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Live reports / 13.12.2023

Gospel Festival de Paris 2023, Accor Arena

30 novembre 2023.

Le pasteur David Goma, fondateur avec son épouse Jocelyne, du Gospel Festival de Paris, l’avait annoncé dans les colonnes de Soul Bag : la vingtième édition du festival allait être fêtée à la hauteur de l’évènement ! Après avoir été accueilli – entre autres – à l’Olympia, au Casino de Paris, au Zénith et, ces dernières années, au Grand Rex, c’est donc à l’Accor Arena, alias Bercy, qu’était accueilli ce rendez-vous très attendu des amateurs de gospel contemporain, avec une affiche de luxe couronnée par la venue, pour la première fois en France et peut-être même en Europe, des Clark Sisters !

Le pari, audacieux, est une réussite, et la salle est copieusement remplie quand les lumières de la scène s’allument pour révéler un casting impressionnant : les 200 chanteurs du Total Praise Mass Choir sous la direction d’Isabelle Ngombo, un orchestre piloté comme d’habitude par Théophane Koffi renforcé pour l’occasion par le pianiste et arrangeur Kevin Bond, collaborateur régulier depuis les années 1980 d’Edwin, Walter et Tramaine Hawkins, Stephanie Mills et Kirk Franklin récompensé plusieurs fois aux Grammys, et même une section de cordes conduite par l’arrangeur et chef d’orchestre Matt Jones, entendu sur disque avec Ledisi, John Legend et PJ Morton, entre autres ! Dès les premiers morceaux, interprétés par des solistes habituels de la chorale – Wesley Seme, Olivia Songeons, Crécilia Nonirit, Nathalie Colomb – rejoints sur quelques titres par une troupe de danse, la puissance de feu de l’ensemble est évidente, d’autant qu’elle est canalisée par des arrangements de grande qualité qui ne sacrifient pas le goût de la nuance à l’efficacité. 

La ferveur de la salle – et le mot n’est pas choisi par hasard – monte encore d’un cran quand la chorale est rejointe par la première invitée américaine, la chanteuse Damita Chandler. Son Watch me praise him, qu’elle avait enregistré avec Deitrick Haddon, est l’occasion d’une prestation à l’intensité très spectaculaire. J’adhère moins au gospel sous influence africaine de la chanteuse sud-africaine Mahalia Buchanan, qui lui succède, mais le public lui fait un triomphe. La légende du gospel francophone Marcel Boungou est accueilli comme la star qu’il serait si le monde était juste, et le medley qu’il partage avec Damita Chandler, Mahalia Buchanan et David et Jocelyne Goma propose un final très réussi à la première partie du show.

Total Praise Mass Choir
Total Praise Mass Choir
Total Praise Mass Choir
Damita Chandler
Mahalia Buchanan
Mahalia Buchanan, Damita Chandler, Marcel Bongou
David Goma, Damita Chandler, Jocelyne Goma

Après l’entracte, c’est au tour de Kim Burrell de rejoindre la scène. Déjà présente l’année dernière et aussi à Jazz à Vienne, la chanteuse semble compter sur le public européen pour relancer une carrière qu’elle a elle-même sabotée à coup de propos homophobes et injurieux, et la salle lui réserve un accueil très enthousiaste dès son premier titre, We are not ashamed, qu’elle avait enregistré il y a quelques années avec Myron Butler, qui lui permet de rappeler que, malgré les polémiques, elle n’a rien perdu de ses qualités vocales stupéfiantes. For every mountain, qu’elle attaque seule avec le pianiste avant d’être rejointe par la chorale, illustre sa capacité à aller extraire chaque nuance d’une chanson, avant que I see a victory, qu’elle avait enregistré avec Pharell Williams pour la bande originale du film Hidden Figures, lui donne la possibilité de montrer qu’elle n’est pas cantonnée aux titres lents. Au vu des péripéties qu’a connu sa vie ces dernières années, les paroles du Changed de Walter Hawkins lui parlent probablement très personnellement, et elle en donne une lecture très intense, et c’est sous les acclamations de la salle qu’elle quitte la scène.

Kim Burrell
Kim Burrell
Kim Burrell
Kim Burrell
Isabel Ngombo et Total Praise Mass Choir

Malgré son Grammy et ses deux albums au sommet du classement gospel de Billboard, la musique de Jonathan McReynolds m’était jusqu’ici inconnue, ce qui me met en minorité dans une salle qui reconnaît et reprend en chœur dès les premières notes son Gotta have you. Si son registre très contemporain et très pop ne me convainc que peu a priori, difficile de résister à son charisme naturel et à ses évidentes capacités vocales, d’autant qu’il est accompagné et soutenu par la ferveur de toute la salle – à ce stade il n’y a d’ailleurs plus de séparation entre la chorale et le public, qui reprend à pleine voix chacune des chansons jusqu’au final à rallonge sur son Not lucky, I’m loved.  

Jonathan McReynolds
Jonathan McReynolds
Jonathan McReynolds

L’enthousiasme n’a pas eu le temps de retomber qu’arrivent sur scène les stars de la soirée, les Clark Sisters, qui fêtent cette année les 50 ans de leur premier album et ne s’étaient jamais produites sur une scène française. Petite surprise : les frangines ne sont que trois ce soir – Jacky, Dorinda et Karen – et Twinkie, bien  qu’elle fut prévue, n’est pas de la partie, sans que son absence soit expliquée. La déception est cependant de courte durée, tant le trio livre une prestation de haute volée. C’est Karen Clark Sheard, qui avait déjà participé en solo au festival en 2019, qui assure le chant principal, mais ses deux sœurs ne sont pas en reste, chacune avec son style particulier, et leurs harmonies, polies depuis l’enfance sous l’influence de leur mère, la légendaire cheffe de chœur Mattie Moss Clark, sont évidemment impeccables. Malgré l’heure tardive, personne ou presque n’a songé à s’en aller, et le public, connaisseur et enthousiaste, a renoncé à s’asseoir tout au long d’une prestation parfaitement réglée, qui revisite les principaux titres de la carrière de l’ensemble, mêlant aussi bien classiques comme Wonderful counselor que tubes plus récents comme Livin’, qui ouvre leur prestation, ou Victory

The Clark Sisters
The Clark Sisters
Dorinda Clark-Cole, Karen Clark-Sheard
Jacky Clark-Chisholm
Karen Clark-Sheard, Dorinda Clark-Cole

Le sommet de leur apparition, voire de la soirée toute entière, est une version à rallonge de Is my living in vain, au cours de laquelle chacune des sœurs offre une démonstration de sa puissance vocale – c’est Karen qui prend la partie habituellement assurée par Twinkie. C’est hélas aussi leur dernier morceau, les contraintes de couvre-feu de la salle nous privant du tube You brought the sunshine… et permettant de ne pas rater le dernier RER ! Pas de regrets cependant tant cette nouvelle édition du Gospel Festival de Paris s’est révélée une immense réussite, avec un programme sans faille tout au long des plus de trois heures de sa durée… Inutile de dire que, avec cette édition anniversaire, l’évènement a confirmé sa place majeure dans le calendrier des amateurs du genre, et que le rendez-vous de l’année prochaine est d’ores et déjà attendu avec impatience ! 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot

The Clark Sisters
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