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Chroniques / 15.05.2021

John Mayall, The First Generation 1965-1974

Je me suis offert ce méga coffret, confinement et nostalgie obligent. Je ne me perdrai pas ici en vains superlatifs – tout a été écrit dans la présentation de ce monument du British blues – mais m’attarderai sur sa mise en perspective, tant le premier volet de sa carrière a évolué vers davantage de fusion et d’épure jazzy (sa période californienne). 

Ce multi-instrumentiste-chanteur autodidacte né en 1933 s’est d’abord formé au boogie-woogie et aux classiques de Chicago. Il se produit assez vite avec des compères qui soit n’y connaissent pas grand-chose – cf. la réflexion du bassiste John McVie en 1963 : « C’est quoi, un 12 mesures ? » – soit sont issus d’un autre background et finissent par se lasser. Ensemble, ils vont produire une version insulaire du blues, dans la lignée des Cyril Davies-Alexis Korner mais aussi de tous les musiciens anglais roots qui veulent s’affranchir du skiffle-Shadows qui les ont formés. 

Son premier LP “Live At Klooks Kleek” (1964) reste daté et oscille entre « un amateurisme embarrassant » (sic) et un appel d’air frais enthousiaste. À la BBC, leur version de Big town playboy est pathétique. Les arrivées successives d’Eric Clapton, Peter Green et Mick Taylor feront la différence blues vers davantage d’Otis Rush, Freddie et Albert King, style soutenu par des cuivres et, enfin, leur label Decca. Ils vont s’imposer d’abord sur les scènes britanniques, puis dans des pays favorables à l’influence anglo-saxonne : la Scandinavie, l’Allemagne de l’Ouest et les Pays-Bas. Toute une nouvelle génération va les découvrir – dont votre serviteur – dans le sillage des tournées de l’American Folk Blues Festival, s’évertuant à fonder leurs propres groupes. Par exemple, Cuby & The Blizzards en Hollande. Mais ce qui dessert souvent les Bluesbreakers, et le temps passé ainsi que notre culture blues grandissante vont le démonter, c’est le manque de swing, de flexibilité et de la maîtrise du back beat des sections rythmiques. Les fondamentaux de Chicago sont ignorés et les Britanniques en charge, restreints par le format, vont osciller entre jazz, la batterie orchestrale, le rock n’ roll américain et des tempos rock plus raides : Aynsley Dunbar, Keef Hartley, Mickey Waller (plus à l’aise chez Jeff Beck), Mich Fleetwood (carré), Jon Hiseman… s’épanouiront dans des styles plus libres et plus complexes.

Mayall et son look. Ce côté “boucanier western des grandes plaines” composait un personnage “vrai” à la fois terre à terre – son exil californien en pleine période hippie accentuera encore son image écologique, même quand un Dick Heckstall-Smith (saxophones) s’élançait dans des impros urbaines sophistiquées (Roland Kirk était son idole) et enracinait le blues alors que ses autres formules musicales évoluaient entre fluidité acoustique sans batteur et des expérimentations jazz rock dites “blues fusion”. C’était dans l’air du temps.

Mayall compositeur ? Malgré une surabondance de titres, l’histoire ne retiendra que Room to move. Mayall chanteur ? Oui mais personne ne s’en réclame. Le père du British Blues ? En 2005, la Reine lui décernera la OBE, médaille récompensant son apport fondamental au rayonnement de la Grande-Bretagne. Il en fut le premier surpris mais nous croyons tous qu’elle était amplement méritée. Vous connaissez la formule : sans lui…

André Hobus

Note : ★★★★
Label : Madfish
Sortie : 29 janvier 2021

Fiche technique :
• 35 CD dont 2 inédits extraits de la BBC (28 titres), 7 disques de concerts, des enregistrements complémentaires, des 45-tours rares, l’EP avec Paul Butterfield…
• Un gros recueil non paginé d’extraits de presse.
• Un livre cartonné de 168 pages, historique commenté et illustré de l’époque concernée.
• 2 posters répliqués (Ten Years Are Gone et de la tournée de 1968).
• Un épais volume de 128 pages constitué des publications du fan-club, de la correspondance.
• Une photo signée de la main du maître.
• 5 000 copies disponibles à travers le monde.
• Poids : 4,7 kg sans emballage, ce qui justifie souvent le coût élevé de l’envoi.

André HobusJohn Mayall