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Live reports / 21.07.2021

Raul Midón, New Morning, Paris

3 juillet 2021.

Découvert au milieu des années 2000 par la grâce d’un bel album entre Jose Felicano et Donny Hathaway – “State of Mind”, produit par Arif Mardin et cautionné par la présence sur un titre de Stevie Wonder –, Raul Midón avait semblé, dans les années suivantes, approcher le succès auprès du grand public, remplissant même l’Olympia et la Cigale. S’il n’est pas parvenu à franchir le pas, peut-être à cause d’une production discographique très inégale, il reste un habitué des scènes françaises, qui tourne quasiment chaque année dans le pays. Les échos positifs de son dernier album, “The Mirror”, paru l’an passé ont suffi à me convaincre d’aller l’écouter au New Morning, sa salle parisienne de prédilection ces dernières années. 

Après avoir expérimenté avec différents formats – jusqu’à l’orchestre symphonique ! –, c’est à nouveau en solo qu’il se produit, armé de sa seule guitare et de percussions. Il ne cache pas son plaisir à retrouver la scène et plus particulièrement celle de New Morning, dans « sa ville préférée du monde entier » – il précise qu’il ne dit pas cela chaque soir ! 

I love the afternoon, en ouverture ici comme sur l’album “The Mirror”, fait office de vitrine au talent et à l’approche de Midón, qui en profite pour montrer sa virtuosité à la guitare et faire son numéro maintenant bien connu de “mouth trumpet”, cette technique vocale qui vise à émuler le son de la trompette. Si la chanson ne manque pas de charme, cette volonté démonstrative en gâche quelque peu l’impact, d’autant que Midón enchaîne avec l’affreuse chanson titre de “Bad Ass and Blind”. I really want to see you again, également extraite du dernier album, souffre pareillement d’une débauche stérile de virtuosité, et il faut attendre le très beau Suddenly, issu de “State of Mind”, pour pouvoir admirer l’élégance de l’écriture de Midón sans que son interprétation soit parasitée par des “trucs” sans grand intérêt. Chanson phare du même album, Sunshine (I can fly) est à nouveau plombée par la volonté de Midón de faire un numéro : il joue de la guitare de la main gauche et des bongos de la main droite, ce qui n’apporte strictement rien au plan musical. Midón annonce ensuite la sortie prochaine d’un album de duos autour de la guitare auquel participera Lionel Loueke avant d’en jouer un extrait, Serendipity, puis de donner une belle version, avec une longue introduction sans esbroufe de State of mind.

Après ce premier set plus que mitigé, difficile de savoir à quoi s’attendre après l’entracte – voire si l’amateur fatigué ne ferait pas mieux de profiter de l’occasion pour gagner quelques heures de sommeil. Rester était cependant la bonne pioche, tant Midón semble reprendre la maîtrise de sa musique lors du second set. Il ouvre avec une très belle chanson qu’il dit ne pas avoir chantée depuis longtemps, Don’t take it that way, qui réjouit audiblement ses supporters de longue date, revisite de façon inattendue son très méconnu premier album (“Blind to Reality” paru en 2001) avec If you really want et donne une superbe version du magnifique Everyone deserves a second chance, dans laquelle même le solo de mouth trumpet s’intègre bien. Malgré une très amusante anecdote sur Bill Withers en introduction de Mi amigo cubano, la chanson qu’ils ont écrit ensemble, la suite du concert ne retrouvera pas le même niveau, mais le premier set en pilotage automatique est pardonné, et même le rappel sur le médiocre Pedal to the metal est acceptable – plus que le fait de refuser à un public très enthousiaste un second rappel demandé dans les formes ! Si le concert dans son ensemble ne laisse pas un souvenir inoubliable, il a au moins l’avantage de donner envie de se replonger dans les disques de Raul Midón, au moins dans les premiers… 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Frédéric Ragot

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