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Live reports / 30.11.2015

Doug Hammond + Stéphane Payen

Figure importante de la scène jazz de Detroit dans les années 1970, au sein notamment de la nébuleuse qui entoure le formidable label Tribe, entendu sur disque, en plus de ses propres enregistrements, aussi bien avec Charles Mingus qu’avec Lonnie Liston Smith ou James Blood Ulmer, Doug Hammond reste pourtant largement ignoré, malgré la présence de plusieurs de ses titres sur des anthologies publiés par les labels Soul Jazz et Kindred Spirits. Bien qu’il vive en Europe depuis des années, il ne se produit que rarement en concert et sa dernière apparition parisienne remonte à 2010. Inutile de dire donc que l’annonce de sa venue aux Disquaires dans le cadre d’une soirée organisée par le saxophoniste Stéphane Payen à l’occasion de la sortie de son album consacré, justement, à la musique de Doug Hammond, constituait une heureuse surprise pour ses admirateurs.

En ouverture, c’est donc Hammond, qui se présente lui-même comme « un batteur qui chante », qui se produisait en solo. N’ayant pas eu l’occasion de se produire dans ce format depuis 2013, il semble quelque peu à la peine sur le premier titre, joué au piano à pouces, mais trouve ensuite son rythme, déployant son impressionnante palette rythmique et son chant très particulier, parfois à la limite de la scansion parlée, sur un répertoire empruntant à toute sa carrière, de For real , extrait du légendaire “Reflections In The Sea Of Nurnen” et samplé par Madlib, au puissant Dope of power, en passant par le quasi-funk de Dance the dance, enregistré à l’origine avec le collectif berlinois Jazzanova, et l’accrocheur Rizz Biz. Musicalement, malgré l’humour dont fait preuve Hammond, la formule batterie-voix reste aride et demande un certain effort pour être apprivoisée. Reste que la récompense est à la hauteur de la concentration demandée, la musique de Hammond, riche en spiritualité, étant sans aucun doute à la hauteur de l’œuvre d’un Sun Ra.

Après un court entracte, c’est au tour de The Workshop, le quartet de Stéphane Payen (Olivier Laisney à la trompette, Guillaume Rueland à la basse électrique et Vincent Sauve à la batterie) de monter sur scène pour présenter son nouveau disque, l’explicitement nommé “Music by Doug Hammond”, sous le regard attentif et approbateur du maître en personne. Grand connaisseur de l’œuvre de Hammond, avec qui il joue régulièrement, Payen, appuyé par des musiciens tout à fait dans l’esprit, s’approprie le répertoire de son mentor, avec des titres comme Perspicuity et Leanin’. Le format en quartet, plus accessible que la prestation qui l’a précédé, met en valeur la finesse et l’originalité de l’écriture mélodique de Hammond et confirme qu’il est une des voix les plus intéressantes du jazz. L’enthousiasme des différents musiciens évite l’écueil muséal qui guette souvent ce type d’hommage et on ne peut que les féliciter de leur détermination à faire vivre un répertoire par ailleurs étonnamment négligé. Reste à espérer que les programmateurs de salles et de festival seront sensibles à cette invitation à explorer des territoires méconnus…

Frédéric Adrian