Blues Roots Festival Meyreuil 2024
02.10.2024
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Nancy, 11 octobre 2021.
Le dimanche à NJP, c’est Pèp’ en Fête ! Comprenez Pépinière en fête, le majestueux parc du centre-ville étant l’objet d’une transhumance non-stop de spectateurs pour cause d’accès libre et d’animation musicales sur tout le site du festival. Après une prestation démarrée en retard par un groupe intrigant, le Gystere Live Band (un ovni musical hybride entre p-funk cosmico-comique et disco pop bubblegum des années 1980), c’ est une habituée des pages de Soul Bag qui fait irruption sur scène avec ses musiciens.
Passe sanitaire, quarantaine, maîtrise et réduction des coûts ou ce stupide Brexit, Hannah Williams à traversée la manche avec un band limité à quatre musiciens (guitare, basse, batterie, claviers). Sans chœurs ni cuivres, la scène semble soudainement énorme alors qu’Hannah Williams exécute une balance express ayant juste eu le temps d’abandonner sac à main et sandales aux pieds des enceintes de retour.
Ça démarre sec avec le titre 50 foot Woman qui donne rapidement le ton du répertoire pour ceux qui ne connaîtraient pas la demoiselle et ses Affirmations. Une soul et un funk d’inspiration seventies, fédérateurs et croustillants (faute de cuivres, l’orgue est hyper présent) qui malgré un line-up au régime sec remportent un accueil chaleureux du public.
La largeur de gamme de cette exceptionnelle vocaliste et les renforts des musiciens comblent aisément l’absence des deux choristes habituelles. Hannah, qui avant pandémie rendait régulièrement visite au public frenchy (qui le lui rend bien), a ce petit mot chaleureux sur ce retour dans l’Hexagone. Un message d’ailleurs redondant chez tous les musiciens du festival qui ouvertement parlent du grand manque causé par la pandémie.
Quelques titres sur le même régime où se glisse quelques nouvelles compositions très soul, en mode ballade mellow, voire mélancolique, et on on laisse l’une de nos soulwomen chéries pour ce qui nous a été présenté comme un artiste à ne pas louper mais qui joue malheureusement au même moment sur une plus petite scène. On serait quand même bien resté pour le délice d’entendre une centième fois le désormais classique Late nights & heartbreak, qu’elle interpréta sûrement en cours de show. Next time!
Dans le décor scintillant et un brin rétro du Magic Mirrors, c’est donc Ron Artis II qu’on retrouve à quelques enjambées. L’heure de vérité pour découvrir ce chanteur-guitariste (et plus encore, vous allez voir) en provenance d’Hawaï. Instrumentation sobre et compacte sur la petite scène de cet autre genre de chapiteau. Une batterie à gauche, une basse à droite et au centre micro, deux guitares (une folk, une électrique) et un petit orgue coincé au beau milieu de tout ça. Intriguant, on nous annonçait un trio…
Conjointement aux deux musiciens qui s’installent à chaque extrémité, déboule dans un élégant costard pourpre un grand échassier (il doit flirter avec le mètre 95) qui large sourire aux lèvres se présente devant une salle remplie de moitié. Simple, sans trac apparent et sans surjouer quoi que se soit, ça démarre donc ainsi, un petit mot sur leur arrivée depuis Hawaï et une gamme bluesy assez classique avec la rythmique qui lui emboîte le pas. Puis Ron Artis se met à chanter, dévoilant un joli grain de voix soul. Et le voilà qui plaque tout une grappe d’accords sur son manche, avec une décontraction rare et ce feeling blues qui n’oblige pas à une avalanche technique de notes. Joli toucher ! Une entrée en matière qui nous rend confiants sur la suite à venir… Et la suite arrive très vite de la bouche de ce qui nous semble être un généreux trentenaire.
« Is there some people who like a bit of funk here? » Acquiescement du public qui s’est bien épaissi en seulement un ou deux titres, et Ron a ce geste fou (très rapide et très souple) avec sa main droite qui instantanément donne la couleur singulière de son jeu. Le morceau The truth évoque ce blue funk que Keziah Jones en son temps avait popularisé. Mais le type d’attaque que Ron a mis au point est beaucoup plus direct et sans trop d’effets. Résultat, on se le prend en pleine poire et le temps de dire ouf le couple basse-batterie se lance dans une rythmique funk bien corsé : la salle gronde de plaisir et la fusée Ron Artis est lancée.
L’architecture d’une majorité des titres joués ce soir est définitivement blues. Du blues bien électrique et enveloppant, dans le sens hendrixien du genre, avec la rythmique sur les talons du guitariste. Mais quand Ron passe à l’orgue, on penche alors vers une soul qui ne dit pas vraiment son nom. Un poil churchy ou presque psyché selon l’humeur et la tonalité du morceau. Le groove de certains titres évoque aussi les grands noms de la guitare funk (Nile Rodgers, Jimmy Nolen, Freddie Stone, Wah Wah Watson…), mais sur scène Ron Artis vit son truc sans retenue et apparemment spontanément.
Au cours d’un titre à rallonge (et particulièrement dansant), il échangera l’orgue avec le batteur, qui passera faire des gros aplats sans fioritures sur le clavier pendant qu’Artis se débat avec baguettes et micro. Puis, tel un gamin hyperactif, il taquinera aussi la basse momentanément empruntée a son acolyte musicien, laissant sa guitare sur un pied et le public stupéfait. Voilà à quoi ressemblait cette petite heure de concert, son premier en France.
Un mot aussi sur la petite respiration au milieu de ce show bouillant : Ron seul en piste avec sa guitare folk est rejoint le temps de deux titres totalement acoustiques par l’une de ses filles (Janice, 4 ans) venue chanter avec papa, aussi simplement qu’elle doit le faire a la maison. Roucoulement du public, flashs de smartphones qui crépitent, le moment est sans chichi et presque spontané, sans enjeu artistique particulier. Studios, interviews, tournées, voyages, rencontres… La famille qui accompagne au quotidien ce musicien singulier, c’est semble-t-il la vie et la route que s’est choisies ce Ron Artis qu’on va désormais suivre de près. Nancy c’est fini, à vous Paris !
Texte : Julien D.
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux