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Live reports / 14.10.2021

Nancy Jazz Pulsations 2021 : The Buttshakers, Popa Chubby, Greg Zlap

Nancy, 9 octobre 2021.

Deuxième soirée au festival pour un plateau soul funk, R&B et blues rock.

C’est le groupe lyonnais The Buttshakers qui ouvre le bal. Avec deux soufflants (sax baryton et trombone), une batterie, une guitare, une basse et une voix incarnée par une charismatique chanteuse, Buttshakers possèdent donc les arguments nécessaires pour ne pas faire mentir son nom évocateur. C’est d’ailleurs ce que Ciara Thompson, chanteuse originaire de Saint-Louis, Missouri, et installée en France depuis plusieurs années (une maîtrise du français bien pratique pour les échanges avec le public) expose en préambule après la courte intro instrumentale de ses camarades. On est là pour passer du bon temps et si ça vous branche, on va vous donner les moyens de « butt-shaker » (alias remuer son derrière). Le ton est donné et c’est sur What you say, un morceau up-tempo tiré de leur troisième album enchaîné au très staxien Never enough que la machine se met en route et que la fête commence ! Basse ronflante, caisse claire métronomique, riffs cuivrés en écho à ceux de la guitare de Sylvain Lorens, chacun de ces titres, dans des genres pourtant différents, comportent les ingrédients nécessaires à remonter la température de quelques degrés dans ce chapiteau ouvert aux quatre vents et garni d’un public avoisinant avec les 3 000 têtes. 

Avant-goût et goût d’avant

Avec un nouvel album prévu pour un atterrissage en règle chez votre disquaire début novembre, l’idée est aussi de dérouler un aperçu de ce nouveau programme musical qui marque un tournant un brin moins rugueux dans leur approche du son et des compositions, à l’image d’un Pass you by et sa glissade psyché planante en seconde partie de morceaux.

Une couleur qu’on ne leur connaissait pas vraiment quand bien même le live ramène presque naturellement ce côté raw soul qui nous avait séduits sur leurs premiers enregistrements. Mais si les Buttshakers sur scène son une machine bien huilée où chaque membre du combo semble à son aise et kiffer le moment, on le doit aussi à l’énergie et au charisme de Ciara Thompson qui au fil d’une grosse heure de concert aura soufflé la salle avec un talent évident et des attributs d’une frontwoman experte (voix, enthousiasme, humour, sex appeal : what else?, comme dirait l’autre). Reprise d’un classique de Betty Wright (Clean up woman) puis descente au cœur du public avec micro dans une main pendant que l’autre invite la foule qui l’entoure à la rejoindre pour quelques réjouissantes contorsions. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, les motivé(e)s par une danse camarade et improvisée trouvent ainsi la meilleure des bandes-son. Les Buttshakers n’ont donc pas volé leur nom. 

Ciara Thompson
Sylvain Lorens
Josselin Soutrenon
Jean Joly

Une grosse heure de musique et un moment de flottement à l’heure du rappel demandé par le public (regards interrogatifs en coulisse !). Finalement, retour en formule resserrée (chanteuse et guitariste) pour un titre suintant la soul et le blues de ce Sud qui nous dresse illico les poils sur les bras. Handclap, arpèges et grain de voix typiquement southern, le duo bluffe la grande salle par la sincérité d’une interprétation juste et sans filet. Et c’est notre âme qui est secouée à cet instant précis, plus vraiment notre booty. 

Un dernier moment de grâce avant d’être rejoint par le reste des musiciens pour terminer le morceau et l’enchaîner à une composition d’origine contrôlée : Tell the truth en mode up-tempo et… incendiaire : Let’s keep the fire burning a-t-on soudainement envie de hurler au moment du salut final ! Un cri de ralliement qui leur va comme un gant, évidemment.

Chubby ou lazy ?

