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Interviews / 20.10.2021

Batterie de compétences, épisode 1 : Pascal Delmas

Ils sont batteurs de talent, tourneurs, programmateurs, investis dans la production d’albums… En attendant de vous présenter Denis Agenet et Fabrice Bessouat, honneur à Pascal Delmas.

Pour débuter cet entretien, revenons sur ton parcours musical et artistique.

Ma première grosse expérience dans le blues, ça a été de partir jouer en Angleterre avec Otis Grand. J’ai eu cette opportunité grâce à une société de production du nom de Rhesus Blues qui faisait tourner des artistes comme Joe Louis Walker ou John Hammond. Je suis parti à Londres entre 1993 et 1998 en tant que batteur d’Otis. J’ai joué un peu partout, en Angleterre, en Irlande, en Écosse et même en Turquie ou au Liban. Cette expérience m’a permis de rencontrer des gens comme Robert Ward, Ike Turner, Big Lucky Carter, Joe Louis Walker et a largement conditionné la suite de ma carrière ! À mon retour dans l’Hexagone, j’ai continué à accompagner des artistes américains, Jeff Zima, notamment, un guitariste qui vit en France, mais qui est originaire de La Nouvelle-Orléans. De 2006 à 2010, j’ai été le batteur de Rosebud Blue Sauce et nous avons eu la chance d’accompagner RJ Mischo, Little Victor et le regretté Lynwood Slim qui a d’ailleurs produit un album de Rosebud enregistré dans mon garage ! C’est Nico Duportal (chanteur-guitariste du groupe) qui avait cette connexion avec Slim. Il l’avait rencontré à l’occasion d’un festival avant que j’intègre le groupe.

Ce que tu fais aujourd’hui s’inscrit donc totalement dans la suite logique de ton parcours. 

Tout à fait ! Je suis tout à la fois musicien, tourneur, road manager, mais également programmateur pour le Bay-Car Blues Festival et pour la partie blues du festival Place aux artistes à Albi. Pour le Bay-Car, nous avons eu carte blanche avec Marc Bouillon pour monter une programmation très ambitieuse (Rick Estrin, John Primer, Kirk Fletcher, Crystal Thomas, Alexis Evans…) en gardant l’identité du festival. En parallèle, je travaille régulièrement en tant que consultant artistique pour l’association Bluz Track avec différents festivals auxquels nous proposons des artistes souvent inédits, peu connus en France, qui viennent pour la première fois ou presque dans notre pays. Le réseau blues en France est un petit réseau avec des festivals familiaux, solidaires avec lesquels nous bâtissons une relation de confiance. Une relation de passionnés ! 

© Christophe Losberger

“Le réseau blues en France est un petit réseau avec des festivals familiaux, solidaires avec lesquels nous bâtissons une relation de confiance.”

Pascal Delmas

Comment choisis-tu les musiciens que tu es amené à faire tourner?

Ce sont souvent des rencontres. Sean Carney, avec qui je tournais, m’a mis en contact avec John Del Toro Richardson, par exemple. Mais, les rencontres se font également par l’intermédiaire de festivals qui programment des artistes qu’ils me demandent d’accompagner. C’est ce qui s’est passé avec Johnny Nicholas, notamment. Pour Crystal Thomas, j’ai été directement contacté par Eddie Stout, responsable du label Dialtone, qui m’a envoyé son vinyle. Je suis immédiatement tombé sous le charme : les morceaux, la voix, les arrangements, tout me plaisait ! 

Et pour ce qui est des musiciens que tu choisis pour accompagner ces artistes, comment procèdes-tu ? 

