le bassiste et chanteur Joe Jama, né Joe Perales, a contribué à de nombreux disques, tant sous son pseudonyme qu’en tant que membre de différents groupes comme les Royal Jesters, participant notamment au sein de ceux-ci au classique Yo soy chicano.

Frank Farian (1941-2024)

Figure de la scène disco et pop mondiale, responsable notamment pour les carrières de Boney M et Milli Vanilli, le producteur allemand Frank Farian a commencé sa carrière en tant que chanteur, publiant quelques reprises de classiques soul comme Mr. Pitiful ou Under the boardwalk. Outre ses deux groupes fétiches, particulièrement consternants, il a également produit le groupe Eruption, et sa chanteuse Precious Wilson, responsables de reprises disco de I can’t stand the rain et Hold on I’m coming

Philippe Combelle (1939-2024)

Fils du saxophoniste pionnier Alexis Combelle, le batteur Philippe Combelle s’impose sur la scène jazz parisienne dès le début des années 1960, accompagnant régulièrement Memphis Slim (l’album “Aux Trois Mailletz” de 1962 avec Willie Dixon notamment) en plus des vedettes américaines de passage comme Sonny Criss et Don Byas. S’il donne ensuite dans la chanson française – il est notamment le batteur de Jacques Brel –, il enregistre aussi avec La Velle, Mina Agossi et le groupe Boogaloo Baby. 

Slim Pezin (1945-2024)

Figure des studios français à partir des années 1960, le guitariste, auteur, arrangeur et producteur a beaucoup donné dans la variété française, dirigeant notamment l’orchestre de Claude François et collaborant sur disque et sur scènes avec les vedettes du genre, de Michel Sardou à Johnny Hallyday, en passant par Charles Aznavour et Mylène Farmer. Dans un registre plus proche des musiques chères à Soul Bag, il accompagne Nino Ferrer, T-Bone Walker (l’album “Good Feelin’”), Manu Dibango, Hal Singer, Vigon, Sugar Blue… En collaboration avec Cerrone et au sein du groupe Voyage, il est aussi actif sur la scène disco française.

Cynthia Garrison (19??-2024)

La chanteuse a été membre des Three Degrees de 1989 à 2010.

Textes : Frédéric Adrian

Dick WatermanhommageJo-El SonnierKester Smith