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Live reports / 25.03.2020

The Marcus King Band, Alhambra, Paris

1er mars 2020.

Le jeune Sammy Brue arrive sur scène avec une dégaine sophistiquée et très ‘60s, armé de sa seule guitare acoustique. Lunettes à grosses monture, coupe au carré et col roulé. Dans le public, ça sent plutôt le cuir, l’huile de moteur et l’after shave. On aperçoit un T-shirt à l’effigie de Rose Tattoo, des casquettes de trucker et des grosses barbes, mais pas de celles qu’on voit chez les hipsters. Le jeune Brue maltraite sa guitare dans une série de morceaux folk rock souvent entraînants. Il termine sur Teenage mayhem un morceau qui tire vers le punk et fait penser aux Violent Femmes, ce qui lui attire la faveur du public. Certains spectateurs s’interrogent quand même : pourquoi se présenter seul sur scène alors qu’avec une basse et une batterie, ce serait vachement plus classe. 

Quand le Marcus King Band s’installe et entame Turn it up, j’ai la confirmation qu’on n’aura pas droit à une performance aussi sensible que ce que j’ai pu entendre sur le doux-amer “El Dorado”, produit par Dan Auerbach. Il y a deux publics dans la salle : ceux qui écoutent les ballades de Marcus King sur Fip en fredonnant alors que cuit leur tarte aux poires – je fais partie de ceux-là –, et ceux qui blastent les CD du Marcus King Band en accélérant sur l’autoroute. Cette division se retrouve sur scène : les chansons sont majoritairement les pépites de “El Dorado”, mais elles sont taillées en forme de loup et briquées au Jack Daniel’s par le Marcus King Band. 

How long offre un mélange détonnant, avec une base soul rock amphétaminée qui vrille vers le hard rock, donne l’occasion d’un très beau solo de trompette jazzy de Justin Johnson et aboutit sur une harmonie doo-wop certes un peu approximative mais néanmoins impressionnante. Alors, oui, notre leader tricote un peu à la guitare, Jack Ryan à la batterie, protégé par des lunettes protectrices, est plus dans le pilonnage industriel que dans le groove mais les trouvailles sont intéressantes et maintiennent l’attention. « Je vous kiffe Paris ! », lâche le guitariste chérubin aux allures de Hell’s Angel. Le public semble attendre avec impatience le I just wanna make love to you qui fait un détour par Hoochie coochie man et Spanish moon de Little Feat. Quand Marcus King laisse de côté la voix rauque qu’il utilise pour ses brûlots southern rock, il se révèle un chanteur sensible et convaincant. 

Les passages instrumentaux souvent funky et originaux souffrent cependant d’un trop plein de notes et de sons différents : la batterie couvre les cuivres, la basse de Stephen Campbell roule en continue et le leader ne peut s’empêcher de caler des notes de guitare dans chaque interstice. L’approche “tout à fond tous en même temps” aboutit parfois à un pudding sonore assez peu digeste. 

Quand il dégaine ses compositions les plus groovy et ouvertes comme Homesick et Break le public semble avoir du mal à suivre. Frustré par le couvre-feu imposé par la salle, Marcus King nous offre un rappel sur Young man’s dream accompagné d’une guitare double neck façon Jimmy Page. En sortant, on se doit de constater que Marcus King est à un carrefour : “El Dorado” représentera-t-il un écart passager dans la carrière d’un blues rocker invétéré ou le début d’autre chose ? Si la seconde option est choisie, il y a fort à craindre que son groupe actuel ne soit pas le bon véhicule pour avancer sur une nouvelle voie.

Texte : Benoit Gautier
Photos © Frédéric Ragot

Line-up : Marcus King (chant, guitare), Justin Johnson (trompette), Dean Mitchell (saxophone), Dane Farnsworth (claviers), Stephen Campbell (basse), Jack Ryan (batterie). 

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