On a de la chance en France, on a un sacré vivier ! Difficile de choisir, parfois ! Quand je fais venir une tête d’affiche américaine, j’aimerais que tout le monde participe au festin ! Les musiciens que je choisis sont avant tout des personnes que j’admire ! J’ai fait deux belles tournées cet été, l’une avec Johnny Sansone, l’autre avec James Armstrong en faisant appel respectivement à Mig Toquereau et Antoine Escalier comme bassistes. Pour le batteur que je suis, c’est le paradis ! C’est une sacrée chance de pouvoir choisir les personnes avec lesquelles on travaille. Mais, bien sûr, cela nécessite de prendre en compte les affinités, les disponibilités (ce sont des musiciens assez demandés).

Être sur la route pendant plusieurs semaines, ce n’est pas toujours facile. Il faut choisir des musiciens qui ont cette expérience, ce vécu. Le côté musical est essentiel, mais il convient de ne surtout pas négliger l’aspect humain. Quand on fait 6 000 kilomètres ensemble en 10 jours, s’il y en a un qui a un problème d’ego, la situation n’est pas tenable ! Si je prends l’exemple des équipes avec lesquelles j’ai eu la chance de tourner cet été, ce sont des personnes qui ont justement ce sens du collectif. Je suis aussi attentif aux liens que les artistes américains que je fais venir peuvent déjà avoir développés avec des musiciens européens. Lorsque je fais tourner Mike Wheeler, j’appelle Kai Strauss parce que je sais qu’il y a un lien entre eux, que c’est important sur scène et que les gens ressentiront cette complicité entre les deux. Mais, je reste aussi ouvert à de nouvelles rencontres ! 

Pascal, jamais à court de batterie. © Philippe Broussard

“Notre ambition est de faire de Técou pour le blues ce que Marciac est au jazz !”

Pascal Delmas

Il semble que les choses ne vont pas en rester là ! Que peux-tu nous dire des futurs projets dans lesquels tu es engagé ?

Le projet le plus important pour la rentrée va être l’ouverture d’une salle à Técou, près de Gaillac (Tarn). La programmation sera assurée par Bluz Track Productions, une toute nouvelle société que nous venons de créer avec Jean-Luc Suarez, fondateur de Rhesus Blues évoqué un peu plus haut. La boucle est bouclée en quelque sorte ! La salle va accueillir Sylvia Howard en octobre, Crystal Thomas en novembre, James Armstrong en mars, Slam Allen en avril et on a prévu de faire un festival sur trois jours lors du week-end de la Pentecôte qui s’appellera Técou en Blues. Je ne peux encore rien dire sur la programmation, mais on espère bien faire un peu de bruit ! Notre ambition est de faire de Técou pour le blues ce que Marciac est au jazz ! L’infrastructure est toute neuve, la communauté de communes de Gaillac est prête à s’investir, à développer des résidences d’artistes, des interventions dans les écoles. On a un outil extraordinaire !

Bluz Track s’investit également dans la production avec le prochain album de Mister Tchang qui sortira le 10 novembre. On a lancé une souscription qui a été pas mal suivie, on a bénéficié du soutien de Michel Rolland de Cognac Blues Passions pour cet album enregistré dans le nouveau studio d’Antoine Escalier (Gumbo Lab) avec Arnaud Fradin aux manettes. Cela me semblait essentiel de travailler avec Arnaud parce que Sam et lui ont un vécu commun [Mister Tchang a fait partie de Malted Milk en 2006 et 2007] et qu’il m’apparaissait comme la personne idéale pour canaliser toute cette énergie et faire un album à la mesure de son talent. Dans cet album, on a de belles compositions avec ces moments explosifs dont Sam a le secret. Une tournée est prévue en novembre avec l’European Blues All-Stars qui réunit des piliers de la scène européenne comme Victor Puertas ou Luca Giordano. Avec Bluz Tracks Productions, on souhaite également développer la partie enregistrement en lien avec Arnaud Fradin et le studio Gumbo Lab et ainsi initier un volet maison de disques. Les choses progressent, les planètes sont alignées, c’est génial ! 

Propos recueillis par Nicolas Deshayes
Photo d’ouverture © Christophe Losberger

© Christophe Losberger

bluztrack-productions.com

Nicolas DeshayesPascal Delmas