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Live reports / 02.04.2022

Laurent Bardainne & Tigre d’Eau Douce, La Cigale, Paris

16 mars 2022

Un instrumentiste de jazz français en vedette dans une grande salle parisienne, ça n’est pas tout à fait quelque chose d’habituel, et c’est évidemment en soi une belle réussite pour l’artiste, son label – les activistes d’Heavenly Sweetness – et son tourneur, DuNose Productions. 

Il faut dire que Laurent Bardainne est une figure à part sur la scène française, sur laquelle il est apparu à la fin des années 1990 : musicien de jazz, mais pas que, il a aussi copiloté avec Nicolas Ker le groupe rock arty Poni Hoax et collaboré aussi bien avec Thomas de Pourquery ou Étienne Jaumet qu’avec Julien Doré et Camelia Jordana. Depuis 2019, c’est avec son propre groupe, Tigre d’Eau Douce, qu’il se produit régulièrement – en plus de sa participation à d’autres projets. Le deuxième album sous ce nom, “Hymne au Soleil”, paru fin janvier dernier, lui a permis de conquérir un large public, en particulier grâce au succès du single Oiseau, chanté par Bertrand Belin, et c’est ce disque qui était fêté à la Cigale, en présence de la plupart des participants.

C’est Étienne Jaumet, une autre personnalité aussi atypique qu’influente de la scène musicale française d’aujourd’hui, qui assure la première partie. À la fois seul et bien accompagné, c’est en solo, armé de son saxophone et de machines en tous genres, qu’il se présente pour un set court, mais ambitieux, mêlant jazz et électro, reprises et compositions originales. Le résultat, visuellement spectaculaire, avec son dispositif à la limite du laboratoire de savant fou, n’est pas toujours évident à suivre, mais ne manque pas de réussite, comme ce Caravan qui retrouve le chemin du dancefloor. 

Entouré de son Tigre – Philippe Gleizes à la batterie, Sylvain Daniel à la basse, Arnaud Roulin aux claviers et le percussionniste Fabe Beaurel Bambi en remplacement de Roger Raspail – et de deux choristes – la merveilleuse Lisa Spada et Laetitia N’Diaye –, c’est avec Oh yeah, le titre d’ouverture de l’album, que Laurent Bardainne commence le concert, qui suit ensuite globalement le programme du disque, en y ajoutant quelques titres plus anciens – le très beau Le vent, les arbres, les oiseaux m’encouragent –, un hommage à Nicola Ker et une inattendue reprise de Billie Eilish, (I love you). 

Au fil des morceaux, le groupe de base s’enrichit, en plus des choristes, d’invités associés à l’album : la chanteuse Celia Wa pour Jou en nou rivé, Frédéric Soulard aux claviers et, à plusieurs reprises, Étienne Jaumet. Ce casting de luxe permet à la musique de l’album de se déployer librement, sans pour autant céder au piège de la jam improvisé, et c’est bien Laurent Bardainne et ses compositions qui restent au cœur du programme, les invités jouant chacun parfaitement leur rôle de complément dans l’ensemble. 

L’ensemble des protagonistes se retrouvent d’ailleurs sur scène pour le final et sont rejoints par le chanteur Bertrand Belin pour une version visiblement très attendue par le public de Oiseau. L’enthousiasme est tel que, à l’initiative des choristes, le morceau reprend même pour quelques minutes après sa fin théorique, le temps pour chacun d’acclamer une dernière fois les participants à cette soirée très réussie, qui confirme le potentiel “grand public” de la scène jazz contemporaine.

Texte : Frédéric Adrian