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Live reports / 22.06.2012

MONTEREY BLUES FESTIVAL

 


Kenny Neal

 

Pour les littéraires, la Baie de Monterey en Californie est synonyme de “Cannery row” (John Steinbeck) ; les “aquaphiles” connaissent son célèbre aquarium géant et les sexagénaires du rock, l’historique “Monterey Pop”. Quant à son festival de blues, il est en passe de devenir l’un des plus anciens du genre. Comme d’autres programmations qui s’essoufflent, voient leurs fréquentations en baisse et les spectateurs vieillir, alors que les frais sont récurrents et en hausse, le festival, remarquablement organisé comme la plupart de ses confrères américains, diversifie son offre jusqu’à la nostalgie R&B doré (Rose Royce, Evelyn “Champagne” King, The Sounds of Philly, Harold Melvin & The Blue Notes, The New Stylistics…) ou “bourre les urnes” avec des groupes locaux et régionaux qui devraient mieux le rester. L’ambiance, elle, reste familiale (malgré le prix élevé du ticket), avec une majorité de couples africains-américains âgés, aussi élégants que pour un office religieux dominical, et déambulant de scène en scène dans le parc des foires et expositions. Côté blues, qui avons-nous aimé ou trouvé indigne d’un festival à renommée internationale ?

 

Les deux sets de Charlie Musselwhite, voix mielleuse et vraie présence naturelle, sans affèterie, fidèle à son harmonica sudiste (exit le country blues à la guitare) et à ses accompagnateurs (June Core, dm). Matthew Stubbs, son dernier guitariste, est un peu trop “rock” à mon goût.

Les deux sets du beau Kenny Neal, ou la passion contrôlée : de longs solos de sa Telecaster écaillée mais tellement “parlante”, sans compter l’harmonica nasillard (merci Slim Harpo) ou la lap steel chantante. Ça passe avec distinction et transpiration, même dans les classiques usés.

 

 
Charlie Musselwhite

 


Kenny Neal

 

Sista Monica. Voix, abattage et répertoire soul blues gospelisant. De plus, le groupe est remarquable, avec un guitariste subtil et efficace.

Larry McCray (vo, g). Entre rock et blues. Gros son puissant et volume violent ; quel est le but ?

Grady Champion (vo, hca). Et dire qu'il a gagné le concours blues de Memphis ! Si ses CD font illusion pour qui ne l’a pas vu, autant agace-t-il prodigieusement “live” : une caricature de bluesman, gesticulant et criant, quand il ne se révèle pas franchement barbant à la guitare (vous savez, le sempiternel boogie à la John Lee Hooker).

 


Sista Monica

 

André Thierry & Zydeco Magic. Magique ?! Des archétypes du genre. Sans doute font-ils  danser les bayous mais sur une grande scène, n’offrant rien de visuel ou d’attractif, ils sont d’une monotonie musicale barbante. Les sièges se vident.

Jackie Greene. Chanteur-compositeur, conteur d’histoires humaines, ce guitariste électrique discret et soigneusement accompagné m’a attiré. Raison ? Un puissant harmonica amplifié dont je reconnais le sound : Charlie Musselwhite vient lui rendre une visite amicale dans le premier titre.

 

 
André Thierry & Zydeco Magic

 

Roy Tyler & New Directions. Programmation idéale pour un dimanche matin : si ce vétéran du gospel en appelle à Dieu, soutenu par un baryton et des musiciens issus d’autres églises et formations (principalement des Gospel Hummingbirds), c'est dans un style fortement influencé par le R&B à la Holmes Brothers. Et qui tient modestement la basse comme à ses débuts ? Rien moins que Raphael Saadiq !

 


Roy Tyler & New Directions

 


Raphael Saadiq

 

Paula Harris. Oh, la découverte ! Cette jeune chanteuse établie à San Francisco après des études de musique classique vocale (ça aide !), se révèle être déjà une pro de la scène, du répertoire soul blues bien balancé et à la tête d’un groupe où le jeune batteur, précis et dynamique, exécute des sauts à hauteur de caisses, jambes fléchies ! Quant aux guitaristes, ils savent placer la note juste. Le CD vaut le détour. Quand je pense aux impétrant(e)s qui s’imaginent savoir chanter…

Justement, les Oakland Blues Divas (?!) devraient s’abstenir, a fortiori dans des versions pénibles de classiques d’Etta James. Et que venait faire un clone de Tina Turner dans cette revue ? Vous imaginez aisément le Proud Mary que j’ai dû subir !

