Juillet-Août 2022, Lot et Dordogne.

L’été est la période des festivals mais il y a d’autres occasions d’écouter de la musique en général, et du blues en particulier, dans des lieux plus petits, bars, restaurants, fêtes de village, qui méritent tout notre soutien, car grâce aux initiatives des organisateurs, à leur engagement, on passe de très bons moments dans des cadres très agréables. Les bonnes adresses trouvées en 2021 dans le Lot et la Dordogne sont toujours à suivre cette année et, en furetant sur les réseaux sociaux et écoutant les recommandations des uns et des autres, on en découvre d’autres tout aussi intéressantes.

De retour de la nuit du blues de Jazz à Vienne, voir le live report ici, la musique commence le 8 juillet à l’Hostellerie de Goujounac dans le Lot avec Doc Lou & the Roosters. Attablé devant le fameux “Hostellerie Burger avec foie gras” et un pichet de rosé rafraîchissant, on peut apprécier le rocking blues de Doc Lou, voix, harmonica et guitare, et ses deux compères, Jeff Hug à la guitare et au chant, Michel Géronimo à la batterie. Comment mélanger des compositions originales comme Back to Louisiana, Two and a shaggy rock ou d’autres à paraître sur un prochain disque, et des reprises de Johnny Cash, Otis Rush, Sam Cooke, Creedence Clearwater Revival, Slim Harpo, Jimmy Reed, Elmore James, John Lee Hooker, et d’autres encore, et le faire bien ? Demandez-leur, ils savent le faire, sans exagérer, et la soirée se passe agréablement.

Le 9 juillet, on va à Belvès en Dordogne pour voir Bone Tee & the Swing Moods qui jouent sous la belle halle au centre-ville, pour le Café de Paris. Bone Tee, chant et guitare, Abdell B.Bop, contrebasse, et Julien Bigey, batterie, font résonner l’endroit avec un blues élégant, rempli de swing, parfois endiablé. Ils invoquent les mannes de Clarence Gatemouth Brown, Pee Wee Crayton, T-Bone Walker, Bobby Bland, Koko Taylor, Bill Doggett, Ray Sharpe, Smiley Lewis, Big Joe Williams, Robert Johnson, glissent quelques compositions et il n’y a plus qu’à se laisser aller.

Ça rocke plus le lendemain 10 juillet au Trait d’Union de Vézac en Dordogne, avec The Wheelgrinders, groupe de rockabilly et rock ‘n’ roll canadien, déjà vu le 30 juin au White Shelter de Bouguenais à côté de Nantes. Une dose n’avait pas suffi, la deuxième dose a été un rappel efficace. Greg Tiernan, chant et guitare, Caroline Helmeczi, chant et contrebasse et Stuart Quayle, batterie, animent parfaitement avec leur rockabilly enlevé. En pleine nature, pas loin du fleuve, grand local en bois, tables communes en extérieur, foodtrucks, boissons locales, c’est le bon contexte pour profiter du trio avec un répertoire étendu, Warren Smith, Johnny Cash, Johnny Burnette, Don Woody, Johnny Carroll, Dennis Herrold, et d’autres encore, sans oublier leurs compositions, un bon son, et beaucoup d’entrain.

C’est ensuite le festival de Cahors, du 11 au 17 juillet dont le live report est disponible ici.

La musique ne prend pas de vacances et nous sommes à l’Auberge des Tilleuls de Marnac en Dordogne le 20 juillet pour Geoffrey Lucky Pepper. Les soirs de concert, l’endroit ne fait pas dans la demi-mesure et propose un menu unique avec côte de bœuf, pommes de terre cuites dans leur peau et camembert fondu. Arrosé d’un Pécharmant qui porte bien la deuxième partie de son appellation, cela donne une description d’un repas qui n’est pas là pour la frime mais pour montrer les moments agréables qui arrivent grâce à l’esprit d’initiative déjà mentionné plus haut. Côté musique, le rocking blues énervé de Geoffrey et ses acolytes Julien Lacombe à la basse et Rémi Pug à la batterie, passe comme d’habitude très bien, même si le contexte les empêche de s’énerver vraiment. Ce n’est que partie remise en attendant de les voir à Mécleuves Terre de Blues.

