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Live reports / 02.11.2023

Sunny War, New Morning, Paris

23 octobre 2023.

Il n’y a pas foule – mais nous sommes un lundi soir de vacances scolaires – pour accueillir Sunny War pour son premier concert parisien en tête d’affiche (elle avait assuré la première partie de George Benson à l’Olympia à l’été 2022), mais, comme bien souvent, ce sont les absents qui avaient tort…

En ouverture, la chanteuse Bobbie – une habituée des premières parties, qui s’est même déjà produite à Bercy – se présente seule avec ses guitares. Voix vibrante et cristalline, un peu à la Emmylou Harris, présence scénique affirmée et répertoire d’originaux bien tournés extraits d’un album à venir au printemps, elle n’a aucun mal à capter l’attention du public dans un registre country moderne finalement peu courant par ici. Aucun doute que la sortie de son disque, combinée à ses nombreuses apparitions en première partie, lui permettra de se faire remarquer largement.

Bobbie

Sunny War

Si la prestation de Bobbie se caractérisait par son côté solaire, l’apparition de Sunny War en est le pendant sombre. Intégralement vécue de noir et accompagnée d’un seul batteur, un certain Alan dont elle précise qu’elle ne l’a rencontré que la semaine précédente, la chanteuse ne cache pas sa nervosité et donne l’impression, tout au long de son show, qu’elle préférerait être ailleurs que sur scène. De façon évidente, le mal-être qu’elle exprime dans ses chansons n’est pas une fiction, et l’intensité de ses interprétations est par moment presque dérangeante, d’autant que ses interventions parlées n’aident pas à disperser le malaise, surtout quand elle évoque ses différents séjours en hôpital psychiatrique avant de conclure qu’elle pense devoir y retourner prochainement. 

Si plusieurs des titres joués sont extraits de son dernier album, “Anarchist Gospel”, comme le très beau New day et l’intense His love, la chanteuse – qui échange longuement à voix basse avec son batteur entre chaque titre –, explore largement sa discographie et propose en particulier plusieurs morceaux de “With The Sun”, son premier disque paru sur un label en 2018, parmi lesquels He’s my cell en ouverture puis If it wasn’t broken. Certains titres, comme Big baby dédié à sa guitare, sont un peu plus légers, mais la tonalité globale est sombre, et le public ne peux que retenir son souffle quand elle interprète le magnifique mais désespéré Love became pain.

Deux reprises en solo viennent un peu alléger la tension : une version réinventée du She loves you des Beatles (elle mentionne d’ailleurs un projet de disques de reprises des Beatles en mode gothique) et le Freight train d’Elizabeth Cotten. Ce dernier titre  permet d’admirer particulièrement son jeu de guitare très personnel, parfois un peu noyé par les arrangements sur ses albums, influencé en particulier par Cotten mais aussi par Mississippi John Hurt, et qui évoque par moment le son d’Ali Farka Touré.

Proche d’une Tracy Chapman ou d’une Joan Armatrading sur disque, Sunny War révèle sur scène un degré d’intensité et de profondeur inattendus. Si sa musique ne rentre pas dans les cases musicologiques du blues, sa puissance expressive en fait une proche parente de celle de Robert Johnson ou de Skip James. Rappel compris, le concert ne fait qu’une petite heure, mais Sunny War semble avoir été au bout de ses capacités – et le public aussi, tant cette prestation s’éloigne des normes habituelles des concerts. Difficile d’imaginer quelle route prendra la suite de la carrière de Sunny War, mais elle mérite évidemment d’être suivie.

Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
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