Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Un penseur contemporain faisait remarquer très justement que, parfois, à force de proximité et d’accessibilité, il pouvait nous arriver de négliger certains artistes, et il faut bien avouer que l’omniprésence de Lucky Peterson, tant sur disque que sur les scènes françaises, peut avoir un côté lassant. De fait, cela faisait plus de dix ans – depuis une mémorable soirée du festival de jazz de la Défense où il avait été rejoint sur scène par Carey Bell pour un set acoustique inspiré – que je ne m’étais pas laissé tenter par un concert du bluesman et il a fallu la parution dans Soul Bag (évidemment) d’un long entretien pour me donner envie d’aller voir où en était l’ancien jeune prodige.
Après une infidélité estivale, le temps d’une date dans le cadre élégant du théâtre de l’Odéon, Peterson était de retour dans sa base parisienne habituelle, et pour l’occasion le New Morning était plein à craquer. C’est accompagné de son trio régulier (Timothy Waites à la basse, Raul Valdes à la batterie et Shawn Kellerman à la guitare) mais sans le clavier annoncé sur le site de la salle qu’il se présente. À noter que sa femme Tamara, également annoncée, était absente sans explication.
Sans surprise, c’est Shawn Kellerman qui ouvre la soirée devant un public déjà motivé, avec un boogie générique mais efficace (sa reprise du Pretty woman d’Albert King en ouverture du second set sera bien moins convaincante), avant l’arrivée sur scène d’un Lucky Peterson costumé, cravaté et chapeauté de blanc avec une chemise à pois multicolore, qui se dirige immédiatement vers l’orgue Hammond. Côté répertoire, Lucky emprunte largement à l’album “The Son of a Bluesman”, qu’il s’agisse des originaux (I’m still here, à laquelle il accorde visiblement beaucoup d’importance) ou des reprises (I can see clearly now). Hélas, alors qu’il semblait très motivé à son entrée sur scène, des problèmes de son – qui persisteront tout au long du concert – l’agacent et nuisent visiblement à sa concentration, au point d’ailleurs qu’il décidera de chanter tout un morceau sans micro ! Après une bonne demi-heure à l’orgue, il se lève et s’empare d’une des guitares qui trônent devant lui pour se lancer dans son habituel bain de foule, désormais parsemé de pauses pour les innombrables autoportraits avec des fans énamourés, qu’il finira debout sur le bar ! Inutile de dire que le numéro, qui dure une bonne vingtaine de minutes, relève plus du cirque que de la musique, Peterson se contentant pendant ce temps de débiter mécaniquement des riffs empruntés à d’autres avant de revenir sur scène clore le premier set.
Le second set débute de la même façon, avec une série de titres à l’orgue et quelques improvisations hélas plus routinières qu’inspirées. Sur I pity the fool, il quitte soudainement l’orgue pour prendre sa guitare et balancer – enfin ! – un superbe solo mordant et structuré… hélas suivi par une interminable improvisation d’une vingtaine de minutes au cours de laquelle il s’amuse, entre autres, à imiter le style de B.B. King. Il passe ensuite brièvement au dobro pour une courte séance acoustique plutôt stéréotypée – il s’attaque même à Got my mojo working – avant de revenir à l’orgue pour une nouvelle improvisation au cours de laquelle il confesse son envie de s’installer en France pour y ouvrir une école de musique… Le second set s’étalant au-delà du raisonnable, les contraintes de la vie réelle m’imposent de quitter les lieux avant la fin.
Frédéric Adrian