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Live reports / 31.10.2017

Bror Gunnar Jansson

“Concert Complet !” Sous la forme d'une petite affiche scotchée à l'entrée de la salle du 11e arrondissement parisien, c'est cette mention qui accueille un public venu en masse près d'une demi-heure avant l'ouverture des portes. L'impressionnante file qui serpente depuis l'impasse jusqu'à la rue adjacente permet de mesurer le chemin parcouru et la notoriété grandissante du bluesman à l'accent nordique. En quelques années et quelques centaines de concerts, Bror Gunnar Jansson a su s'imposer auprès d'un public intergénérationnel. Une formule one-man-band, des interprétations habitées et un code vestimentaire un brin rétro semblent être la recette de cette potion magique à effet immédiat.

Rétro-mix en ouverture
Place d'abord à un DJ set un peu particulier, orchestré par un certain Mr. Djub et sa curieuse installation, la Gramophozone. Soit quatre gramophones à pavillon (amplifiés pour l'occasion) pour un mix baroque et bruitiste à base de 78-tours. Quelques vieux sillons de jazz, de blues, de musique traditionnelle africaine (voix et percussions) adroitement mixés avec des extraits de chansonniers français d'un autre âge. La grande carcasse tatouée de l'homme derrière les “platines” intrigue. Sensation d’être tour à tour dans une fête foraine du début du XXe siècle, dans le décor d'un film de Caro et Jeunet, à une fête privée des années folles. Un joli moment, empli de poésie, et une touche d'anachronisme à la vue des nombreux smartphones tenus à bout de bras pour immortaliser l'étonnant spectacle.

 

 

 

 

One man band et wild man show
Un changement de plateau plus tard et voici Gunnar qui grimpe sur scène. Très posément, avec ce rituel désormais bien établi pour ceux qui l'ont déjà vu jouer en public, il se déchausse avant de s'installer au centre de son attirail. Un équipement complet pour ce one-man-show qui comprend caisse-claire, guitares, ukulélé, grosse caisse, cymbales et divers pédales d'effets. Pas vraiment d'introduction hormis un timide sourire soutenu par ce regard clair et profond qui déconcerte. Les premières notes qui retentissent sont celles de William is back, tiré de “Moan Snake Moan”, l'album qui l'a révélé.

 

 

Si vous avez eu la bonne idée de vous procurer son nouvel album (“And The Great Unknown, Part I & II”), vous y aurez décelé sur une majorité de titres une orchestration étoffée. Seul sur scène, c'est une toute autre histoire qui se joue. Gunnar Jansson retranscrit ses compositions de manière très différente, empruntant une forme qu'on pourrait presque croire improvisée. Sur While I fight the tears, il vous embarque dans son monde presque inquiétant, tordant sa bouche sur certaines syllabes de cette ballade sombre et mélancolique.

 

 

L'absence de cuivre pour un morceau tel que War tubas n'en est pas moins déplaisant quand on se laisse porter par sa façon de tirer le riff ou la note vers un horizon insoupçonné. Des hululements, cris, sifflements ou chuchotements vous dressent les poils des avant-bras et magnétisent l'assemblée qui dandine hypnotiquement. Il en sera ainsi durant toute sa prestation. Entre énergie brute, tempos binaires, shuffle sauvage et toutes ces formes de blues revisitées complètement captivantes.

 

 

 

Le frangin Jansson est entier. Aussi sincère dans sa démarche qu'avare de paroles. Il peut lever occasionnellement son verre de bière à l'attention du public, tenter deux ou trois mots à propos de la taille ridicule de son nouveau ukulélé. Mais ce soir-là, il ne faut pas en demander beaucoup plus. Juste prendre de plein fouet cette heure et demie d'histoires et de musique que ce drôle de bonhomme est venu nous conter.

Texte et photos : Jules do Mar