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Live reports / 03.08.2016

Ed Motta

Bien qu’il soit devenu un habitué des scènes françaises depuis quelques années, la venue d’Ed Motta continue à créer l’évènement, et c’est un New Morning presque plein qui l’accueille ce samedi soir. Depuis son dernier passage dans les lieux l’année dernière – déjà dans le cadre du festival All Stars, valeur sûre de l’été –, le chanteur brésilien a sorti un nouvel album, “Perpetual Gateways”, qui constitue la base du répertoire interprété ce soir, avec Captain’s refusal, le premier morceau du disque, en ouverture.

Même dans les rêves les plus fous, il n’était pas raisonnable de s’attendre à voir sur scène les pointures de luxe (Patrice Rushen, Greg Phillinganes, Mavin “Smitty” Smith…) qui accompagnaient Motta sur “Perpetual Gateways” (quoique cela pourrait constituer un beau projet pour un programmateur audacieux…), et c’est donc l’orchestre européen de Motta, partiellement renouvelé depuis l’année dernière, qui est de la partie (Matti Klein aux claviers, Yoràn Vroom à la batterie, Laurent Salzard à la basse, Florian Menzel à la trompette et Bernhard Ullrich au saxophone). Si la substitution des deux cuivres à la guitare est une bonne surprise, qui permet de reproduire la richesse des orchestrations du dernier disque, la présence du batteur néerlandais Yoran Vroom – qui semble être en train de devenir le musicien européen préféré des artistes américains en visite – est plus problématique, tant celui-ci s’avère démonstratif, au point d’occuper une place bien trop importante dans le son global de l’orchestre, par ailleurs mené de main de maître par Matti Klein.

 

 


Ed Motta, Bernhard Ullrich, Laurent Salzard

 

Musicalement, le show est sans surprise. Assis à son clavier même quand il n’en joue pas – les principaux solos dans le premier set sont assurés, très brillamment, par Matti Klein, Motta intervenant plus régulièrement dans le second set –, il interprète des versions plutôt proches de celles des enregistrements des titres de son dernier album et de son prédécesseur. À défaut d’être un showman exubérant – il me semble quand même qu’il bougeait plus il y a quelques temps ! –, Motta compense par ses interventions parlées décalées. Ce soir, la plupart évoquent la gastronomie française (l’andouillette, la cuisson du faux-filet, les fromages, les vins du Jura, la pâtisserie font partie des sujets abordés), mais Tom Selleck, les musiques des films de Jacques Tati et la façon dont les gens prononcent son nom dans différents pays seront également mentionnés de façon plus ou moins longue. Si ces interventions, qui ont toujours fait partie de son show depuis qu’il se produit régulièrement par ici, font une partie du charme de son spectacle et sont d’ailleurs très bien accueillies par le public, elles semblent désormais occuper une part croissante du temps que consacre Motta à la scène au détriment de la musique. Par moments, le concert menace de virer au one man show, et cela impacte négativement l’intensité de la prestation : à titre personnel, je me serais dispensé du moment surréaliste où une partie des spectateurs, alors que Motta allait attaquer un morceau, s’est mise à lui lancer des noms de gâteaux – déclenchant en réponse une longue tirade en éloge du mille-feuille… En fin de show, Motta semble se souvenir qu’il a enregistré une bonne douzaine d’albums avant “AOR” et revisite quelques anciens titres, dont Drive me crazy qui lui avait valu un certain succès chez les Anglais au début des années 2000, et clôt le show, en rappel, par une reprise théâtrale mais réussie de I’ll never fall in love again, une chanson créée à l’origine pour Dionne Warwick.

 

 

 

Après l’éblouissement des premières prestations de Motta il y a quelques années, et sans remettre en cause ses qualités artistiques, il faut bien avouer que l’évolution démagogique de son show laisse sceptique. Espérons qu’il ne s’agisse que d’un faux pas ponctuel et qu’il revienne vite au niveau d’exigence musicale qui a fait sa réputation…

Frédéric Adrian
Photos © Fouadoulicious