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Live reports / 28.04.2018

Hugh Coltman

Environ deux mois après un concert de rodage au Pan Piper, Hugh Coltman grimpait sur la scène du Bataclan afin de proposer la déclinaison live de l'excellent “Who's Happy ?” (cf. chronique et interview Soul Bag 230).

Le Bataclan ce soir-là est bien rempli, avec des dizaines de rangées de chaises installés dans la fosse, faute d'avoir accès au balcon. Ce concert estampillé “jazz” doit expliquer cette configuration, même s’il y a matière à sourciller quand on connaît le registre, le swing et le tempo parfois enlevé du nouvel album “Who's Happy ?”.

 

 

 

Bien entouré (sept musiciens) et un brin dandy (mèche rebelle et veste aux reflets métallisés), le chanteur-crooner anglais attaque avec deux titres qui ouvrent également l’album : Civy Street et Sugar coated pill. Une mise en bouche assez proche des versions studios (le souffle du live en plus) et qui pourrait laisser présager un concert au déroulé efficace et bien réglé. Mais c'est méconnaître la personnalité et la langue bien pendue de ce Britannique parlant un français presque parfait. Micro ouvert, Hugh Coltman bavarde avec la salle comme s’il était au café du coin en train de faire un tiercé clope au bec. Ça blablate à propos de ce nouvel opus enregistré à La Nouvelle-Orleans, des musiciens géniaux qui l'accompagnent depuis “Shadows of Nat King Cole”, du public qu'il remercie d’être venu… Un type sans postures, apparemment ravi de l'instant présent.

 

 

Compos originales, standards sans clichés

Petite séquence mélo avec l'excellente composition The sinner et son refrain en mode Dixieland que conduit sans trop en faire le clarinettiste. Suivra une version épurée de Ladybird, où les chorus respectifs du guitariste (Freddy Koella) comme du trompettiste (Jérôme Etcheberry) sont tout en retenue. C'est peut-être aussi l'absence de chœurs féminins, très présents sur l'album, qui ouvrent d'autres perspectives pour les musiciens ce soir. En tout cas, il y a de la place pour tout le monde et l'éclairage en demi-teinte ne s'y trompe pas : poursuite et projos sont loin de privilégier le seul chanteur qui lui aussi emprunte autant à la soul qu'au folk et au jazz.

 

 

 

 

Puis vient cette ardente (et attendue puisque single) reprise du titre de Charles Sheffield – It’s your voodoo working rallongé d'un vigoureux solo d'orgue électrique – qui plonge la salle dans un déluge de groove direct et irrésistible. Une ballade magique passe par là (New Park Street), avec ce langoureux solo de trompette joué directement dans le public, puis retour illico dans un swingant bouillon up-tempo avec le standard d'Ellington Caravan. Hugh Coltman et ses acolytes en proposent une jouissante relecture faisant la part belle aux cuivres. Idem pour cette autre reprise (Daydream) un peu plus loin dans le set. Les choix en matière d'arrangements sont des plus judicieux, pour un résultat qui ne cesse d’électrifier le public du Bataclan tout en évitant brillamment les clichés. Hugh virevolte. Hugh chuchote. Hugh minaude, comme pour cette belle interprétation de l'introspectif Hand me down au cours de laquelle une Mélissa Laveaux toute coquette fait une courte apparition.

 

 

 

 

Une belle pirouette soul (Resignation letter) et un grand sourire de l’intéressé quand il évoque son expérience des petits boulots par lesquels il a été obligé de transiter avant de vivre de sa musique ; et une belle montée en puissance et en volume sonore qui poussera la fosse à se lever et à rester debout jusqu’à la fin du spectacle. 

 

 

 

 

 

Après une heure et quart de régalade, place à un final un poil théâtralisé. Chacun des musiciens, après avoir répondu à la présentation de circonstance par quelques mesures en solo, quittent un à un la scène, ne laissant en place que l'excellent pianiste Gaël Rakotondrabe qui nous offre une hypnotique leçon jamesbookerienne avant l'extinction complète des lumières.

 

 

 

Le ramdam des spectateurs ramène les troupes sur scène. En guise de rappel, trois autres titres dont l'émouvant Little big man. Une chanson qui nous rappelle qu’ en plus du reste de sa palette Hugh Coltman maîtrise un truc à la perfection : l'art du songwriting.

Jules Do Mar
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux

Line-up : Jérôme Etcheberry (trompette), Frédéric Couderc (saxophone, clarinette), Jerry Edwards (trombone), Didier Havet (sousaphone), Gaël Rakotondrabe (claviers), Freddy Koella (guitare), Raphaël Chassin (batterie).