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Live reports / 27.04.2017

Valerie June

Ça commence par des caresses de peaux d'un batteur en solo, auxquelles s’appose bientôt la patronne qui fredonne. Drumming et humming, la douce entame verse directement au cœur du nouvel album. « Man done wrong and I don’t care », assure Valerie June de son étonnant timbre acidulé dont les bosselures résonnent en prises directes avec un Sud rural. Ce soir à l’Alhambra, le charme de la radieuse trentenaire du Tennessee opère à nouveau. Un peu comme à la Flèche d’Or quatre ans plus tôt dans la mesure où June semble happée par ses chansons au détriment d’un contact extra-musical avec son public (tout juste devine-t-on sur ses lèvres quelques “thank you”). Son groupe a quant à lui pris une belle ampleur, en bénéficiant notamment d’un atout de taille en la présence de Matt Marinelli à la basse, qui n’est autre que le producteur de “The Order Of Time”, raison de cette nouvelle tournée. Lui et son barbu de complice aux fûts (Ryan Sawyer) forment un tandem à même de dispenser les nuances subtiles de l’ossature de ce jeune album. Andy Macleod y ajoute six cordes attentives quand David Sherman colore le tableau par touches (orgue, Rhodes…) bien senties. Et lorsque débarque une section de souffleurs (trombone, trompette, sax baryton), l’ensemble décolle façon country soul grand teint grâce à des somptueuses ballades nommées Love you once made et Slip slide on by.

 


Valerie June, Ryan Sawyer

 


Tom White, Frank Walden, Rory Simmons, Valerie June, Matt Marinelli, David Sherman

 

 

Au centre, tenue scintillante et crinière de dreadlocks savamment agencée telle une couronne de racines, Valerie June s’applique à tresser les climats à l’aide d’un joli panel de cordes : guitare électrique (une Guild patinée), guitare sèche, banjo… Si a priori la lenteur que privilégie sa musique ne présente pas un atout pour la scène, quelques titres permettent d'emballer l'affaire (Shakedown et sa vibration juke joint/Hill Country, Workin' woman blues, une des rares incursions dans l'album précédent) et, surtout, le fait de ponctuer le set de plusieurs passages de June en solo apporte de judicieuses respirations qui rappellent comment la jeune femme à forger son style. Un jeu sobre qui s'appuie sur des variations d'intensité pour mieux souligner cette ligne de chant qui défie les étiquettes (on navigue entre bluegrass, soul, country, blues…) et les canons de la beauté en dévoilant sans fard un magnétisme à fleur de peau. Superbe version de Raindance.   

 

 

 

 

 

Lorsqu'elle rejoint les coulisses une première fois au bout d'une cinquantaine de minutes, on en vient certes à regretter, outre l'absence de quelques perles plus anciennes, une certaine distance, une certaine froideur de la prestation. Mais la copieuse prolongation qui suit, véritable deuxième partie, dévoile une autre June. Ou plutôt une June qui se libère. D'abord avec un Somebody to love que sa voix menue introduit longuement dans un mélange de candeur et d'humour : elle nous présente son petit banjo, le « bébé » du groupe qu'elle compare à une chatonne dont la fiabilité n'est pas toujours optimale. Il lui arrive en effet de piquer une sieste en plein morceau…

 

 


Andy Macleod (g), Valerie June, David Sherman, Matt Marinelli

 


Ryan Sawyer, Valerie June

 

Une réflexion spirituelle lancera ensuite l'attendu Astral plane, titre phare et enivrant du nouvel album, avant un final détonant. Got soul, cette chanson qui clôt tranquillement “The Order Of Time” se pimente sur scène et devient une sorte d’hymne façon Got my mojo working. Portée par des cuivres très soul, June s'éclate, présente ses musiciens en squattant tour à tour leurs micros, mue par un entrain débordant. Et de libérer sa chevelure qui désormais tournoie devant un large sourire. Tel un symbole du plaisir spontané d’exister au sein d’une multitude d'influences entrecroisées. Belle incarnation du visuel du nouvel album.

Nicolas Teurnier
Photos © Fouadoulicious