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Live reports / 11.01.2022

Delgres, Le Trianon, Paris

30 novembre 2021

Des annonces et des infos tous azimuts sur un variant mutant du virus qui laissent planer doutes et interrogations sur notre sport favori (aller au concert). Une couv’ de printemps (SB 242) qui lui donnait la parole à l’occasion de la sortie de “4:00 AM”. C’est au cœur de l’automne que Delgres nous conviait dans cette belle salle parisienne du Trianon. Une décision ambitieuse à la hauteur de celle qu’a mis en œuvre ce power trio décoiffant estampillé blues créole depuis son éclosion en 2016.

C’est Thomas Kahn, chanteur et guitariste clermontois, seul en scène avec sa guitare folk qui a pour mission d’ouvrir le bal. Le temps d’exécuter une poignée de ses propres compositions (en anglais dans le texte) qui nous évoque le phrasé et le style d’Asaf Avidan ainsi qu’une version surprenante et de fait dépouillée d’It’s a man’s man’s world. Et les lumières se rallument. Chaleur de l’acoustique et bons mots du bonhomme, la salle s’est non seulement remplie mais semble s’être donné un coup de jus nécessaire à la suite des opérations.

Thomas Khan
Delgres

Un kit de batterie complet, central et surélevé, le sousaphone qui trône majestueusement devant un un ampli basse grand format et, de l’autre côté, la place qu’occupe Pascal Danaë flanqué de sa guitare, lunettes noires sur le nez et béret ché-guevarien vissé sur le crane. La tête de proue d’un trio qui ne fait pourtant qu’un attaque direct avec un doublé largement diffusé sur les ondes et autres canaux : Aléas et 4 ed maten ! Ces deux singles tirés de leur deuxième album font office d’entrée en piste, précédant malicieusement leur titre fondateur et fédérateur, Mo jodi (que Delgres rejouera en guise de clap de fin d’ailleurs).

Rapidement on distingue des petits ajouts de programmation qui renforce la batterie ou les cœurs obligeant de facto à un calibrage précis des morceaux. Jeu de lumière inventif et un son puissant, les arrangements ciselés et l’attitude concentrée qui se dégagent des trois musiciens épousent parfaitement les compositions un brin plus pop rock du deuxième album (Ke aw, La pen, Se mo la, Lundi-mardi-mercredi...). Ce qui n’empêche en rien les riffs tout en slide qui résonnent sur Mo jodi, Respecte nou, Mr President et les ping-pongs sousaphone-batterie entendus sur Lese mwen ale.

Le souvenir d’un petit showcase quasi acoustique avant la sortie de “Mo Jodi” me paraît soudainement bien loin. Delgres ce soir a sorti l’artillerie lourde, illustrant peut-être l’ambition de son management, de la production et j’imagine des musiciens eux-mêmes. Faire de ce groupe singulier à forte résonance une sorte de Black Keys à la française capable d’adopter au besoin les codes du grand spectacle. 

En termes de son, de décorum (fond de scène évoquant l’imagerie ouvrière, un décor fait avec des panneaux métalliques découpés dans des conteneurs sur lesquels sont montés visuels et lumières), en termes de théâtralisation, Delgres a définitivement élevé le niveau de plusieurs crans. Un calibrage qui heureusement n’enlève pas la justesse de son propos.

Chanson pour-chanson contre, chant de lutte, de résistance, de résilience… Pour ceux et celle d’ici, de là-bas. Pascal Danaë, sans prétention ni outrecuidance rappelle tout au long de ce généreux concert l’importance et la puissance du collectif, du peuple, des gens… De nous, quoi. 

À quelques mois d’un rendez-vous politique majeur et dans un monde toujours très inégalitaire, c’est en musique et savoureusement amplifié que le message est bien passé. Mèsi Delgres ! 

Texte : Julien D.
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux

DelgresJulien DLe TrianonWilfried-Antoine Desveaux