Curtis Salgado aurait sans doute réservé au Bay-Car Blues Festival la primeur de nouveaux titres de cet album s’il avait pu s’y produire comme prévu en novembre. En attendant de le retrouver sur scène, on patientera grâce à cet opus qui marque une évolution par rapport à ses prédécesseurs sur Alligator. Après la ligne soul blues de “Soul Shot” et “The Beautiful Lowdown” et la parenthèse back to the roots de “Rough Cut”, en duo avec Alan Hager, il choisit cette fois une veine plus ouverte, d’où les cuivres sont quasiment absents mais où le piano et l’orgue sont mis en avant.

Le rock ‘n’ roll, dans sa déclinaison New Orleans, est tangible dans la (seule) reprise jouissive du Slow down de Larry Williams, mais aussi dans le joyeusement débridé Hail mighty Caesar, les seuls titres où des saxes s’immiscent. Avec une sonorité plus contemporaine, La Nouvelle-Orléans imprègne aussi le morceau introductif, The longer that I live. Ce titre, révélé le premier en ligne, a même fait l’objet d’une vidéo YouTube où Salgado se met en scène avec humour et décontraction, comme pour prouver sa forme physique à 66 ans, lui le survivant de deux cancers et d’un triple pontage. Quant à sa forme vocale, elle se vérifie tout au long des 13 plages, elle frôle même l’exploit à la fin de You’re going to miss my sorry ass, dont le titre donne la mesure de sa verve humoristique, qui n’empêche pas une réflexion acérée (Damage control).

Issus de trois sessions, avec une brochette de usual suspects (Johnny Lee Shell, Kid Andersen, Mike Finnigan, Jim Pugh, Kevin McKendree, Jerry Jemmot, Tony Braunagel…), l’album aborde marginalement la country (Precious time) et même le zydeco (Truth be told, avec le concours de Wayne Toups). Peu de blues stricto sensu, mais une pépite : The fix is in dans lequel l’harmonica, rare ailleurs, trouve son meilleur emploi. Il faut aussi citer la touchante ballade churchy Always say I love you pour ne rien oublier d’un album riche et marquant.

Jacques Périn

Note : ★★★★
Label : Alligator
Sortie : 26 février 2020