Nous sommes de retour à l’Hostellerie de Goujounac le 22 juillet pour Little Limmie & the Blue Beat avec Little Limmie au chant à la guitare, Guillaume Massy à la basse et Joe Pento à la batterie. Shuffle, funk, très bons titres lents, medleys habiles entre Johnny Guitar Watson et Amos Milburn, ou Magic Sam et Jimmy Dawkins, chant expressif, compositions, reprises de Buddy Guy, Little Milton, Bo Diddley, pointes de Mem Shannon, il y a plus de blues ici que dans des biens des concerts de grandes scènes. La reprise de Hey Joe, sensible et bluesy, est à comparer à celle tonitruante de Popa Chubby une semaine plus tôt à Cahors. Celle de Knocking on heaven’s door, avec un solo de guitare très blues, justifie enfin la présence de cette chanson dans un concert de blues. Et toujours l’ambiance cool de l’Hostellerie de Goujounac dont le menu est connu. Le vacancier blues du Sud-Ouest ne change pas une formule qui gagne !

Le samedi 23 juillet, la route mène à Périgueux puis Marsac sur l’Isle, pour voir Crystal Thomas dans le cadre du festival Musiques de la Nouvelles-Orléans en Périgord (MNOP) organisé par Stéphane Colin, par ailleurs collaborateur à Soul Bag. Le MNOP a toujours une grosse soirée d’ouverture, mais comprend aussi d’autres concerts dans les villes autour de Périgueux. C’est le cas ce samedi et il est démontré qu’il peut y avoir des événements exceptionnels grâce à la volonté et au travail de gens de bien. Chant et musique de haut niveau, avec Crystal, et aussi Sam Tchang à la guitare, Victor Puertas aux claviers et à l’harmonica, Sylvain Tejerizo au saxophone, Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie. L’accueil de l’équipe du lieu, nommé En-Avant Guinguette, est chaleureux, le repas et les boissons sont de haut niveau, et la musique va l’être aussi.

Crystal rayonne, manifestement heureuse, et ça rejaillit sur tout le monde. Le concert commence par l’instrumental Blues funk du disque “Now Dig This !“ avant que la vedette apparaisse et commence à dérouler le répertoire issu de ce même disque complété par des reprises de Bobby Bland, Big Mama Thornton, ou Luther “Snakeboy“ Johnson. Sam, Sylvain et Victor enrichissent le tout de solos groovy, sensibles, ou déchaînés selon les besoins. La voix de Crystal, avec son timbre acidulé, est particulièrement prenante et, encore une fois, son rayonnement humain lui met facilement le public dans la poche. En fin de concert, elle invite tout le monde au pied de la scène, interprétant a capella Ne me quitte pas puis une reprise de Got my mojo working accompagnée de l’harmonica de Victor et la guitare de Sam. Frissons garantis. Le final est débridé avec Let the good times roll, titre ô combien approprié. Le plaisir s’est prolongé ensuite à la guinguette, où sont apparus des verres, de la saucisse de canard, du Kissoul (boisson locale à la composition inconnue, il y a sans doute du rhum, mais au nom évocateur), et ça a été dur de se séparer.

Le mois d’août commence avec Tiger Rose à Goujounac. Mig Toquereau, chant et guitare, et Loretta, chant, contrebasse et harmonica, forment avec ce duo un des joyaux de la scène blues française. Chacun possède une voix extraordinaire, et leur expressivité combinée transforme chaque morceau en moment marquant. Gospel, blues, country, rumba, blues de Chicago, du Mississippi, ils s’approprient tout et le remodèlent selon leur personnalité.

Cette randonnée musicale s’achève le 12 août à Monpazier avec de nouveau Little Limmie & the Blue Beat, cette fois-ci à Bière de la Bastide, une brasserie locale située à quelques dizaines de mètres de la place carrée avec ses arcades, typiques du modèle urbain et social des bastides fondées aux XIIIe et XIVe siècles. Après avoir admiré l’architecture, on apprécie la cuisine faite sur place, ce qui transforme un burger en plat de choix, arrosé des bières maison. Limmie, Guillaume et Joe sont comme à Goujounac, c’est-à-dire en forme, entraînants. On ne se lasse pas des rythmiques et des solos de Limmie, de sa voix voilée, et du groove funky qui sous-tend en permanence leur musique.

Il est désormais temps de remonter à Nantes et se préparer pour les Rendez-Vous de l’Erdre dont les premiers concerts, Tournée des Batignolles et Off, commencent une semaine plus tard.

Textes et photos : Christophe Mourot