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Live reports / 05.04.2024

Brandee Younger, New Morning, Paris

26 mars 2024.

Dans la lignée d’Alice Coltrane et de Dorothy Ashby et avec quelques autres comme Edmar Castaneda et Alina Bzhezhinska, Brandee Younger porte haut et fort la cause de la harpe dans le jazz depuis le début des années 2010.

Entendue entre autres chez Laura Mvula, John Legend et Makaya McCraven, elle a acquis depuis quelques années une visibilité supplémentaire grâce à deux albums récents parus chez Impulse!. Peu présente sur les scènes françaises, elle attire pourtant un large public, qui remplit copieusement le New Morning. Contrairement à son dernier disque, qui la voyait collaborer avec plusieurs invités donnant une tournure influencée par le hip-hop à sa musique, c’est en simple trio, avec deux musiciens qui ont déjà enregistré avec elle, le bassiste Rashaan Carter et le batteur Allan Mednard, qu’elle se présente cette fois, et le registre est très clairement jazz. 

Sans surprise, le répertoire mêle reprises de ses principales influences – Coltrane et Ashby – et titres enregistrés sur ses albums. Elle ouvre avec un morceau tardif d’Alice Coltrane, Rama rama, avant de jouer les deux parties de son propre Unrest (en solo d’abord, puis en trio), Spirit u will et Moving target. Conséquence du format trio, les deux accompagnateurs sont largement mis en valeur, et Mednard en profite pour tirer un peu la couverture à lui, en particulier à l’occasion d’un solo excessivement long à la fin d’Unrest. Mais c’est bel et bien le jeu de Younger qui domine l’ensemble, avec son élégance et sa créativité dépourvue de toutes les affèteries souvent liées à son instrument. 

Le second set commence à nouveau avec une de ses compositions, Love and struggle, avant qu’elle se plonge dans le répertoire de Dorothy Ashby avec Games puis dans celui d’Alice Coltrane avec Turiya and Ramakrishna. Déjà particulièrement brillant, le concert atteint encore une autre dimension avec You’re a girl for one man only, une sublime composition longtemps restée inédite d’Ashby que Younger a interprétée sur son dernier album – et dont elle note que le titre est quelque peu désuet ! Sa lecture en solo de If it’s magic de Stevie Wonder – sur lequel jouait Ashby à l’origine – est accueillie par un public particulièrement concentré qui laisse éclater sa joie dès le morceau terminé. La version du I want you de Marvin Gaye qui suit ne fait que prolonger la magie.

Besame mucho, ensuite, est sans doute un peu trop évident pour fonctionner tout à fait, mais l’ensemble du concert – qui se termine par un rappel plus que mérité – est une totale réussite qui confirme la place éminente que devrait jouer Brandee Younger dans le monde du jazz à venir.

Texte : Frédéric Adrian

Photo © Alice Leclercq