Un changement de plateau technique plus tard et nous retrouvons l’infatigable Popa Chubby en quartet, avec batteur, bassiste et clavier. Comme souvent avec le guitariste new-yorkais, ça démarre assez brusquement et sans grand risque. Une cover d’Hendrix et un “défouraillage” en règle pour attaquer une salle pleine à craquer venue l’écouter, Popa Chubby n’a pas trouvé meilleure recette puisque celle-ci fonctionne parfaitement. Un coup facile histoire de se mettre dans l’ambiance et dans ce grand bain de décibels pour lequel on vient aussi ? Ou un coup de mou, un manque d’inspiration, le ronronnement d’un gros matou ? À chacun de voir.

Blues et rock ’n’ roll font évidemment bon ménage, mais, année après année, Chubby ne semble plus vouloir faire beaucoup d’efforts. Une batterie qui frappe nette et sans fioriture, un bassiste bien campé dans le rythme et cet orgue (ou piano selon) qui finit par se noyer dans le torrent de notes saturées en provenance des cordes de l’iconoclaste guitariste. Où sont donc passées ces envolées stylistiques dont est aussi capable ce gars du Bronx (swing, funk ou jazz, des trucs avec un peu plus de sensibilité que ce déferlement heavy) ? Si le public semble ravi (et c’est bien l’essentiel), à Soul Bag, on restera sur notre faim. Une petite virevolte sur un bout de batterie pour un “drumclash” avec le batteur sera l’un des rares moments du set ou Popa Chubby sort un peu de sa coquille de guitariste, indéboulonnable de son tabouret. 

Popa Chubby

Côté prise de parole, on aurait pu l’attendre sur quelque chose d’un peu “positionné” (son dernier album est quand même un pied de nez assumé aux complotistes de tout poil), mais c’est de femmes et de vin français qu’il veut causer ce soir. De son absence sur les scènes hexagonales depuis ce foutu covid et le plaisir qu’il a à les refouler, voilà ce qui ponctuera un show sans grand relief. 

Juste une trop grosse charge d’électricité sans répit ou presque, comme si l’absence des scènes depuis deux ans justifiait cette déferlante sonique. Un trait finalement très américain, causer plus fort que tout le monde… Sans pour autant se faire entendre ou capter l’attention de ceux qui en auraient voulu un peu plus. Dommage.

Toute la musique que j’aime ?

Pause clope, pause bière, pause pipi et on se réinstalle pour le troisième et dernier concert de la soirée. C’est donc l’hyper-harmoniciste Greg Zlap, compagnon de route de feu Johnny qui déboule tambour battant sur une scène au décor façon grand show. Line-up de type rock sommaire (basse, guitare, batterie) et au centre, éclairé par une poursuite, un micro et un énorme set d’harmonicas prêt à l’emploi pour ce qu’on pressent comme une démonstration en règle à venir. Côté technique, pas d’ambiguïté là-dessus, Zlap connaît son boulot et l’instrument qu’il met en lumière dans un déroulé qui semble millimétré.

En revanche, après ce démarrage sur les chapeaux de roues, Greg Zlap a cette phrase étrange, qui laisse une drôle d’impression flotter dans l’air : « …Un truc qui existait avant, avec des musiciens et du public, dans une salle : un concert mesdames et messieurs, c’est à cela que vous allez assister ! » Bah Greg, t’étais où ces derniers mois ? Les choses ont quand même redémarré avant l’été, et devant ce même public, deux groupes viennent de nous envoyer plus de 2h30 de musique dans les oreilles ! Maladresse ou glissement mégalo ? On n’a pas tout saisi !

Greg Zlap

De fait, le concert promis aurait plutôt à voir avec ce qu’on appelle l’entertainment. Au point qu’ont été gardés quelques réflexes hérités du célèbre showman disparu (perfecto et gants en cuir, gestuelle théâtrale et baskets sur les retours) que Zlap a beaucoup côtoyé. Côté feeling… compliqué à percevoir depuis la foule. Greg Zlap a beau égrainer dans la première demi-heure une suite de noms chers à Soul Bag (de Robert Johnson à Ray Charles pour faire court) et de chanter ce blues qui coule dans ses veines, on a du mal à se laisser embarquer par ce set plus proche du spectacle de variétés que du blues ou blues rock auquel on s’attendait. Pas grave, il nous restait les concerts du dimanche.

Texte : Julien D.
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux

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