;
Hommages / 18.12.2023

Ils nous quittent : Amp Fiddler, Arthur Crume, Fanita James, Earnest Jackson…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Amp Fiddler (1958-2023)

Originaire de Détroit, Joseph Anthony Fiddler étudie le piano et le jazz dans sa jeunesse, notamment aux côtés du très influent Harold McKinney, membre du collectif Tribe. La découverte des possibilités de l’électronique bouleverse sa vision de la musique, et c’est au côté du groupe Enchantment qu’il commence à travailler dans le monde de la soul et du funk.

Au milieu des années 1980, il rejoint la galaxie centrée autour de George Clinton, participant à ses activités sur scène et sur disque jusqu’au milieu des années 1990, apparaissant en particulier sur les albums solo de Clinton et à ses côtés sur la bande originale du film de Prince Graffiti Bridge, ainsi que sur différents projets secondaires. Habitué des studios, il joue également sur disque avec des artistes aussi divers que Cheryl Lynn, Was (Not Was), Warren Zevon, Ladysmith Black Mambazo, Charles & Eddie, Seal, les Brand New Heavies, Primal Scream ou Maxwell… Il travaille également à cette période avec J Dilla, à qui il fait découvrir l’Akai MPC. 

Après une tentative en 1990 sous le nom Mr. Fiddler avec son frère Bubz Fiddler (l’album “With Respect”), il lance réellement sa carrière solo en 2003 avec l’album “Waltz Of A Ghetto Fly” sur lequel apparaissent George Clinton et Raphael Saadiq, qui connaît un réel succès autant critique que commercial, que confirme le disque suivant “Afro Strut”, sorti en 2006. Fiddler devient alors un habitué des scènes françaises, se produisant régulièrement avec un groupe emmené notamment par le batteur Jerome Brailey, autre ancien de la galaxie p-funk.

Enregistré avec la paire rythmique Sly & Robbie, l’album “Inspiration Information” de 2008 confirme ce succès, mais marque le début d’une pause dans sa discographie personnelle, qui ne s’interrompt qu’au milieu des années 2010, même s’il continue à tourner régulièrement, en particulier en France, se produisant dans les clubs et les festivals quasiment tous les ans jusqu’en 2019. Sa carrière solo ne l’empêche pas de mettre son talent au service des autres, et il croise pendant cette période la route de Corinne Bailey Rae, Angélique Kidjo, Leon Ware, Raphael Saadiq, José James, Lakecia Benjamin, Meshell Ndegeocello et Moodyman ainsi que celle du groupe funk de Détroit Will Sessions avec lequel il grave deux albums. De graves problèmes de santé avaient limité ses activités ces derniers mois.
Photo © Stella-K

Arthur Crume (1929-2023)

Avec le décès d’Arthur Crume, c’est un des derniers liens avec la scène historique du gospel de Chicago qui disparaît. Né en 1929 dans la petite ville de Swift dans le Missouri, Arthur Crume est le sixième des onze enfants de Dillard et Lonia Crume – plusieurs de ses frères feront carrière dans le monde de la musique gospel. Dès l’adolescence, il intègre le groupe a cappella monté par son frère aîné, les Crume Brothers, qui acquièrent rapidement une certaine réputation dans la région de Chicago, où la famille s’est installée. Il se met également à la guitare et ne tarde pas à accompagner différents groupes gospel locaux. Au milieu des années 1950, il intègre en tant que guitariste et chanteur les Pilgrim Jubilees, avec lesquels il grave quelques faces en particulier pour NBC et Nashboro, avant de rejoindre les Highway QC’s – dont le chanteur est un certain Johnnie Taylor – qui enregistrent alors pour Vee-Jay. Après un bref passage au sein des Sensational Nightingales, il remplace son frère LeRoy au sein des Soul Stirrers. 

Le groupe, qui a vu passer en son sein des chanteurs principaux majeurs comme Rebert H. Harris, Sam Cooke et Johnnie Taylor, n’est plus tout à fait au sommet de son succès, mais reste très populaire sur la scène gospel, et il enregistre régulièrement pour Checker jusqu’au début des années 1970, avant de passer par Specialty, Jewel puis Savoy. Dans le courant de la décennie 1970, Arthur Crume devient le leader officiel du groupe, qui publie plusieurs albums sous le nom de Arthur Crume & The Soul Stirrers dans les années 1980. Si des versions concurrentes du groupes émergent dans les années 1970 – les Original Soul Stirrers de J.J. Farley, en particulier, qui participent à la comédie musicale The Gospel At Colonus –, Arthur Crume continue à mener sa version de l’ensemble, bien souvent avec ses frères Leroy, Dillard et Rufus, au moins jusqu’à la fin des années 1990.