 


Paula Harris et son bassiste

 

Restons dans la catégorie “je suis médiocre mais photogénique”. Haut la main ? Little Junior Crudup (oui, un des descendants d’Arthur “Big Boy” Crudup). En combinaison rouge moulante, fausse fourrure blanche, lunettes voyantes, ganté et bagué façon maquereau, il atteint les sommets comiques du ridicule. Par contre, l’orchestre cuivré de soul façon Stax qui l’a invité, le Bay Area Blues Society Caravan of All Stars, est impeccable de groove.

 


Little Junior Crudup

 

Adrian Costa (vo, g). Cet Espagnol d’origine est banal à la guitare mais son groupe est remarquable, avec deux vétérans de la scène d’Oakland : Henry Oden (b) qui, à cause de son infirmité, ne désire plus venir en Europe et Carl Green (s). Quant à la batterie, c’est une femme élégante et dynamique, Tovia Bradley, qui impulse le groupe à claviers. Ah, s’ils avaient un meilleur leader !

 


Henry Oden, Adrian Costa, Carl Green

 


Tovia Bradley

 

Tebo & Folk. Mon objectif est resté scotché à leur photogénie ! Elle, replète en chapeau cow-boy élimé et mini-jupe avec jarretière rouge, gesticulant un washboard en perpétuel crescendo. Lui, Frank “Tebo” Thibeaux, élégant en gris perle, basse comprise, virevoltant autour d’elle aux rythmes de la batterie et des claviers ; un guitariste rock complète. Style ? Une sorte de zydeco funky au sound écorché. Ça déménage sans ménagement.

Phil Gates (vo, g). Ah, s’il savait chanter juste ! C’est dommage, parce qu’à la tête d’un groupe bien en phase avec ses (trop) longs solos d’une guitare chantante, il pourrait concurrencer… de trop nombreux confrères.

Alvon Johnson (g, vo). Est-ce que ses tournées françaises en font un bluesman plus crédible ? Lui le croit alors que c’est du tout venant.

 


Tebo & Folk

 


Phil Gates

 


Alvon Johnson

 

Harmonica Explosion. Que des locaux interchangeables et sous le niveau moyen des participants à une revue similaire à Chicago. Citons :

Sean McGroarty : le plus rauque et “soufflant” à la James Cotton.

Wingnut Adams : le plus rude (down-home ?).

Ro Harpo : sound semi acoustique proche de Sonny Boy Williamson II.

The Silver Fox : dans le même moule.

Vinnie Flores : très jeune, il ne “sent” pas encore les entrées en matière et ne modifie pas le son. Mais il apprend.

Tous ont en commun le fait de considérer le chant comme accessoire et naviguent à vue ; le guitariste tangue aussi.

 


Sean McGroarty, The Silver Fox, Wingnut Adams, Ro Harpo, Vinnie Flores

 


Ro Harpo

 

J.C. Smith (vo, g). Evoluera-t-il un jour ? Autre bar band de San Francisco, déjà vu au défunt festival. Avec deux saxophones, une trompette et des claviers, ça tient la route. Puis arrivent des invités – “jammeurs” qui vont le reléguer en bord de scène : un certain Kyle Rowland, pauvre chanteur mais harmoniciste efficace, et un gamin de 12 ans à la guitare Ray Goren, déjà en mesure de monter correctement sur les planches. Et je prends plaisir à les écouter, d’autant plus que les cuivres les soutiennent avec aisance. Allez, ces classiques (re)passeront bien, cette fois.

Joe Boy Walton band (vo, g). Là, c’est pénible parce que brouillon.

Cole Fonseca (vo, g, hca). Ce jeune homme au dossier de presse dithyrambique dans sa première vie se retrouve, avec un seul bras valide après un grave accident de la route, humble harmoniciste-guitariste. Il croit en sa deuxième chance ; le résultat n’est pas mal. Surtout à l’harmonica.

 


J.C. Smith

 


Kyle Rowland, Ray Goren, J.C. Smith

 


Joe Boy Walton

 


Cole Fonseca

 

Texte et photos André Hobus