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Live reports / 21.07.2018

Jacob Banks

Soir de première(s) pour Jacob Banks. Première fois que le chanteur anglais natif du Nigéria se produit dans l'écrin iodé du Théâtre de la Mer. Également le premier artiste de cette édition 2018 à faire vibrer les cordes sensibles et plurielles de la soul, après deux jours à parler jazz, sous toutes ses formes, dans toutes ses langues (Avishaï Cohen d'abord, puis le Gonzalo Rubalcaba Trio avaient lancé les hostilités). Grosse pression donc, que seules des épaules bien dessinées et presque à l'étroit dans une chemise sombre pouvaient encaisser. Reste que le répertoire de Banks – trois EP et un album en cours de finalisation – est encore en construction. Comme le bonhomme d'ailleurs. Du haut de ses 26 ans, le storyteller revendique fièrement son apprentissage musical fait à base de vidéos Youtube (Al Green, son premier choc) et de tutos de guitare visionnés en martyrisant la barre d'espace. Des méthodes de novice pour celui que d'aucuns appellent déjà une valeur sûre. Difficile sur ce point de leur donner tort, tant la maîtrise sur scène est totale, autant que la voix est puissante et poussée jusque dans les cieux (il faut entendre ce joli falsetto…). Un grain immédiatement identifiable (la marque des grands, dit-on) qui va chercher loin, comme au fond d'un puits d'émotions qui semble ne jamais se tarir. La source est fiable : c'est de là que Jacob Banks tire son inspiration et sa sensibilité à fleur de peau (« One more depressive song », lâche-t-il dans un sourire presque gêné avant d'entamer les premiers accords de Part time love). 

 

 

 

 

 

 

 

Une sincérité brut confirmée par l'autobiographique Homecoming, tempo lent qui raconte le choc culturel né de son départ du Nigeria, à seulement 13 ans. Bouleversant et percutant, comme l'intégralité d'un set sachant parfaitement jouer avec les multiples facettes de ce touche-à-tout féru d'images (il réalise lui-même ses clips), et nourri de musique trap, de hip-hop et de blues. Héritage sans doute de ses productions électro (autre influence à cocher), quelques bandes préenregistrées viennent par moment casser la magie de l'instant (pourquoi diable demander à des machines de débiter une intro au piano quand un guitariste-clavier attend sagement son tour à côté ?). Heureusement, rien qui ne trahisse ni la démarche, ni le propos d'un artiste qui chante plus qu'il ne parle sur scène, refusant presque de lâcher toute l'énergie contenue en lui.

 

 

 

 

 

Les rares tentatives d'embarquer les spectateurs aboutiront une fois la lune sortie de sa coquille, grâce aux morceaux mainstream (Unholy warUnknown (Toyou)) et à des arrangements plus roots, notamment sur une relecture reggae du Feelsde Calvin Harris. Des évidences capables à elles seules de faire se lever l'auditoire, presque au complet ce soir-là. Inutile de rappeler que les absents avaient tort. Comme toujours.

Mathieu Bellisario
Photos © Frédéric David

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