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Live reports / 27.04.2012

NEW ORLEANS JAZZ & HERITAGE FESTIVAL

Samedi 28 avril

 

Retour dans cette ville magique qu’est, pour la musique, La Nouvelle-Orléans. Ayant manqué la première journée du festival, mes premiers pas sur les Fairgrounds, le samedi 28 avril, m’amènent  vers la Blues Tent (qui arbore sur son fronton un magnifique portrait de Snooks Eaglin) pour voir une des valeurs montantes de la scène locale, Brother Tyrone.

 
La "Blues Tent"
 

Accompagné par son groupe The Mindbenders, il excelle dans une soul moderne teintée de gospel. Sa musique ne laisse pas indifférent un public accroché par une belle version de Down in the valley.

 
Brother Tyrone

Première incursion dans la Gospel Tent pour vibrer au prêche enflammé de Minister Jal Reed. Il m’est totalement inconnu, mais c’est un très bon vocaliste et il a une pêche d’enfer (j’ose !), alors laissons-nous aller à crier notre joie d’être là pour "Jizeusse". Je quitte le gospel  pour aller vers la grande scène Acura où vont se produire Jon Cleary & the Absolute Monster Gentlemen. Très loin de la scène, je vais suivre le set sur l’écran géant, c’est frustrant, mais ça ne m’empêchera pas d’apprécier la prestation du pianiste-chanteur british, qui jouera principalement des titres de son dernier recueil, "Ocappella". Musique enthousiasmante où Jon Cleary fort bien soutenu par Derwin "Big D" Perkins  (guitare), Cornell Williams (basse) et Jeffery Alexander (batterie) montre qu’il est devenu un artiste majeur de New Orleans.

 
La scène Acura
 

Retour à la tente blues pour passer une bonne heure en compagnie de  Walter "Wolfman" Washington & the Roadmasters. Il y a une certaine ferveur du public pour cet artiste toujours chaleureusement accueilli. Il fait durer les morceaux, mais ce n’est jamais ennuyeux et il sollicite beaucoup ses musiciens. Un bon set avec un Wolfman en verve.

Terminons la journée avec Monsieur Bobby Rush. Maintenant, quand il vient dans nos contrées nous avons droit un show relativement sage et propret. Qu’allait-il nous offrir ici ? Un grand spectacle tant visuel que musical, avec la participation très active de ses deux fées callipyges.

 
Bobby Rush bien entouré
 

Ça démarre dans la gaudriole, et, ici, le public est écroulé de rire. Bobby Rush alternera des titres purement blues, pleins de feeling, où il nous gratifiera de belles interventions d’harmonica, et d’autres dans la veine plus soul sudiste. Mais il ne reste jamais sérieux très longtemps…et ça repart dans les "gauloiseries" avec exhibition de « petites culottes » et commentaires salés, pour la plus grande joie de tous. Vulgaire et grossier ? Peut-être, mais il faut prendre ça au second degré et ne pas bouder son plaisir. Musicalement ça tourne impeccablement et, en fin de set, Bobby Rush se paie le luxe de parodier de manière très réussie Michael Jackson, moon walk compris, et, plus surprenant, Elvis Presley ! Le public applaudit longuement.

 

Dimanche 29 avril

 

Une des journées-phare de cette édition 2012 avec des poids lourds du calibre de Bruce Springteen, Al Green ou Dr John.  C’est dimanche, jour de la soul food alors allons voir les New Orleans Spiritualettes. Créé il y a une cinquantaine d’années par Ruby Ray, ce groupe fait partie de la légende du gospel local. Leur répertoire est principalement constitué de standards (I believe, He’s calling me, Talk with Jesus…) mais elles savent mettre de l’ambiance, ça déménage et ça danse sous le chapiteau.

 
The New Orleans Spiritualettes

Etape suivante, la grande scène pour écouter Trombone Shorty & Orleans Avenue. Comme la veille pour Jon Cleary, je suivrai le spectacle sur l’écran géant tellement la foule est compacte. Bon set de Troy Andrews qui excelle au trombone mais n’est pas mal non plus à la trompette.

