Sans adopter le purisme des firmes Document et Testament, le courageux label d’Anthony Broza jusqu’à présent consacré exclusivement aux styles “down home”urbains d’après-guerre – New York City, Miami/Atlanta, Détroit et leurs zones géographiques respectives – se penche une dernière fois sur Chicago avec ce troisième coffret (4 CD, 5 dans les précédents) bourré de prises inédites et de raretés.

108 titres extraits de leurs collections, soigneusement sélectionnés, nettoyés et commentés par trois spécialistes britanniques et leurs équipes de fins chercheurs : Peter Moody (1944-2021), Chris Bentley et l’auteur Mike Rowe (Chicago Breakdown, Eddison Bluesbooks) pour les notes discographiques précises, photos et illustrations couvrant les années 1941-1966. Y ont aussi contribué pour 88 pages de précieuses informations : Dan Kochakian, Bill Greensmith, Konrad Nowakoski, Daniel Gugolz et leurs compadres.

Outre une montée compréhensive et chronologique de l’évolution du blues de et à Chicago, depuis les faces Bluebird de Robert Lockwood Jr., par exemple (1941), les auteurs ont réuni chronologiquement des noms archiconnus (Bo Diddley, Muddy Waters, Chuck Berry en mode blues, Eddie Taylor, J.B. Hutto et bien d’autres) avec des artisans en quête de notoriété (Johnny Temple sur Chess, Little Hudson, Forrest City Joe…), des accompagnateurs se projetant en solistes (Sunnyland Slim sur Hy Tone, Alfred Wallace (1951), J.T.Brown (1953), des enregistrements confidentiels (Magic Sam et Shakey Jake à domicile) et des inconnu(e)s tellement obscur(e)s que même nos limiers se perdent en conjectures malgré la présence d’un Memphis Slim, par exemple Grover Pruitt, Ann Sorter, Mata Roy, Minnie Thomas, Lucky Carmichael.

Une collection d’étiquettes de labels alimente le plaisir, comme celui de repartir d’une brocante avec sous le bras des 45 ou des 78-tours signés Ebony, Mark IV, Fury (différent de Fire/Fury du New-Yorkais, Bobby Robinson), Pam, Mojo… Même les photos des couvertures du livret sont commentées : vous saurez tout sur South Cottage Grove Avenue (1955), la voiture d’avant- plan, son théâtre Tivoli ou la locomotive fumante en recharge de charbon ! Que nous sommes loin des LP bootleg sourds et crachotants que j’ai connus lors du premier blues boom britannique !

Mis bout à bout, les trois volumes de “Down Home Blues Chicago” devraient faire partie de votre discothèque, vous savez, ce meuble ou colonne, qui réceptionne vos disques physiques, lesquels alors prennent vie et n’attendent que vous : sortez de vos plateformes, jamais elles ne vous proposeront une telle richesse !

André Hobus

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Wienerworld
Sortie : 9 août 2023