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Live reports / 27.01.2017

HANNAH WILLIAMS & THE AFFIRMATIONS

Lorsque nous l'avions interviewée fin octobre dernier, elle nous avait dit qu'elle ferait le maximum pour se produire à Paris le plus rapidement possible. Elle a tenu parole, et pas qu'un peu, puisque c'est avec l'intégralité des membres des Affirmations qu'elle investit le petit club de la rue Jean-Pierre Timbaud, soit, au total, neuf musiciens (clavier, guitare, basse, batterie, saxophone baryton, trombone, deux choristes, ainsi qu'Hannah au chant lead). En ces temps de crise, on n'a plus trop l'habitude de se voir offrir pareille opulence… À dix euros la place (une aubaine !), le public ne s'y est pas trompé, se déplaçant en masse en dépit du froid glacial qui régnait à l’extérieur.

 

 

 

On plaindra une fois de plus les absents car l'orchestre, s'appuyant sur le répertoire vingt-quatre carats de leur album “Late Nights & Heartbreak” (Le Pied dans Soul Bag 225), visiblement ravi de jouer pour la première fois dans la capitale, délivra une prestation explosive. Ce qui frappe de prime abord, c'est la cohésion du groupe (aucun musicien ne tire la couverture à lui), sa jeunesse aussi (non, la soul n'est pas une musique de vieux) et le talent individuel de ses membres. Perdu au fond à gauche de la scène, dans un coin curieusement non-éclairé, le batteur-poids plume Jai Widdowson Jones délivra une prestation solide, toute empreinte de moiteur sudiste (du groove, mais pas de brutalité) sur laquelle vint s’adosser l'incroyable bassiste Adam Newton, sorte de Rouletabille aux yeux exorbités dont le jeu très musical induisait des contrepoints mélodiques à la main gauche du tout aussi incroyable James Graham, claviériste adepte du less is more, ultra-timide, ultra-talentueux, et qui recueillit des applaudissements nourris en fin de set.

 

 

 

À la guitare, Adam Holgate, armée de sa Les Paul (un choix inhabituel pour un groupe de soul, d'autant qu'il joua la totalité du set sur micro manche), enchaîna avec discrétion plans à la Steve Cropper (arpèges, sixtes…) et textures psychédéliques (wah-wah, trémolo). La section de cuivres, constituée de John Pratt (sax baryton) et de Liam Treasure (trombone) contribua à typer de le son de l'orchestre ; pas de chorus (tant pis), mais des lignes pêchues et sombres (pas de trompette), accentuant le caractère dramatique des ballades. Mention spéciale aux choristes, les fantastiques Hannah Nicholson et Victoria Klewin. L'une occupe le rôle de soprano, l'autre est contralto, et Hannah Williams navigue au milieu, dans un registre qui va du ténor au soprano. On l'avait remarqué sur le disque, cela se confirme en live : la richesse des arrangements vocaux, l’enchevêtrement de leurs lignes-arabesques, constitue la principale force du groupe, leur principal élément différenciant aussi. Les chœurs ne sont pas là pour faire joli (et encore moins pour pallier aux déficiences de la chanteuse lead, comme on le voit parfois) ; ils font partie intégrante de la composition. Les quelques passages chantés a cappella donnèrent le frisson, façon “street corner symphonies” du XXIe siècle (car leurs influences sont vastes). Enfin, n'oublions pas de citer la maîtresse de cérémonie, la volcanique Hannah Williams, charismatique, bourrée d’énergie, pleine d'humour (un humour qu'elle parvient à faire passer sans problème, même si elle ne parle pas français) et dotée d'un talent vocal hors du commun. Oui, sa technique est remarquable, mais peu importe. Ce qui compte, c'est sa capacité à faire passer ses émotions, à les magnifier, quel que soit le contexte (funk, ballades…). Tout ce qui fait l'essence de la soul, donc…

 

 

 

La set-list reprenait l'intégralité des chansons du disque, dans des versions légèrement retravaillées (chorus de Rhodes, arrangements vocaux plus sophistiqués) et avec tout le dynamisme du live (ah, les ghost-notes de caisse-claire sur Tame in the water ; la ligne de basse sautillante de Ain't enough ; la beauté de In Your Arms durant laquelle une Hannah Williams en état de grâce parvint à obtenir des spectateurs, bouche bée, un silence d’église). Deux rappels : Woman got soul avec les chœurs en ad-lib du public et Only with you, nouvelle composition de James Graham, interprétée piano-voix.

 

 

« Achetez notre disque », nous dit Hannah en guise d'au-revoir, « on en a besoin pour financer notre prochain album. » Vous savez ce qu'il vous reste à faire…

Ulrick Parfum
Photos © Fouadoulicious