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Live reports / 25.10.2023

Larkin Poe, L’Olympia, Paris, 2023

15 octobre 2023.

Dix-huit mois après un Trianon bouillonnant, et malgré la concurrence du rugby – une fois de plus ce sont les amateurs de musique qui ont été dans le camp des vainqueurs… –, c’est un Olympia très enthousiaste qui attend les frangines Lovell au cœur d’une tournée française de cinq concerts. 

Depuis cette date mémorable (Soul Bag y était : soulbag.fr/larkin-poe-trianon-paris/), le duo n’est pas resté inactif, avec deux tournées estivales des festivals (Cognac, le Main Square d’Arras, les Eurockéennes…) et un album très bien accueilli, “Blood Harmony”. 

L’ouverture a été confiée aux Sheepdogs, un quintet canadien expérimenté – déjà huit albums depuis 2007 – qui propose pendant trois quarts d’heure leur rock sudiste sous forte influence des Allman Brothers. Guitares jumelles, orgue incisif, goût du débordement en mode jam band – un peu contraint par leur statut de première partie – et look vintage, l’ensemble est sauvé du statut de clone par la solidité de l’écriture (How late, how long, I’ve got a hole where my heart should be…) et l’enthousiasme de leur prestation, mais ne laissera pas un souvenir immortel, même si le public adhère sans hésitation. 

Sheepdogs
Sheepdogs

Le temps d’un entracte et voici Larkin Poe : les deux sœurs Lovell débarquent, accompagnées du batteur Ben Satterlee (qui remplace Kevin McGowan par rapport à la dernière fois) et du bassiste Tarka Layman. Des lumières soignées, quelques projections et un code couleur blanc pour l’ensemble des musiciens : le duo ne cède pas à la tentation du grand show à l’américaine, même si l’ensemble est évidemment réglé avec précision, et laisse l’accent sur la musique – et le plantage de Rebecca, qui attaque à un moment le mauvais morceau, vient rappeler, à une époque où nombre de groupes cèdent à la tentation des bandes, qu’il s’agit bien ici de musique en direct ! 

Plus décontractées sur scène que lors de leur passage précédent – surtout Megan, qui y va même de quelques mots –, elles n’ont aucun mal à obtenir l’adhésion du public. Si certains leur reprochent leur côté un peu lisse – un collègue les compare même étrangement à « deux jeunes DRH qui appliquent ce qu’elles ont appris à l’école », ce qui me laisse à penser qu’il ne fréquente pas les mêmes DRH que moi –, leur show est sans faille ni démagogie. Elles ne prétendent d’ailleurs pas spécialement faire du blues, et parlent plutôt d’une inspiration dans les musiques raciniennes, du blues à la country. 

Rebecca Lovell
Rebecca Lovell, Megan Lovell

Rebecca Lovell

Avec neuf chansons sur les onze du disque au programme, à commencer par Strike gold en ouverture, le concert est évidemment centré sur le répertoire de “Blood Harmony” et les titres les plus percutants de l’album, comme Bad spell – dédié à Screamin’ Jay Hawkins ! – ou Georgia off my mind, qui évoque leurs racines, passent sans problème le test du live. Innovation par rapport au concert parisien précédent, un petit intermède acoustique en écho à leur tout nouvel EP, avec les quatre musiciens autour d’un seul micro – en mode bluegrass selon Rebecca Lovell –, apporte un nouvel éclairage sur leur musique avec deux chansons de “Blood Harmony”, Might as well be me et Southern comfort, et un Crocodile rock emprunté à Elton John qui aurait pu être incongru s’il n’avait été repris à pleine voix par la salle.

Rebecca Lovell, Megan Lovell
Megan Lovell, Tarka Layman
Ben Satterlee

Côté reprises, Megan Lovell cite longuement le riff de Jessica – revoilà les Allman Brothers ! – au final de Summertime sunset, le Rumble de Link Wray vient introduire Holy ghost fire, et leur version musclée du Preachin’ blues de Son House est toujours au programme. Les autres disques du duo ne sont pas totalement négligés avec notamment de belles versions des tubes She’s a self made man et Wanted woman – AC/DC, mais c’est avec deux chansons du dernier album qu’elles closent le show, Bolt cutters & the family name en final, puis Deep stays down en rappel. Rien de révolutionnaire dans tout ça, mais une bonne tranche de musique qui ne prétend pas être plus que ce qu’elle est, portée par deux interprètes qui croient en ce qu’elles font et le partagent généreusement avec le public. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
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Megan Lovall
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