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Live reports / 25.01.2022

Umbria Jazz Winter Festival 2021

Orvieto, Ombrie, du 29 décembre 2021 au 2 janvier 2022.

L’Umbria Jazz Winter Festival, à Orvieto, en Ombrie, cela fait vingt-huit ans que ça dure. La cité d’une vingtaine de milliers d’habitants est magnifique, avec sa cathédrale en stuc zébrée où se sont, un temps, installés quelques papes ; avec ses palazzi par demi-douzaine ; avec son orviétan, faux antidote des XVIIe et XVIIIe siècles, resté fameux dans les fastes du charlatanisme médical.

Orviesto est un haut lieu du tourisme au pays de Dante, une merveille pas autant fréquentée que le Mont-Saint-Michel, mais tout de même : les places de parkings y sont rares et chères. L’Umbria Jazz festival, est actuellement le plus grand festival de jazz italien. Il a vu le jour en 1973, dans l’esprit de Woodstock, un peu comme les festivals de Monterey, Montreux et Montréal outre-Atlantique. À l’été, il se tient à Pérouse ; il a accueilli les plus grands, de Charles Mingus à Miles Davis, de Quincy Jones à Eric Clapton, Santana et Prince. 

Arrivés de Porretta Terme, Allan Harris et son band jouent en formule “jazz lunch” le jeudi 30 décembre à 13 heures au Palazzo del Popolo, au cœur du centre historique, quasiment piétonnier. Je n’ai pas le temps de m’arrêter les écouter, il me faut récupérer mon accréditation auprès du service de presse, au top. Je suis invité à me restaurer dans une ancienne église transformée, pour l’occasion, en espace ce catering pour les musiciens et les équipes du festival. L’Anthony Paule Soul Orchestra au complet (moins Stan Mosley reparti pour le sud des États-Unis pour quelques gigs) occupe la table d’à côté. Il est programmé le soir même, en version “jazz dinner”, au même Palazzo del Popolo que Harris le midi – là, on touche du doigt les beaux échanges entretenus entre le Porretta Soul festival et l’Umbria Jazz festival et donc l’ouverture de ce dernier vers les musiques soul, populaires et noire-américaines. 

Je dois me familiariser avec les lieux. Pour ce soir, je choisis un splendide théâtre à l’italienne, le teatro Mancinelli. Le boss du festival, Carlo Pagnotta, fait les présentations : le guitariste béninois Lionel Loueke d’abord, seul en scène, pour un hommage hautement spirituel à Herbie Hancock. Place ensuite à l’une des créations du festival, celle du Bill Frisell Trio accompagné de l’Umbria Jazz Orchestra. Cela fonctionne à merveille ; sur scène comme en salle, le temps est à l’écoute des uns et des autres. Plus beau, “ce serait de trop”. On a du baume à l’âme. Grazie mille et bravissimo !

Lionel Loueke
Bill Frisell Trio et l’Umbria Jazz Orchestra

Vendredi 31 décembre, day 2 à Orvieto pour moi. Pendant que l’Anthony Paule Soul Orchestra donne un “jazz lunch” au Palazzo del Popolo où il vaut mieux réserver sa table, j’interviewe Grégoire Maret, un harmoniciste suisse installé de longue date à New York. Dûment masqué, il m’apprend qu’ici, le festival demande aux musiciens de se faire tester au covid toutes les 48 heures. On parle de son parcours (il est né en 1975, « septante-cinq » à Genève), il a appris son métier à la New School de New York City. À Porretta terme, on avait rapidement parlé de sa sonorité très “saxophonique” et on a évoqué Hank Crawford, puis (Little) Jimmy Scott. À Orvieto, tandis que les cloches de midi carillonnent, il me raconte sa rencontre et son bout de chemin (quatre ou cinq ans tout de même) aux côtés ce magnifique unsung singer, ce motherless child à la carrière cahoteuse. 

À 13 heures, “jazz lunch” au cours duquel le pianiste new-yorkais George Cables, 77 ans, parfaitement accompagné par Darryl Hall (batterie), Jerome Jennings (contrebasse) et Piero Odorici (saxophone), commence à nous souhaiter une bonne année et joue notamment du Wayne Shorter. Il fait un peu frais, mais les bonnes ondes circulent bien et réchauffent les cœurs. À 16 heures 45, direction le musée situé à côté de la cathédrale : Sullivan Fortner, avec son chapeau et son masque noirs, fait penser à un Zorro assis devant un beau piano à queue. Il joue en solo, devant un public un peu clairsemé. L’acoustique est aussi belle que le lieu. On pense à Keith Jarrett, mais on entend aussi clairement les influences néo-orléanaises de cet ancien accompagnateur de Wayne Shorter – il est né à New Orleans en 1985.

J’ai rendez-vous avec le patron du festival à 17h30 pour une interview. Celle-ci n’aura malheureusement pas lieu : comme les autres “accrédités”, je suis invité par le festival par me faire testé en urgence au covid à l’une des pharmacies du centre historique. Le soir, deux menus de nouvel an sont programmés, on attend beaucoup de monde et j’avais naturellement opté pour la plus soulful des soirées, celle avec animée par l’Anthony Paule Soul Orchestra et l’Allan Harris Kate’s Soulfood Band featuring Grégoire Maret. Mais les résultats de mes tests antigéniques sont positifs, sans symptômes cependant. Retour donc à la maison, au village de Ficulle, pour cinq jours de confinement.

Pendant ce temps, même si d’autres artistes sont testés positifs (dont Allan Harris, mais tout va bien pour lui aussi aux dernières nouvelles), le festival va jusqu’à son terme. Et les organisateurs dressent un bilan positif de cette édition qui aurait dû être celle “retour à la normalité” : 4 500 spectateurs payants, des milliers d’interactions sur les réseaux sociaux autour d’un objectif atteint obtenu contre vents et marées : celui de mêler, selon les organisateurs, « culture, entertainment et tourisme, éléments essentiels à l’identité de la région ». Les contacts se sont multipliés, chanteuse au sein de l’Anthony Paule Soul Orchestra, Terrie Odabi, a beaucoup plu au directeur artistique de l’Umbria Jazz festival. Il se pourrait bien qu’on la revoit, entourée cette fois de choristes, avec Anthony et son orchestre, en juillet prochain à Pérouse. Les dates sont d’ores et déjà fixées, du 8 au 17 juillet 2022. En serez-vous ? 

Texte : Julien Crué
Photos (sauf mention) © Umbria Jazz

Anthony Paule Soul Orchestra
George Cables, Piero Odorici, Darryl Hall, Jerome Jennings
Darryl Hall, Jerome Jennings
Sullivan Fortner © Julien Crué
Sullivan Fortner © Julien Crué
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