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Live reports / 08.02.2020

Kelly Finnigan & The Atonements, La Cartonnerie, Reims

1er février 2020.

Bon sang, quelle claque ! Si l’on devait noter les concerts, celui-ci décrocherait Le Pied sans hésitation. Débarqué en Europe il y a quelques semaines pour défendre son premier album solo, “The Tales People Tell”, paru au printemps dernier chez Colemine et couronné de la note maximale dans nos colonnes, le Californien a livré une prestation incroyable, complétement habitée. On connaissait la qualité de ses chansons ainsi que sa voix fantastique, polie au fil de longues années passées dans les clubs d’Oakland ; nous avons découvert un performer extraordinaire, exceptionnel de présence et de charisme. Grâce à son physique (compact, massif) et à son attitude (il sourit peu, bouge beaucoup, tout entier plongé dans sa musique) ; a son rapport avec les spectateurs, qu’il quitte rarement des yeux (il faut croiser son regard bleu-acier pour mesurer à quel point son engagement est total) et travaille sans relâche, avant, pendant et après les morceaux ; à sa manière, plutôt autoritaire, de diriger son groupe, constamment aux aguets, sous contrôle ; à son jeu de scène, qu’il soit assis en avant-scène derrière son clavier ou qu’il se mette brusquement debout pour haranguer le public et faire monter la pression d’un cran ; et à sa voix bien sûr, rauque, chaude, expressive, prodigieux instrument directement pluggé sur son âme à nue et avec laquelle il exprime toutes les nuances de la soul, la grande, la vraie, pure et non-filtrée, celle des emballements amoureux, des ruptures et des regrets, bref de tous nos aléas émotionnels.

Soutenu par une formation compétente (les arrangements des chansons sont plutôt complexes, souvent différents de ceux du disque) et bien fournie comprenant une paire basse-batterie, un guitariste gaucher (Gibson ES335 en son clair ; ampli Fender ; pédale wah-wah), une section de cuivres (sax, trompette, tambourin, chœurs) et deux choristes (dont la délicieuse Gizelle Smith, que l’on espère retrouver rapidement en solo), Finnigan se chargeant lui-même des claviers (un Wurlitzer surplombé d’un clone de Hammond, le Korg CX-3), le chanteur a interprété l’essentiel de son album (Everytime it rains en ouverture, Smoking & drinking, I’ll never love again…), complété d’une poignée de reprises ultra-référencées (Dreams des Brothers of Soul). Il faudrait tout citer dans ce concert d’anthologie, mais mentionnons quand même la longue, la superbe intro à l’orgue de I don’t wanna wait (il expliquera à la fin du titre que cette chanson fut la première qu’il écrivit pour le disque), le délire complet, ad-lib, de I called you back baby (« I’m gonna put you to the test, I will make you work, if you like Soul I want you to make some noiiiiiiiiiiise! ») durant laquelle il mit la salle en feu, dansant comme un damné au milieu de la scène et  s’oubliant au point de faire dangereusement vaciller son orgue (heureusement que le trompettiste et Gizelle Smith veillent au grain…), aux arrangements revisités de la sublime Catch me I’m falling (qu’il demandera à son groupe de redémarrer : « We’re gonna start again, we can, they can do it better »), Trouble, vénéneuse b-side de Catch me… uniquement sortie en 45-tours ou bien encore You don’t have to worry qui permet aux choristes de faire étalage de tout leur talent. Le show se termine sur une reprise immaculée d’Open the door to your heart sous les vivats d’un public hébété devant tant de puissance.

© Cléa Parfum
© Cléa Parfum
© Cléa Parfum
Shawn Lee

Il est rare d’assister à un concert de ce niveau. Finnigan apparaît comme l’un des tous meilleurs chanteurs de soul contemporains. Les concerts sold-out qu’il vient de donner en Angleterre sont un bon indicateur de sa cote de popularité auprès des connaisseurs britanniques. Combien de temps tiendra-t-il à ce rythme, avec ce tel niveau d’engagement et de générosité, avant que l’humaine fatigue voire les tics scéniques ne le rattrapent ?  Aucune idée, mais en attendant, s’il passe près de chez vous, ne le manquez surtout pas !

PS : Soulignons la qualité du travail fourni par la Cartonnerie de Reims : personnel sympathique et accueillant, salle conviviale et bien conçue, prise de son impeccable, before et after-shows pilotés par un DJ bien équipé en pépites (Marlena Shaw, Nina Simone, Lynda Lyndell, Sarah Webster, ce genre…). C’est un plaisir d’écouter de la musique dans ces conditions ; que toute l’équipe en soit chaleureusement remerciée.  

Texte : Ulrick Parfum
Photos (sauf mention) prises au Cargö (Caen) le 24 janvier 2020. © Guy Moraux

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