;
Chroniques / 03.11.2019

Une flèche dans la tête

De Michel Embareck, Joelle Losfeld Éditions.

Voici un court roman ou longue nouvelle de 128 pages, déambulation mortifère et désabusée mais plaisante à lire que l’on dévorera d’une seule traite, le temps d’un parcours en métro. Chacun des 14 chapitres est annoncé par le titre d’un blues (ou assimilé) et mention d’un interprète, playlist idéale pour accompagner la lecture. De Memphis, on prend la fameuse route 61, direction La Nouvelle-Orléans, en compagnie du narrateur, ex-flic des RG, du genre renfermé, et de sa fille de 30 ans, guère plus causante et dont on apprend que la maman décédée, Svetlana, fut violoniste, journaliste à l’agence Tass et agent double. Ça, c’est pour l’intrigue policière, plutôt secondaire. Le vrai sujet du livre, c’est la découverte nostalgique du Delta où naquit le blues, genre dont notre narrateur est un connaisseur érudit. Il découvre bâtiments en ruine, alcoolisme, taux de chômage exponentiel, magasins aux vitrines condamnées, crack, speed, antidépresseurs, regrette « qu’il n’y ait plus de bluesmen en dépit de conditions de vie déplorables » et constate cependant « qu’il en reste quelques-uns, un peu comme les communistes en Russie. » Sa conclusion : « Avant, ce n’était pas mieux, mais maintenant c’est pire. »

Jean-Pierre Bruneau

delta bluesJean-Pierre Bruneaulivre