Pendant ce temps sous la Blues Tent, Ironing Board Sam, qui a troqué sa planche à repasser contre un piano électrique, déroule un set pépère fait de classiques du rhythm n’ blues. A noter à ses cotés le toujours excellent Little Buck Senegal à la guitare.


Ironing Board Sam

Je retourne vers la grande scène où il y a de plus en plus de monde pour tenter de voir ce bon vieux Dr John, accompagné par The Lower 911 (John Fohl, guitare ; David Barard, basse ; Raymond Weber, batterie-), un percussioniste,  quatre cuivres dont Herb Hardesty au ténor…et Jon Cleary au piano électrique. La premiere partie permet à Dr John de présenter son nouveau CD "Locked Down". Alternant morceaux au piano et à l’orgue, il semble avoir bien assimilé ce nouvel opus plus rock que New Orleans… La seconde partie nous ramène aux fondamentaux avec Right place wrong time, Mama Roux, ou Such the night. Dr John nous a régalé d’une prestation sans surprise mais de haute volée.

 
Dr. John
 

Une halte à la scène Congo Square pour plonger un bref moment dans un univers de douceur en écoutant quelques titres de  Yolanda Adams. Cette formidable chanteuse, qui fait aussi une carrière dans le gospel, sait captiver l’auditeur avec des titres très soulful aux arrangements toujours soignés. Mais le devoir m’appelle, je dois aller découvrir l’une des nouvelles icônes de la soul.…

 
Yolanda Adams

Mise en scène holywoodienne, avec un Monsieur Loyal en frac et haut de forme pour annoncer Janelle Monaé. Très belle jeune femme, virevoltant sur scène à la manière de Prince, elle s’impose tout de suite avec des titres imparables, notamment le medley Dance or die/Faster/Locked inside. Dansant avec ses musiciens, elle bouge superbement sur scène, mais on remarque surtout sa voix, ample, bien posée. Elle semble  chanter sans effort, et ça, c’est la marque des grand(e)s. Elle a fait le spectacle pendant une heure et le public en redemande, mais au Jazz Fest on ne rigole pas avec les horaires…

 
Janelle Monaé
 

La grande scène Acura est inabordable : Bruce Springteen est sur scène. Je retourne à la Congo Square où, comme à son habitude, Al Green est en train de casser la baraque. Rythmique, section de cuivres, choristes, la machine à groover de Memphis tourne à plein régime et, dominant le tout, la voix veloutée d’Al Green chante Let’s stay together repris en chœur par des milliers de personnes. Impressionnant ! Un concert d’Al Green, c’est toujours une succession de hits qui se termine invariablement par Love and happiness, dont le seul tort est de sonner la fin du show. Même vieillissant, Al Green reste un géant de la soul music.

 
La scène Congo Square
 

Entracte

 

Les jours où le Jazz Fest fait relâche, il y a des choses à faire à (et autour de) New Orleans. Soit du tourisme (genre visite des plantations ou balades dans les swamps à la rencontre des « gators » et autres bestioles sympas…), soit se promener en ville en passant par la Louisiana Music Factory pour assister, de midi à 19 h, aux showcases. J’ai pu y voir Joe Krown taper quelques boogies sur le vieux piano droit de la boutique ou l’équipe de Treme dédicacer CD et DVD de la série. Si l’on n’est pas rassasié de musique, il y a bien sûr les clubs nombreux disséminés en ville. Et si l’on préfère rester downtown,  on peut faire un tour au Funky Pirate sur Bourbon Street où il y a toujours un Big Al Carson pour vous shouter quelques blues du meilleur cru. 

 
Joe Krown
 

Jeudi 3 mai

 

Sevré de gospel depuis trois jours, une halte s’impose sous la tente dédiée à cette musique pour écoute une jeune formation locale, le Eleanor McMain Gospel Choir. Ensemble de très bonne qualité, tout y est, l’entrain, l’harmonie des voix, d’excellents solistes et des chorégraphies. On ressent vraiment la joie de chanter de ces gamins, se produisant devant leurs familles venues faire la claque.