En 2008, il participe avec d’autres membres historiques (dont son frère LeRoy) à l’album Malaco “A Soul Stirrers Reunion”. Il apparaît également avec LeRoy sur un Soul Stirrers Medley sur l’album “Walk A Mile In My Shoes” d’Otis Clay. Bien qu’il ait quasi-exclusivement joué dans un registre gospel, il lui est arrivé de faire quelques infidélités au genre, participant par exemple à quelques séances Jewel pour Wild Child Butler. Il avait publié en 2012 une autobiographie, The Perfect Song: The True Story of Arthur Lee Crume, Sr. of the Soul Stirrers

Fanita James (1938-2023)

Originaire de Sain-Louis dans le Missouri, Fanita Barrett, dont le frère Ronald est membre des Meadowlarks de Don Julian, rejoint vers 1954 un groupe vocal basé à Los Angeles, les Dreamers. L’ensemble ne tarde pas à se faire remarquer sur la scène locale et commence à travailler pour le label Flair, en particulier avec Richard Berry, accompagnant d’autres artistes du label en studio et publiant quelques singles.

Rebaptisées les Blossoms, le groupe enchaîne les disques pour différents labels (Capitol, RCA, Challenge), parfois sous d’autres noms, mais c’est surtout en tant que choristes – par exemple sur Everybody loves to cha cha cha de Sam Cooke – qu’elles travaillent. Repérées par Phil Spector, elles deviennent des habituées de ses productions, de You’ve lost that lovin’ feelin’ à River deep – mountain high, et ce sont leurs voix  qui apparaissent sur He’s a rebel, crédité aux Crystals. Fanita Bennett, désormais Fanita James, chante avec Bobby Sheen au sein de Bob B. Soxx & the Blue Jeans, qui décroche un tube en 1962 avec Zip-a-dee-doo-dah. Outre ses prestations en studio, le groupe, désormais devenu un trio emmené par Darlene Love avec James et Jean King, est un habitué des écrans de télévision, servant de choristes régulières de l’émission de variétés Shindig!. Elles apparaissent aux côtés de Marvin Gaye  dans le film de concert le T.A.M.I. Show,  et avec Elvis Presley à l’occasion du ’68 Comeback Special. 

Si le groupe tente de relancer sa carrière propre à partir de la fin des années 1960, avec des singles pour MGM, Reprise et Bell et un album pour Lion Records, c’est en tant que choristes qu’elles travaillent le plus régulièrement, enregistrant aussi bien avec Fats Domino ou Al Kooper qu’avec Nancy Sinatra ou Tom Jones. Après départ de Darlene Love au milieu des années 1970 et le décès de King au début des années 1980, Barrett continue à mener sa version des Blossoms, en particulier sur les scènes de Las Vegas et aux côtés de Tom Jones, jusqu’aux années 1990. Si elle intègre dans les années 1990 une version des Shirelles, elle remonte les Blossoms avec une autre membre fondatrice, Gloria Jones, au début des années 2000, avant de prendre sa retraite.  Elle apparaît en 2013 dans le film 20 Feet From Stardom avec Darlene Love, Edna Wright et Gloria Jones.

Earnest Jackson (19??-2023)

Figure de la scène soul de Baton Rouge – où il chantait encore régulièrement sur le circuit des maisons de retraite ! –, le chanteur Earnest Jackson avait fait ses débuts discographiques sous la houlette du producteur Bonnie Fussell avec les Tytans pour le label local Bufuz, sans grand succès.

Il relance sa carrière au milieu des années 1970, cette fois-ci avec Ron Shaab, qui publie plusieurs de ses singles sur le label Stone Records. Sa version du Love and happiness d’Al Green lui permet de connaître un petit succès local, mais, malgré une sortie britannique, ne lui permet pas de se lancer dans une carrière professionnelle, même s’il publie un dernier 45-tours dix ans plus tard sur un autre label local, Royal Shield Records.

Reconverti dans la restauration, il se fait connaître en ville comme “le serveur chantant”… La redécouverte en 2022 d’Inflation, une chanson gravée au milieu des années 1970 dans les studios d’Allen Toussaint avec le groupe funk Sugar Daddy and The Gumbo Roux et restée inédite jusque-là, lui permet de connaître un succès jamais atteint jusqu’ici – et le plus gros chèque de droits d’auteur de sa carrière ! – quand celle-ci fait le buzz suite à son utilisation dans une émission économique de la radio publique NPR et dépasse le million de streams. 

