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Live reports / 20.11.2015

Popa Chubby + Balkun Brothers

Le Cabaret Sauvage, sympathique club-chapiteau situé en bordure du Parc de la Villette, inaugurait le 1er novembre dernier sa nouvelle programmation “Sunday Blues”, excellente initiative consistant à proposer des concerts d'inspiration blues le dimanche après-midi. Nul doute que les amateurs désireux de se coucher à des heures raisonnables apprécieront la démarche et sauront la récompenser en s'y déplaçant en masse… Pour l'occasion, le Cabaret avait invité Popa Chubby, venu fêter la sortie de son nouveau double CD live, “Big, Bad And Beautiful” (Dixiefrog).

Tout récemment signés sur Borderline Blues, nouveau label de la maison Dixiefrog, les jeunes Balkun Brothers (Steve et Nick Firey), tout droit débarqués de leur Connecticut natal, ouvrirent le bal à grands coups de riffs électriques pour un set situé à mi-chemin entre les White Stripes et Led Zeppelin. Produite par Popa Chubby, leur musique n'entretient que de lointains rapports avec le blues et manque (encore ?) de nuances. Pour autant, on reste surpris par la profondeur de leur son (ils jouent en duo, sans bassiste), par leur puissance et par leur complémentarité (le chanteur à la Jazzmaster cabossée remplit à merveille son rôle de chaman-frontman ; le petit frère batteur, émule crédible de John Bonham, lui hurle ses encouragements et multiplie les blagues avec le public). La fin du set, jouée au dobro, fut tout simplement bluffante, avec en particulier une reprise complètement allumée du Mean town blues de Johnny Winter.

 


Balkun Brothers

 

Puis ce fut au tour d'un Popa Chubby barbu et claudiquant d'investir la scène, devant un public tout entier dédié à sa cause. Ce concert ne viendra pas changer l'opinion de ses fans (nombreux, enthousiastes) ni de ses détracteurs (tout aussi nombreux, et tout aussi enthousiastes…). Popa reste cet artiste bigger than life dont les caractéristiques hors-norme peuvent être considérées, selon la sensibilité de l'auditeur, comme des qualités ou des défauts…

Fidèle à sa réputation, il proposa un set dont les points positifs (un jeu de guitare bien délié, dépourvu de scories bruitistes ; l'apport de l'excellent Dave Keyes, dont les nappes de claviers – piano, orgue – apportent de l'huile dans les rouages et permettent à Popa de se concentrer sur son jeu lead ; un sens de l'humour bien aiguisé ; la capacité d'incorporer avec gourmandise des éléments inattendus dans sa musique, tel ce surprenant break reggae dégainé en plein Hey joe) sont gâchés par des facilités crasses (mais pourquoi donc se complait-il à reprendre les éculées Rock me baby ou Hey joe alors qu'il dispose d'un répertoire personnel bien plus intéressant ?), de grosses fautes de goût (I've been loving you too long, traité en mode hard-blues) et d'incontinence verbeuse (les chorus traînent en longueur).

 


Popa Chubby

 

Ceci étant, ces réserves, souvent rédhibitoires en studio, s'envolent comme par magie en live. Popa, musicien généreux, charismatique, apparaît complètement à sa place dans le contexte intimiste d'un club. À force d'engagement, d'énergie et d'honnêteté laborieuse, il finit par emporter l'adhésion du plus récalcitrant des spectateurs. Popa, lancé avec abnégation dans le tunnel de son never-ending tour personnel, prend et donne du plaisir à son public : ne remplit-il pas là l'objectif assigné à tout musicien de scène ?

Ulrick Parfum
Photos © Carla Parfum