 
The Eleanor McMain Gospel Choir

Sous la Blues Tent, c’est le truculent J. Monque’D, cocher de fiacre de son état, et chanteur-harmoniciste (de talent) à ses heures, qui officie avec un répertoire solide et éclectique  : Key to the highway, Baby scratch my back… Son orchestre sonne bien avec,  aux guitares, Ray Neal (de la fratrie de Baton Rouge) et, plus surprenant, Hervé Hernandez, un des hommes clé du festival MNOP (P comme Périgueux). Après un hommage à Coco Robichaux, J Monque conclura par une version bien enlevée de I got my mojo working, pas très original, mais ça plait.

 
J. Monque'D
 

Lui succède un autre bluesman local, Little Freddie King. Son set très professionnel, puise largement de son dernier CD, "Chasin’ Tha Blues". Son orchestre le supporte très bien, et l’harmoniciste Robert Lewis di Tullio se met en valeur par de belles interventions  venant  colorer des blues raciniens.

 
Little Freddie King

Sur la scène Gentilly se sera l’après-midi funk avec, pour commencer, George Porter Jr et ses Runnin’ Pardners. L’un des maîtres du funk made in NOLA présente notamment son dernier effort discographique consacré à la musique des Meters dont il fut le bassiste emblématique. La basse de George, très présente mais pas hégémonique, forme avec la batterie de Terrence Houston une rythmique de choix pour appuyer les soli de Michael Lemmler (kbd), Brint Anderson (g) ou de Khris Royal (sax).

 
George Porter Jr.

Avec Dumpstaphunk, le groupe suivant, on reste dans le même esprit. Et pour cause, Ivan Neville, fils d’Aaron, est aux manettes (keyboards et chant), secondé par son cousin Ian Neville (guitare), fils de l’ex-MeterArt Neville. La boucle est bouclée avec George Porter Jr. Bien sûr, les deux rejetons sont tombés tout petit dans la marmite funk et la musique du Dumpsta s’en ressent. C’est un groupe très soudé qui compte dans ses rangs Nick Daniels (basse), Tony Hall (guitare) et la toute jeune Nikki Glaspie (batterie) qui a la lourde tâche de remplacer Raymond Weber, et s’en tire fort bien. Du funk à consommer avec délectation.


Un Dumpstafunk : Ivan Neville


Deux Dumpstafunk : Nick Daniels et Ian Neville
 

Après ce monde de brutes on attend un peu de douceur de Rosie Ledet and the Zydeco Playboys. Grave erreur, elle déborde d’énergie la Rosie ! Adepte de l’accordéon diatonique, moins lourd et plus maniable, elle  privilégie des titres up tempo (Groove thing, Brown Sugar, Pick it up).Scéniquement, elle connaît son affaire : souriante, aguicheuse, elle fait hurler les coyotes présents devant la scène Fais Do Do. Un show bien rodé qui fait danser, que demander de plus ?

 
Rosie Ledet
 

En route pour la Blues Tent, je m’arrête à la scène Congo Square pour écouter les dernières minutes du set de Henry Butler. Là aussi ça déménage et je regrette presque de ne pas être venu plus tôt.


Henry Butler

La tente déborde pour accueillir l’une des légendes du Chicago blues, James Cotton avec son "Superharp" Band. Ne pouvant plus parler ni chanter,  il fait appel à divers chanteurs. Après Slam Allen, Tom Holland, c’est au tour de Darrell Nullisch. Choix judicieux car il a une voix qui se prête aussi bien au blues qu’à la soul. Artiste discret, il est vraiment au service de James Cotton, guettant toujours l’instant où ce dernier va  le relayer avec de magnifiques contre-chants d’harmonica. Car pour souffler, le père Cotton est toujours là, avec, des soli d’une inventivité que bien des harmonicistes pourraient lui envier. Et ,surtout, il joue avec conviction comme si sa vie en dépendait. Un show qui restera pour moi l’un des grands moments de ce Jazz Fest.

 
Darrell Nullisch et James Cotton
 

Vendredi 4 mai

 

Un beau soleil inonde toujours le champ de courses pour ce cinquième jour du festival. Commençons notre marathon en allant écouter Bryan Lee & the Blues Power Band. On se rassure tout de suite, il nous paraît en meilleure forme que l’année dernière en Europe.


