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Live reports / 01.02.2019

You & the Night & the Music

Comme chaque année, la radio TSF Jazz proposait, pour la deuxième fois dans le cadre élégant de la Salle Pleyel, sa rétrospective de l’année en musique, pour une longue soirée de près de trois heures diffusée en simultané sur son antenne. Au programme, une grosse quinzaine d’artistes et de groupes représentant toute la diversité stylistique du jazz (même s’il manque peut-être une petite place accordée au blues…), de l’euphorie manouche à l’ascétisme ECM, avec quelques artistes proches des centres d’intérêt de Soul Bag

C’est d’ailleurs le Nola French Connection Brass Band, interviewé dans le dernier numéro, qui ouvrait la soirée en fanfare, commençant sa prestation dans le hall de la salle Pleyel et conduisant le public jusqu’à la scène. Le programme – qui faisait cette année un louable effort de féminisation de sa sélection – promettait une combinaison de valeurs sûres et de découvertes, conformément aux habitudes de l’événement, et quelques surprises. La principale d’entre elles se tenait derrière le rideau, en la personne d’Ibrahim Maalouf, dont la présence n’avait pas été annoncée et qui a offert en ouverture de la soirée un extrait réarrangé en l’absence de cordes de sa récente Levantine symphony

De l’hommage à Mingus du groupe du contrebassiste Géraud Portal à l’élégance du trio du pianiste Christian Sands (entendu notamment avec Gregory Porter) en passant par la star Shai Maestro, très attendu, l’ensemble de la soirée trace un beau chemin sans fausse note dans des propositions artistiques variées mais toutes séduisantes (à part peut-être la pop kitsch à l’excentricité fort calculée de la chanteuse Hayley Tuck et l’insipide Thomas Dutronc). Parmi les meilleurs moments figurent en particulier les prestations du quintet de Florian Pellissier, avec le superbe Coup de foudre à Thessalonique, de Cotonete, en version étendue avec trois choristes, et d’un Hugh Coltman survolté en mode Nouvelle-Orléans. Côté découverte, si la protégée de Michael League (le patron des Snarky Puppy) Alina Engibaryan peine à convaincre sur un seul titre, la chanteuse américaine basée à Londres Judi Jackson, également entendue avec les Snarky Puppy et qui vient de publier son premier album, parvient à conquérir le public par l’intensité d’une prestation très théâtrale.

Très attendus après le succès de leur participation à l’anthologie de la scène jazz londonienne “We Out There” parue il y a quelques mois, les jeunes Anglais de Kokoroko, emmenés par la trompettiste Sheila Maurice-Grey et sa section de cuivres, semblent quelque peu intimidés par l’événement, mais leur jazz inspiré par l’afrobeat donne envie d’en entendre plus. Plus éloignés des centres d’intérêt de Soul Bag, la violoniste Fiona Monbet, le saxophoniste Samy Thiébault, avec son projet “Carribean Stories” et le “Quint’Up“ de Mario Canonge et Michel Zenina séduisent également, tandis que l’Amazing Keystone Orchestra, habitué de l’événement, présente deux extraits de son nouveau projet consacré à Ella Fitzgerald avec la participation de la chanteuse Célia Kameni, très convaincante dans son évocation de la diva sans céder à la tentation de l’imitation.

Au final, tandis que l’ensemble des participants se retrouvent pour saluer ensemble, c’est le Nola French Connection Brass Band qui revient pour faire danser une dernière fois le public jusqu’à la sortie, en attendant l’édition suivante !

Frédéric Adrian