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Chroniques / 14.05.2021

The Black Keys, Delta Kream

Les Black Keys sont-ils de retour dans la version bunkerisée du juke joint de Chulahoma d’où ils ont criblé le début des années 2000 de titres mémorables, armés d’une sulfateuse Hill Country chargée au calibre MC5 ? Ont-ils regagné les collines sur lesquelles certains de leurs fans attendaient qu’ils meurent les armes à la main ? Les Black Keys semblent avoir passé l’âge du virilisme crasseux qu’exsudaient leurs premiers disques, publiés chez Fat Possum sous l’influence des grands albums de Kimbrough et de Burnside enregistrés par le marsupial replet. 

“Delta Kream” nous transporte dans le studio nashvillien où Auerbach et Carney se sont fait accompagner d’Eric Deaton à la basse et de Kenny Brown à la guitare slide. Le répertoire est on ne peut plus classique, et les interprétations se veulent fidèles à la source, à laquelle ces musiciens boivent depuis toujours. Le temps et l’expérience ayant fait leur travail chez les Black Keys, ce sont des aspects moins souvent mis en avant de cette musique qui apparaissent dans cette revisite. C’est la sensualité qui domine. Bien entendu le répertoire de Kimbrough est saturé de ces thématiques, mais ses enregistrements tardifs ne permettent probablement pas d’en saisir toute la puissance évocatrice. Les morceaux issus du catalogue Burnside, plus testostéronés, sont traités avec suffisamment de finesse et de distance – le falsetto sur Going down South – pour les faire apprécier à un public plus large que celui des fans inconditionnels. 

Ce disque risque d’être un classique. Parce qu’il se centre sur l’interprétation d’un catalogue bien connu par des musiciens exceptionnels. Peut-être aussi, espérons-le, parce qu’il fera date dans la réception par le grand public de la musique du nord du Mississippi.

Benoit Gautier

Note : ★★★★★ (Le Pied!)
Label : Nonesuch
Sortie : 14 mai 2021

Benoit GautierEasy Eye Sound RecordsNonesuch RecordsThe Black Keys