Bryan Lee
 

L’homme à la Flying V est toujours autant imprégné des musiques d’Albert et de Freddie King. Même quand il fait des incursions du côté de chez Ray Charles avec une version très tonique de Mess around, où dans le rock n’roll avec un excellent Whole lotta shake goin’ on, l’esprit des deux Rois est toujours présent. Succédant à "Braille Blues Daddy", voyons où en est Big Al Carson. On sait qu’il fait de la résistance tous les soirs au Funky Pirate sur Bourbon Street, l’un des derniers bars à programmer du blues. Pour l’heure, il occupe la scène pour un set de reprises qui vont de Little Milton (Blues is alright) à Jimi Hendrix (Voodoo chile) sans oublier Robert Johnson (Crossroads). Un show sans surprise par un chanteur de talent qui devrait faire l’effort de sortir des sentiers battus.


Big Al Carson

Il est temps d’aller faire un tour à la scène Acura pour entendre Wayne Toups & Zydecajun. Depuis une trentaine d’années le natif de Crowley (LA) promène avec un certain succés son "Zydecajun" à travers la Louisiane et le Texas. Accordéoniste diatonique éprouvé, il est aussi un showman hors pair très proche de ses musiciens (notamment du guitariste Freddie Pate). Bon chanteur, il fait la part belle  à des titres très dansants. Il laisse aussi le soin à l’un des violonistes de chanter en français Jolie Blonde et Allons à Lafayette.


Wayne Toups (à droite)

Retour vers une chanteuse 100% locale, Wanda Rouzan. "A Taste of New Orleans", titre de son tour de chant, est axé sur les grands succès régionaux. Défile donc un florilège de hits, parmi lesquels I’m walkin’ (Fats Domino), Ooh poo pah doo (Jessie Hill), Just don’t know it (Huey Smith). Très bonne interprète, Wanda Rousan est ce qu’on appelle une entertainer , interpellant l’assistance, racontant des blagues. Mais à New Orleans, tout finit toujours avec When the Saints…en agitant des mouchoirs et des ombrelles. A noter la qualité de son orchestre d’où émergent deux musiciens incontournables de cette édition, Brian "Breeze" Cayolle et Antony Brown, brillants au sax ténor et à la guitare.


Wanda Rouzan avec Anthony Brown à la guitare
 

Une autre perle de la région, le chanteur guitariste  Deacon John. Quand il se produit au Jazz Fest  Deacon John (autre perle locale) réunit à un big band de 16 musiciens, dont neuf cuivres. Il aime travailler en famille, avec son frère à la basse, sa sœur aux  percussions et sa fille qui viendra en pousser une. Il s’adonne moins à la guitare slide qu’auparavant, préférant maintenant "crooner", mais tout en conservant un répertoire intéressant avec quelques titres rentre-dedans comme Jumpin’ in the morning, Let the good times roll ou Feel so good.


Deacon John
 

Mais je dois écourter pour me précipiter voir Mavis Staples. La tente gospel déborde de tous les côtés et il est difficile d’approcher de la scène. Mavis est accompagnée par trois choristes,et un trio (Rick Elström à la guitare). Pendant une heure la petite dame en noir va nous émouvoir, chantant de cette voix rauque reconnaissable entre toutes ses tubes intemporels que sont I take you there  ou Respect yourself. Elle rend  hommage à son père Pops Staples et à Levon Helm, l’ex-batteur du Band, décédé quelques jours plus tôt et avec qui elle devait chanter le lendemain dans ce même festival. L’émotion est à son comble, artiste et public montrent une telle ferveur , une telle osmose, que nous ne sommes plus au spectacle, nous assistons à une sorte d’office.


