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Live reports / 20.04.2018

Week-end zydeco à Houston (2/2)

Récit de voyage texan par Philippe Sauret. Deuxième partie.

Beau Bayou est un nouveau venu qui n’a pas démérité. Venu uniquement avec son guitariste, il était pour l’occasion accompagné d’un frotteur et d’un batteur recrutés sur place. Ceci explique les problèmes de mise en place lors des premiers morceaux. Mais une fois calé, l’accordéoniste a pu montrer toutes ses qualités dans un style qui doit souvent d'avantage à musique créole qu’au zydeco actuel. Il fait songer à certains vétérans comme Willis Prudhomme ou John Delafose avec un sens de la mesure parfois approximatif mais jouissif. Sans doute le musicien plus traditionnel du festival. Gros succès. 

 


Beau Bayou

 

 

 

 

Raa-Raa Zydeco : c'est une nouvelle claque ! Gros son, belle énergie dans ses reprises de Buckwheat (So Hard to stop, What you gonna do…) et de Clifton Chenier (Hot tamale baby), bien soutenu par son groupe comprenant le vétéran Welton Celestine au frottoir (Bon Ton Mickey, Step Rideau) et le formidable Tony Young Buck Stewart à la batterie. Pour le jeune public il donnera également une belle version de Haterz de Keith Frank. Aujourd’hui, Raa-Raa est sans contexte le musicien le plus “exportable” pour nos festivals européens. Un signe qui ne trompe pas : plus tard dans la soirée il jouera chez Antone's à Austin aux côtés de C.J. Chenier. S’il pouvait venir chez nous…

 


Raa-Raa

 

 

 

 

Intermède hors zydeco avec la prestation de Earl Diamond, guitariste vétéran qui a joué avec Step Rideau, Jerome Batiste et beaucoup d'autres. Style entre blues et jazz avec une belle interprétation de Red house. Trop court ! Puis vient l’inconnu de service : Dysel chante magnifiquement sur une bande-son un répertoire soul de toute beauté. Voix entre Al Green et Bobby Womack, en deux chansons il met le public dans sa poche et fait fondre l'assistance féminine.

 


 Earl Diamond

 

Retour au zydeco avec Sean Ardoin & Zydekool. C’est la troisième claque du festival ! D'entrée il nous scotche avec sa reprise de Nikki de Lil Pookie. On pense à Beau Jocque avec des influences funk et rock. À l’aise sur scène, volontiers cabotin, il utilise toutes  les ficelles apprises à l’église. Son medley Happy / Tightrope (Pharrell Williams/Janelle Monáe) fut stratosphérique. Quel chanteur !

 


Sean Ardoin & Zydekool

 

 

 

 

 

Après 7 heures de concerts nous quittons le festival, manquant les prestations de Jerome Batiste et Marcus Ardoin. Plusieurs choix possibles pour la soirée : Cedryl Ballou au Jax ? Lill Jabb au Tayor's ? Ce sera finalement Brian Jack à l'église St Peters Claver.

 

 

Parfois, l'expérience vécue dépasse le domaine musical. Dans une grande salle bondée – 300, 500 personnes ? – se sont réunies les principales associations de trail riders de Houston. Tout le monde est sur son 31 : bottes, jeans impeccablement repassés, dorures argentées sur les poches arrière pour les femmes, ceintures à grosses boucles, chemises à carreaux ou unies avec le nom de la trail ride society au dos (No Name Riders, River View Riders…). Le DJ passe de la southern soul et de la country pendant que les personnes alignées contre de longues tables boivent et finissent leur repas. Puis l’organisateur de la soirée, Anthony Bruno, prend la parole. Il remercie ceux qui sont venus et souligne la belle solidarité au sein de la communauté après le passage de l'ouragan Harvey. On élie les reines de la soirée, celles qui ont réussi à lever le plus de fonds nécessaires à l'entraide collective. Puis vient l'hommage aux vétérans et en particulier à Joseph Bruno, le père d'Anthony. 

 

 


Anthony Bruno et une "reine".

 

 

Brian Jack prend alors possession de la scène. Son répertoire est d’une efficacité redoutable : Shake your tail feather, Mud fish special, Pretty face ugly ways… Il interprète aussi ses dernières chansons davantage influencées RnB-rap : We won’t stop, Bitch betta have my money. Et lorsqu’on croit que le concert est fini, il prend l’harmonica pour une belle version de Baby please don’t go. Dans la salle, les danseurs de tous âges sont simplement fantastiques à voir. Trois heures de show qui semblent n'avoir duré qu'une demi-heure tellement on est pris dans cette ambiance si particulière. Le point d’orgue de ce week-end ben rempli.

Texte et photos : Philippe Sauret