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Hommages / 30.01.2023

Barrett Strong (1941-2023)

Si son nom est resté ignoré du grand public, Barrett Strong a joué un rôle majeur dans la naissance et le développement de Motown et est associé directement à quelques-uns des succès majeurs du label.

Né dans le Mississippi le 5 février 1941, Strong s’installe avec sa famille à Détroit à l’âge de 5 ans.  À l’adolescence, il apprend le piano et commence à accompagner ses sœurs qui ont monté un groupe vocal. C’est un ami d’école de ses sœurs, le chanteur Jackie Wilson, qui lui permet de se lancer dans une carrière musicale quand il le présente à un de ses collaborateurs qui vient de lancer son propre label : Berry Gordy

Un premier single, Let’s rock / Do the very best you can, sort en avril 1959 sans grand succès, mais son successeur, paru quelques mois plus tard, change la vie aussi bien de Strong que de Gordy. Un des premiers morceaux gravés dans les studios de West Grand Boulevard, co-signé par Gordy avec Janie Bradford, Money (That’s what I want) devient un tube majeur, deuxième dans le classement R&B de Billboard, au point que Gordy, qui l’a sorti sur son label Tamla est contraint de laisser le label Anna, fondé par ses sœurs Anna et Gwen, en assurer la distribution nationale. 

Le succès de la chanson, qui devient un classique immédiat, régulièrement repris depuis, contribue à lancer l’aventure de l’empire Motown, mais la carrière personnelle de Barrett Strong n’en profite que peu. Bien qu’il publie différents singles dans les années suivantes (y compris pour Atco et Tollie), il ne parvient pas à retrouver le succès. À défaut de réussite en tant qu’interprète, c’est en tant qu’auteur-compositeur qu’il travaille, écrivant des chansons pour différents artistes Motown, comme Mary Wells et Eddie Holland, mais aussi en dehors, tels que Dee Clark, Cicero Blake, Jackie Wilson, Gene Chandler, Chubby Checker ou les Dells (le classique Stay in my corner). 

Sa carrière d’auteur décolle réellement quand il s’associe, au milieu des années 1960, à un autre membre de l’équipe Motown, le producteur Norman Whitfield. Ensemble, ils concoctent quelques-uns des plus grands classiques de la soul de l’époque, parmi lesquels Too busy thinking about my baby, I heard it through the grapevine, War, Smiling faces sometimes, Cloud nine, I can’t get next to you, Psychedelic shack, Ball of confusion (That’s what the world is today), Papa was a rollin’ stone (qui vaut un Grammy au duo d’auteurs), Just my imagination (Running away with me), I wish it would rain, Message from a black man… Rien que chez Motown, leurs chansons sont enregistrées par les plus grands artistes du label – Edwin Starr, les Supremes, Marvin Gaye, Jimmy Ruffin, Gladys Knight & the Pips, les Temptations, Smokey Robinson & the Miracles… – et les reprises se multiplient, de King Curtis à Creedence Clearwater Revival en passant par Ike & Tina Turner, Al Green et Little Milton.

Quand Motown abandonne Détroit en 1972, Strong décide de quitter le label et relance sa carrière personnelle. Il signe avec Epic, chez qui il publie un single et produit quelques artistes dont Rena Scott et Belita Woods, puis Capitol, pour qui il enregistre deux albums. S’il continue à écrire pour d’autres, il ne retrouve à aucun moment le succès qu’il a connu avec Whitfield, et ce sont les multiples reprises de ses classiques qui font vivre son œuvre. Il se contente alors de gérer son catalogue historique, n’enregistrant que très ponctuellement (“Love Is You” en 1980 et “Stronghold 2” en 2001). 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

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