Mavis Staples
 

Difficile après ça de plonger dans l’univers de Little Antony & The Imperials, le groupe à succès du début des années 60. Little Antony est toujours là avec ses trois partenaires pour présenter un show dans la pure tradition des groupes vocaux noirs avec un "little big band" claquant bien, un jeu de scène dynamique aux chorégraphies soignées. Sympathique de constater que, 60 ans après leurs débuts, ces groupes continuent à tourner…


Little Anthony & The Imperiials
 

Samedi 5 mai

 

Rien de tel qu’un peu de zydeco pour se mettre de bonne humeur, alors ne nous privons pas de la présence de Curley Taylor sur la scène Fais Do-Do. Il est l’un des jeunes loups de la scène zydeco, et son père n’est autre que Judd Taylor l’un des artistes confirmés du genre. Lui aussi joue de l’accordéon diatonique dans un style très punchy et les danseurs s’en donnent à cœur joie.


Curley Taylor
 

A la scène Acura , sous un soleil de plomb, une foule dense attend Allen Toussaint. Annoncé par le boss du festival, Quint Davis, il arrive dans un magnifique costume multicolore. Une petite intro instrumentale suivie d’une flopée de tubes : Can you hear me, Mother in law, Workin’ in coal mine … On sent que Toussaint avait une relation privilégiée avec ces deux formidables interprètes qu’étaient Ernie K Doe et Lee Dorsey.


Allen Toussaint
 

Même quand on connaît son jeu, on savoure ce touché de piano inimitable qui le classe parmi les plus grands pianistes du style New Orleans. Derrière, le big band impressionne avec aux commandes les deux compères Amadee Castanell (au sax ténor) et Brian Cayolle (au baryton) qui se partagent avec Renard Poché (guitare) grand nombre de soli. Cyril Neville est invité à participer à la fête ainsi que la chanteuse Theresa Anderson. Allen Toussaint ne quitte jamais la scène sans célébrer le ciel et les nuits de Louisiane avec Southern nights. Comme pour Dr John, show sans surprise mais de haut niveau !


Brian "Breeze" Cayolle

Un petit moment d’attente et, succédant à son Pygmalion, arrive Irma Thomas. Un demi-siècle de présence sur la scène néo-orléanaise et le temps semble glisser sur elle sans la marquer, un sourire illuminant toujours son visage, quant à sa voix, elle est magnifique. Irma chante toujours avec autant de facilité des pièces aussi différentes que Hip shakin’ mama, It’s raining où le très prenant I needed somebody. Elle est aussi capable de se lâcher sur I done got over sur lequel  tout le monde danse. Un très bon moment passé en compagnie d’une chanteuse d’exception et son excellent groupe, The Professionals.


Irma Thomas
 

Comme pour Mavis Staples, la tente gospel fait le plein pour accueillir la Aaron Neville’s Gospel Experience.  On sent Aaron très proche du public beaucoup plus détendu que lors de ses concerts avec les Neville Brothers. Sa présence scénique et son charisme font le reste dans des interprétations totalement habitées d’Ave Maria (ma préférée) et d’Amazing grace. Du classique donc, mais aussi des extraits de son dernier CD "I Know I’ve Been Changed" où la complicité qui l’unit à son frère Charles (sax ténor) se confirme . Ce dernier prendra nombre de chorus très réussis sur des titres comme I done made my mind et I’m  a pilgrim. Et comme bien souvent ici, le final est réservé  à When the Saints go marchin’


Aaron Neville
 

 Je termine la journée sous la tente blues où, en remplacement de Levon Helm, se produit The Warren Haynes Band avec Dr John en invité. Un bon groupe, mais Warren Haynes à la guitare et au chant n’est pas très convaincant et ça ne s’arrange pas avec la venue de Dr John et de ses quatre cuivres. C’est le mariage de la carpe et du lapin, il n’y a aucune osmose entre les "clans". Ç’a tout du plateau monté dans l’urgence, c’est sympathique mais ça ne le fait pas !

 

Dimanche 6 mai

 

C’est le dernier jour  et il pleut sur le Jazz  Fest…Le site vient d’ouvrir, j’en profite pour visiter le pavillon dédié aux Mardi Gras Indians. Magnifique expo retraçant l’historique de ce mouvement,  avec des documents datant de plus d’un siècle et une fabuleuse collection de costumes des plus fameuses tribus. Des artisans présents continuent ce travail de bénédictin qui consiste à assembler ces costumes plume à plume et perle à perle… En me rendant à la scène Jazz & Heritage réservée aux brass bands et aux groupes de Mardi Gras Indians (où l’on voit que l’apprentissage commence tôt…), je croise une parade (une autre tradition locale) aux tenues chatoyantes suivie par une impressionnante second line.


