Leurs vies et leurs carrières ont beau se croiser depuis les années 1960 et accumuler les points communs, Bishop et Musselwhite n’avaient jusqu’alors jamais enregistré d’album ensemble. C’est désormais chose faite et, à l’écoute du résultat, on se demande pourquoi ils ne l’ont pas fait plus tôt. Musicalité, engagement, profondeur, feeling, humour, simplicité : ce CD agrège toutes les qualités dont se nourrissent les grands albums de blues. 

Livrés à eux-mêmes dans un line-up sans batterie, occasionnellement soutenus par le piano et la guitare de Bob Welsh ou la contrebasse de Kid Andersen (également producteur d’une partie des titres), les vétérans célèbrent dans cette session décontractée (mais pas désinvolte) leur héritage et leur parcours exceptionnel (plus de 100 ans d’expérience à eux deux !). On ne sera donc pas surpris d’écouter Charlie rendre hommage à son héros Sonny Boy II sur un Help me tout en finesse. Mais l’intérêt du disque repose avant tout sur la complémentarité des duettistes, les rythmiques grondantes, méchamment saturées, typiquement downhome du guitariste offrant le parfait contrepoint à la richesse d’expression tonale de l’harmoniciste. 

On apprécie aussi leurs voix rauques et gouailleuses qui traitent, ensemble ou séparément, des joies de l’amitié (l’intro géniale de Birds of a feather : « Clap, stomp, holler and yell, we’re all friends here so what the hell? »), de la mégalomanie de Trump (« He’s the president but wants to be the king ») ou du caractère tristement désincarné des moyens de communication actuels, s’amusant à tricoter des rimes bien vaseuses sur le délicieusement non politiquement correct Old school (« Don’t send me an e-mail, send me a female »). 

À l’issue de ce disque vivant, humain jusque dans ses imperfections, l’auditeur se trouve dans le même état qu’Elvin et Charlie en photo de couverture : détendu, hilare, rasséréné. Heureux.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Alligator
Sortie : 25 septembre 2020