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Live reports / 04.05.2023

Pokey Lafarge, New Morning, Paris

29 avril 2023.

À l’avant-veille d’un 1er mai annoncé comme historique, c’est un autre genre de mobilisation qui nous pousse vers un rendez-vous noté depuis longtemps sur notre agenda. Cinq ans que Pokey Lafarge ne s’était pas produit sur une scène du vieux continent, c’est donc en toute logique que cette date parisienne affiche complet.

Pour faire patienter ce New Morning bondé et déjà bien agité, une jeune recrue vierge de toute scène française : Sam Shackleton. Grande carcasse de bûcheron, voix de ténor et guitare sèche customisée en bandoulière, il se présente avec un accent qui ne fait aucun doute sur ses racines écossaises. Un coffre impressionnant, un style de chant rappelant ses souches gaéliques et un répertoire entre compositions personnelles, reprises et adaptations de folksongs plus ou moins connues.

Son set est sans chichis, rempli d’humour et d’autodérision (les Anglais en prennent plein les dents). Sans être un grand technicien, Shackleton dans l’exercice du one-man-band (guitar, banjo, harmonica, percussion stomp box) s’en sort très bien et le public lui rend la pareille. Clairement inspiré par le revival folk sixties et plus largement le spectre des musiques rurales américaines (old time, country, Appalachian, bluegrass, blues…), il ne cache pas son admiration pour Woody Guthrie et consorts (Dylan, Fred Neil, Tim Hardin, Sonny Terry & Brownie McGee…). La grosse demi-heure musicale qu’il offre sera marquée par un enthousiasme général bien mérité qui préfigure une salle réceptive et motivée pour la suite de la soirée. Réjouissant constat.

Sam Shackleton

Un américain à Paris

On discute avec nos voisins de fosse, un couple de trentenaires venu du Colorado en vacances à Paris très surpris de voir une salle comble pour un chanteur venu du fin fond de l’Illinois. C’est un peu avant 21h30 que le groupe déboule sur scène. Une contrebasse et une batterie à droite, un clavier et un guitariste à gauche, et un Pokey Lafarge tout sourire ultrabrite au centre. 

Vieux matos patiné et look old fashion de rigueur pour tout le monde, ce sont aussi ces détails qui font le show, avouons-le puisqu’on n’en attendait pas moins. La notion d’entertainment n’est heureusement pas qu’une histoire de look, de vieilles Gretsh et de déhanchés pelvien. En attaquant le show avec un tiercé gagnant tiré du dernier album (Get it for it’s gone, Rotterdam, Fine to me), on sait qu’on va passer une bonne soirée tant la générosité et les bonnes ondes se dégagent de ce tout début de concert.

Pokey Lafarge

Rétro, mais pas trop

Bien loin du décorum old time/honky tonk facile et néanmoins efficace dans lequel pourrait plonger le groupe, le copieux mélange des genres que propose Pokey Lafarge est à l’image de sa discographie : bigarrée, harmonieuse, éclectique, swinguante, chaleureuse et enveloppante. Des reflets jazz (Wanna be your man), western swing (Central time), caribéens (Yo yo, To love or be alone), country, soul et blues bien évidement, le tout cousu main avec une impeccable justesse. Ce genre de déroulé, libre et inspiré qui happe le public sans en faire des tonnes, mais qui fait transpirer un peu quand même. Doivent avoir bien chaud les cocos dans leurs costards trois pièces. 

De la place est  laissée aux solistes, notamment à ce guitariste détonant (Erik Miron) qui de glissades au bottleneck jusqu’à à ce jeu rapide qu’on pourrait croire transposé d’un banjo sur Gibson demi-caisse nous bluffe littéralement.

Addie Hamilton

Femme fatale

Les autres musiciens ne sont pas en reste. Un pianiste que Pokey titille à échéance régulière (Hank Meheren), le duo contrebasse-batterie (Kevin Carducci-Andrew Gutterman) qui découpe à merveille des morceaux pour leur donner un nouveau coup de fouet et, pour finir, la surprise du chef. Sortie d’un gâteau meringué ou d’un bouquin de James Ellroy, voire les deux, cette Addie Hamilton perchée sur des talons hauts, qui nippée comme une vamp fera le show et sa crooneuse-danseuse sur la dernière demi-heure du concert. Des duos avec Pokey Lafarge rondement menés, complices et passionnés. On ne s’étonnera donc pas en faisant une ou deux vérifications pour ne pas écorcher son patronyme que Miss Hamilton à la scène est aussi madame Lafarge à la ville. Pas besoin d’acheter Closer ce mois-ci, tout est dans Soul Bag.

L’excellente ballade soulful et chaloupée (Goodnight, goodbye) qui clôturait le dernier album de Lafarge jouera encore ce soir le tombé de rideau sur un copieux menu. Une heure trente de show avant rappel, plus d’une vingtaine de titres dont quelques refrains fédérateurs remontant à ses anciennes frasques discographiques. Goodbye Barcelonna, La la blues, Don’t let it go sont logiquement repris en cœur par une salle bien décidée à se faire entendre… Et à signer illico pour sa prochaine venue dans l’Hexagone. Hey Pokey, cinq ans c’est trop long !

Texte : Julien D.
Photos : Wilfried-Antoine Desveaux

Addie Hamilton

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