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Chroniques / 07.06.2022

Fantastic Negrito, White Jesus Black Problems

Loin dans les branches de son arbre généalogique, Xavier Dphrepaulezz a découvert l’union interdite entre deux de ses ancêtres : une domestique écossaise et un esclave qu’il baptise ici Grand-Père Courage. C’est le point de départ d’une ribambelle de morceaux qu’il enregistre dans son studio à Oakland et dont il extraira les treize plages de ce quatrième LP qui inaugure son label, le prometteur Storefront Records.

Derrière un titre coup de poing comme il les affectionne, pas de militantisme vociférant mais un constat d’amour qui incite à « se servir du passé pour soigner le futur ». Et puis toujours cette manière de bousculer l’auditeur en faisant valser les étiquettes. Prenant appui sur le jeu de batterie de James Small, Fantastic Negrito laisse libre cours à son imagination débordante, épaulé par son habituelle garde rapprochée (Cornelius Mims, basse ; Masa Kohama, guitare ; LJ Holoman, claviers). Tranquille et un brin grandiloquent, Venomous dogma offre une entame inattendue avant de sortir de ses gonds : un méchant riff, une pulsation énorme, des giclées d’orgue et un chant nerveux qui peut lâcher quelques cris façon hardcore. Et puis déboule une première baffe, Highest bidder. Groove tournoyant, refrain haché gorgé de blues, respirations pour mieux tendre le funk… Du grand Negrito. Comme sur le furieux Man with no name, qui décuple l’effet de ses rebonds renversants en intercalant aussi bien un riff mastoc à la Black Sabbath qu’un pont folk pop.

On aurait souhaité plus de titres de cette trempe – le boogie menaçant de Oh Betty et la chevauchée burlesque de Trudoo s’en approchent –, on se dit que d’autres auraient pu décoller davantage ou être un peu simplifiés. Mais à l’image de l’improbable fresque tragicomique Nibbadip, Fantastic Negrito assume totalement l’aspect déluré et un brin baroque de la bande-son qu’il déroule. Sans atteindre la réussite totale de son prédécesseur, un nouveau chapitre trépidant d’une discographie décidément forte en gueule. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Storefront
Sortie : 3 juin 2022