James “Jabo” Houston (1944-2023)

Figure historique de la scène d’Austin, James “Jabo” Houston avait publié il y a quelques mois son premier CD, “Jabo Blues” (cf. chronique dans SB 250), à l’âge de 78 ans. Originaire d’Elgin, au Texas, Houston fait ses premiers pas sur la scène blues en tant que batteur de l’orchestre de T.D. Bell, puis passe à la basse. Il monte son propre groupe, Chef Houston and the Cooks, plus tard renommé The Ol’ Dogs, avec lequel il se produit dans les clubs locaux, tout en continuant à accompagner à la basse T.D. Bell, Hosea Hargrove, Blues Boy Hubbard et même Pinetop Perkins. Si des problèmes de santé il y a quelques années ont limité sa mobilité, il était passé à l’orgue et continuait à se produire régulièrement localement avec les Ol’ Dogs. Enregistré dans le studio de Nico Leophonte, son album, sorti en février 2023, est a priori sa seule trace enregistrée.

Greg “Fingers” Taylor (1951-2023)

Originaire de Wichita, au Kansas, Greg “Fingers”  Taylor se fait remarquer au sein du Coral Band de Jimmy Buffett, dont il est, à l’harmonica, un membre fidèle à partir des années 1970, apparaissant régulièrement sur les disques de celui-ci de cette époque aux années 2000. Il publie en 1984 son premier album personnel, “Harpoon Man”, enregistré avec Anson Funderburgh And The Rockets. “Chest Pains”, auquel participent des pointures comme Steve Cropper et les Memphis Horns, sort en 1990 sur MCA, avec le soutien de Buffett, mais la suite de sa carrière personnelle est plus modeste, avec des albums pour Ripete et Appaloosa. Paru en 2003, son dernier disque, “Hi Fi Baby”, voyant la participation de Kim Wilson, Doug Deming et Richard Innes. Outre les albums de Buffett, il était apparu sur des disques de Larry Jon Wilson, Jerry Jeff Walker, Jimmy Hall, James Taylor, Al Kooper, Latimore, Little Milton, Omar Dykes, Sam Lay… Des problèmes de santé l’avaient conduit à mettre un terme à sa carrière il y a une dizaine d’années.

Bobby Dixon (19??-2023)

Fils de Willie Dixon, le pianiste Bobby Dixon se produisait régulièrement, souvent dans des formats hérités des All Stars paternels, dans des concerts hommages où il reprenait le répertoire de son père, en particulier dans le cadre du Chicago Blues Festival. 

J. Monque’D (19??-2023)

Figure de la scène blues de La Nouvelle-Orléans, J. Monque’D, qui a aussi été vendeur de hot-dogs dans le French Quarter et rabatteur pour club de strip-tease sur Bourbon Street, a commencé à enregistrer dans les années 1980 sous la houlette d’Art Neville et publié une série d’albums dans les années 1990, en particulier pour des labels européens. Un disque autoproduit, “Old & New, Borrowed & Blues”, était paru en 2018. Habitué des clubs locaux, il s’était encore produit en 2023 au Jazz & Heritage festival. 

Nedra Beard (19??-2023)

Basée à Los Angeles, la chanteuse Nedra Beard travaille avec différents groupes comme DeBlanc et Starfire avant de rencontrer le producteur Leon Sylvers (qu’elle épouse en 1981) au côté de qui elle se produit sur scène avec le groupe familial les Sylvers, remplaçant les membres mineurs qui ne peuvent tourner. À l’initiative de Sylvers, elle intègre ensuite le groupe funk Dynasty, qu’il produit, et apparaît sur l’ensemble des albums publiés par l’ensemble jusqu’en 1988. Elle se fait également remarquer en tant qu’autrice, écrivant aussi bien pour Dynasty que pour d’autres artistes du label Solar, de Shalamar à Carrie Lucas, en passant par les Whispers et les Sylvers, cosignant notamment le classique A night to remember. Elle avait participé au début des années 2020 à la reformation de Dynasty. 

Richard Kerr (1944-2023)

Principalement connu pour ses compositions pour Barry Manilow, l’auteur-compositeur britannique Richard Kerr a également vu ses chansons être enregistrées par Dionne Warwick (I’ll never love this way again), L.T.D., Jeffrey Osborne, Natalie Cole, les Edwin Hawkins Singers…

Norman Lear (1922-2023)

Figure légendaire de la télévision américaine, le scénariste et producteur Norman Lear était le créateur de plusieurs séries majeures centrées autour de personnages afro-américains comme Sanford and Son (avec Redd Foxx), The Jeffersons et Good Times.

Textes : Frédéric Adrian

Amp FiddlerArthur CrumeFanita Jameshommage