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Live reports / 17.11.2015

Guts feat. Leron Thomas

Quelques mois à peine après avoir rempli la Cigale le temps d’une soirée mémorable, c’est un Trianon quasi complet qui attendait le producteur et beatmaker, de retour à Paris après une tournée dans toute la France (avec quelques excursions à l’étranger) pour promouvoir son dernier album, l’excellent “Hip Hop After All”.

Après une première partie en forme de contre-pied, avec le groupe d’inspiration brésilienne Samba Com Pollo, Guts débarque sur scène accompagné de son “live band”, un orchestre solide et cohérent emmené par le pianiste Florian Pélissier (avec Greg F à la guitare, Kenny Ruby à la basse et Tibo Brandalise à la batterie), en version enrichie de deux cuivres supplémentaires et de six choristes. Le temps d’une courte introduction instrumentale et d’un haka partagé avec le public – une tradition des concerts de Guts –, et le show proprement dit débute avec l’irruption sur scène du duo hip-hop Tanya Morgan (Von Pea de Brooklyn et Donwill de Cincinnati) qui enflamment sans difficulté un public plus que motivé. Dans un format proche d’une revue à l’ancienne, c’est le chanteur et trompettiste Leron Thomas qui leur succède au micro avant que ne débarque la chanteuse Connie Bidouzo qui remplace avec pertinence Lorine Chia, bloquée aux États-Unis. Musicalement, le hip-hop, qui reste à la base du son, se teinte de soul, de funk, voire de jazz quand Guts – qui, quand il n’est pas en train de bidouiller ses machines, se partage entre la direction de l’orchestre et des choristes et un rôle d’ambianceur très efficace – décide de laisser un peu d’espace à Florian Pélissier – également responsable d’un excellent album sur Heavenly Sweetness il y a quelques mois. En plus des titres du dernier disque, repris en chœur par une bonne partie du public, Guts profite de l’occasion pour tester de nouveaux morceaux qui devraient figurer sur son prochain album en cours d’enregistrement – et qui devrait intégrer le chant du public sur l’un de ces nouveaux morceaux !

 


Guts, Donwill, Greg F, Von Pea, Connie Bidouzo © Lucas Perrigot

 


 © Lucas Perrigot

 

Au lieu de lui proposer une simple première partie, Guts a décidé d’offrir à Leron Thomas, qui vient de publier l'excellent “Cliquish”, son propre set au sein de son show. Malgré l’introduction prudente de Guts, qui souligne à juste titre l’écart entre sa musique et celle de Thomas, une partie du public sera déconcerté par l’univers sombre, voire par moment agressif de celui-ci, renforcé par des effets visuels très réussis. Pour ceux qui sont parvenus à entrer dans sa musique, cependant, la réussite de ce set d’une courte demi-heure est totale, tant Thomas réussit avec les musiciens à restituer sur scène à la fois l’intensité et la complexité de sa musique. C’est sur Cliquish, l’un des morceaux les plus accrocheurs de l’album, qu’il conclut, et Guts reprend la main sur une valeur sûre de son dernier album, l’irrésistible Want it back, précédé d’une magnifique introduction au piano électrique signée de Florian Pélissier. Le tube Man funk, chanté par Leron Thomas, lui succède, et le show se termine sur trois titres empruntés au répertoire de Tanya Morgan. À la grande et bruyante frustration du public, visiblement partagée par Guts, le couvre feu limite le nombre de rappels et c’est sur le superbe And the living is easy – sur lequel Leron Thomas reproduit les samples de Billy Stewart utilisés sur l’original – que se clôture une soirée très réussie. Pendant que les médias généralistes se laissent fasciner par les plans marketings bien huilés de certains, c’est là que se trouve le hip-hop vivant…

Frédéric Adrian


Leron Thomas © Sarah Benabbou / Les Petites Chroniques

 


© Lucas Perrigot