La parade va commencer…
 

Tout ceci me ramène à la scène Gentilly où le trompettiste Kermit Ruffins démarre la journée. Co-fondateur du Rebirth Brass Band puis leader des Barbecue Swingers, il fait partie des musiciens incontournables que l’on voit jouer partout et avec qui on veut jouer. Très bon trompettiste dans le pur style New Orleans, il se produit souvent , comme ici, en quartet avec basse, batterie, piano. Il revisite les standards et chante sa ville et son quartier de  Treme qui sont au cœur de plusieurs de ses thèmes. Signe de reconnaissance, c’est son portrait qui orne l’édition 2012 de l’enveloppe commémorative du Jazz Fest.


Kermitt Ruffins
 

New Orleans est riche en familles de musiciens, pour exemple les Neville, les Batiste, les Andrews, les Marsalis et les Boutté. Pour un Sunday praise sous la tente gospel, la Boutté Family s’est réunie autour de ses deux figures emblématiques, Lillian et John. La première est connue dans nos contrées, la célébrité de son frère est plus récente et il la doit à la série Treme dont il interprète le thème du générique.


La Boutté Faimily réunie sous la tente gospel

 La chorale est agréable à écouter, et John fera comme les autres, prenant sa chanson en solo avant de se fondre dans les chœurs. Le répertoire est certes bateau (Oh happy day, Glory glory hallelujah…), mais ne faisons pas la fine bouche et dégustons pleinement cette dernière tranche de gospel.


John Boutté
 

Coup de projo sur une des "figures" de la Gospel Tent, celle que l’on surnomme Lady Tambourine et qui infatigablement dansait et marquait le rythme de son tambourin sur le côté de la scène. Moins présente ces dernières années, elle était bien là, au pied de la scène, à vibrer à la musique. Elle s’appelle Rosalie Washington.


Rosalie Washington a.ka. Lady Tambourine
 

Le dernier jour, les places sont très chères devant les scènes, alors comme j’ai prévu d’écouter Sharon Jones, je me rends en avance sous la Blues Tent et je profite du spectacle de Terrance Simien qui vient de commencer. Ce n’est pas un grand créateur, mais il a chez lui une démarche pédagogique intéressante. Pour le reste c’est du zydeco roboratif, et des titres comme Boogaloo, Stop that train ou Jam the Jazz sont bourrés d’énergie et balancent. Show réussi pour un  bonhomme bien sympathique.


Terrance Simien
 

Après un morceau d’intro très soul vieille école par les Dap-Kings (parmi lesquels on reconnaît le guitariste Joe Crispiano à la coupe proto-beatles des 60s, le bassiste Gabriel Roth et le trompettiste Dave Guy), le micro est laissé à chacune des choristes (dont les noms m’ont échappé)  pour un titre. Après cet intermède Sharon Jones fait son apparition sous les acclamations d’un public conquis d’avance. Avec elle, le spectacle change de dimension, c’est plus rentre dedans, les musiciens jouent à fond, c’est totalement débridé. Il est souvent dit qu’elle est le pendant féminin de James Brown, c’est vrai pour l’énergie qu’elle dépense mais pour la danse, elle doit faire des progrès. C’est flagrant dans la très longue séquence consacrée aux danses du passé comme le, camel walk,  le boogaloo et autre watusi… Mais après tout ce n’est pas si grave vu le plaisir qu’on prend à bouger avec elle.


Sharon Jones et une partie des Dap Kings
 

Vocalement ,Sharon continue à bien chanter  malgré la débauche d’énergie qu’elle dépense.  Que dire des Dap-Kings sinon que c’est une des formation de soul les plus intéressantes du moment avec une super rythmique menée par Gabriel Roth et une section de cuivres claquante à souhait. C’est un triomphe que le public réserve à Sharon Jones et ses musiciens, vraiment une belle manière de clore en beauté ce New Orleans Jazz & Heritage Festival 2012. 

 

Texte et photos Alain Jacquet.