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Hommages / 21.02.2023

Chuck Jackson (1937-2023)

Quelques jours après le décès de Burt Bacharach, c’est au tour d’un de ses premiers grands interprètes de disparaître. Peu connu en France, Chuck Jackson a été pendant deux décennies une figure importante de la scène soul, avec une vingtaine d’apparitions dans le classement R&B de Billboard de 1960 à 1980.

Né à Winston-Salem en Caroline du Nord le 22 juillet 1937, il grandit à Latta en Caroline du Sud et à Pittsburgha en Pennsylvanie. Comme nombre de ses contemporains, c’est à l’église qu’il commence à chanter, et c’est au sein d’un ensemble gospel, les Raymond Raspberry Gospel Singers, qu’il fait ses débuts professionnels. À l’âge de 20 ans, il saute le pas de la musique séculière en intégrant les rangs d’une version du groupe doo-wop les Dell-Vikings, chantant la partie principale de quelques titres (Willette) et partant sur la route dans des tournées aux côtés notamment de Ray Charles, Larry Williams, Joe Turner et Bo Diddley. Il participe également à au moins un single du groupe publié, pour des raisons légales, sous le nom des Versatiles. 

Sur les conseils de Jackie Wilson, il se lance dans une carrière solo, publiant quelques singles pour le label new-yorkais Clock, décrochant un premier petit succès avec I’m yours. C’est alors qu’il se produit au sein de la revue de Wilson qu’il est découvert par la patronne des disques Scepter Florence Greenberg et son directeur artistique Luther Dixon, qui font de lui un des premiers artistes à enregistrer pour leur nouveau label, Wand

© DR

Publiée en 1961, I don’t want to cry – une rare chanson qu’il a cosignée, qui sera reprise par les Shirelles, Gene McDaniels, Anna King, Big Maybelle, Eddie Floyd, Ronnie Dyson, David Porter… – lui donne son premier tube, qui monte jusqu’au 5e rang du classement R&B et à la 31e place du Hot 100. Plusieurs succès suivent, dont I wake up crying (une composition de Burt Bacharach avec Hal David), I keep forgettin’, Tell him I’m not home, Beg me et surtout une autre chanson de Burt Bacharach avec Bob Hilliard, la mélodramatique Any day now, qui lui donne le plus grand tube de sa carrière, deuxième du classement R&B et 23e du Hot 100. Une alliance avec Maxine Brown à partir de 1965 lui vaut également quelques belles réussites en duo, avec des versions énergiques de Something you got et Hold on I’m coming

Mécontent du soutien de son label, Jackson décide de rompre – à ses frais – son contrat avec Wand et signe avec Motown. Si l’association est séduisante, le résultat est décevant. Un premier album, “Chuck Jackson Arrives”, bénéficie de la participation de l’élite des auteurs et producteurs du label (Norman Whitfield, Smokey Robinson, Holland-Dozier-Holland…), mais les résultats, tant au plan artistique que commercial, sont inférieurs aux espérances de chacun, et c’est avec un générique moins prestigieux que sont élaborés ses deux albums suivants, qui ne connaissent pas non plus le succès. S’il rebondit ensuite chez ABC puis All Platinum et EMI et décroche quelques tubes mineurs jusqu’en 1980, il ne retrouve jamais le niveau de réussite qu’il avait connu chez Wand. 

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S’il enregistre ensuite ponctuellement – pour Shanachie et Motorcity, notamment –, c’est au circuit de la nostalgie qu’il se consacre désormais, se produisant aussi bien dans des festivals blues et R&B que sur les scènes lucratives de la beach music. Il apparaît également régulièrement en Angleterre, où sa musique a toujours été populaire. Il continue à se produire jusqu’à la fin des années 2010 avant de prendre une retraite bien méritée.

Ses disques Wand ont largement été réédités, en particulier par Kent qui propose plusieurs compilations bien fichues (dont “Good Things”, qui reprend les tubes) et des albums originaux. Une intégrale Motown, “The Motown Anthology”, en deux CD avec de nombreux inédits, existe également, tandis que Sequel avait publié il y a 25 ans une compilation dédiée aux années All Platinum, “Smooth, Smooth Jackson”. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR / Collection Gilles Pétard

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