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Live reports / 28.03.2018

Chroniques du Deep South (part. 4)

Quatrième partie du voyage d'André Hobus qui en octobre dernier a sillonné le sud des États-Unis.

Oxford. Son Université avec ses archives blues – petite exposition sympathique – et la belle sculpture en bronze de William Faulkner. Belle demeure patricienne dans les bois. Et, bien sûr, la place carrée impeccable, aux libraires attrayantes. Nous déjeunons dans une taverne où le propriétaire des lieux a marqué son amour des musiques raciniennes par des peintures enfantines naïves : le dernier voyage d’Hank Williams, George (Jones) & Tammy (Wynette), Hound dog Taylor (!)… Surprise : un Link Wray portraituré à côté de néons pour bière.

 

 

 

Avant d’atteindre Greenwood, la rivière Tallahatchie et ses ponts (pensez Ode to Billie Joe par Bobbie Gentry) nous conduit à Money, peut-être la mèche qui alluma l’explosion des droits civiques, avec l’assassinat du jeune Emmett Till sur un “on dit” et l’acquittement de ses assassins (1955). Une locomotive définitivement immobilisée semble attendre son âme pour retourner à Chicago. Le soir tombe chaudement sur les champs de coton, l’épicerie drugstore n’est plus mais le Mississippi se souvient.

 

 

Et Robert Johnson dans tout cela ? Sa troisième pierre tombale (!) en titre, à défaut d’être en sol, contribue tout de même à sa légende. En plein champ et le soir tombant, la petite église proprette du Mt Zion semble veiller sur le cimetière un peu négligé et oh combien romantique. Nous logerons confortablement à quelques minutes de sérénité vespérale dans les Tallahatchie Flats, des shacks rénovés au look designer country-collectionneur folk blues. Un ravissement.

 

 

 

 

Moorhead. Le centre-ville déglingué met en valeur une composition de W.C. Handy, Yellow dog blues. À notre arrivée, une habitante prévient le maire : des visiteurs ! Celui-ci se fera un devoir de nous conter l’histoire du morceau et de ses implications dans la vie de cette bourgade depuis la mini gare transformée en musée. Il nous remettra même un stylo bille souriant en forme de porteur de Pullman. Tout un symbole d’un temps ségrégationniste, aujourd’hui libéré mais non oublié.

 

 

 

 

 

Indianola. Synonyme de B.B. King. Ses premières notes au coin d’une rue, son musée retraçant les conditions de travail de sa jeunesse, le répertoire, un studio d’enregistrement reconstitué… Sa tombe fleurie, bien sûr, et sa musique baignant le lieu en permanence. Cependant, c’est peut-être au-delà du parking que le blues s’exprime tel qu’en lui-même : le club Ebony, son bus de tournées face aux silos champêtres, une voie de chemin de fer, un signal de croisement et un ciel magnifique aux beaux nuages ronds.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rolling Fork. Cette triste petite ville vide se proclame à juste titre “Home of Muddy Waters” et tente, elle aussi, de mettre son héro en valeur. Malgré la diffusion permanente de son répertoire, un rappel historique d’un shack et quelques guitares-sculptures, le kiosque central mal entretenu et des murals délavés ne font plus vibrer. C’est définitivement à Chicago qu’il appartient.

 

 

 

 

 

Onward. Joli paysage de champs de coton portant leurs bouquets blancs, surtout vus depuis la terrasse boisée d’une des plus vieilles épiceries de l’État : Theodore “Teddy” Roosevelt y chassa (1903) sans grand succès.

 

 

 

Vicksburg. La vieille ville confédérée cultive son histoire : belles fresques-chromos rétrospectives sur le mur anti-inondations, dont une de Willie Dixon très réussie ; un downtown resté très XIXe siècle et un parc magnifique, serein et pédagogique en lieu et place de ce qui fut une des batailles les plus sanglantes de la Guerre de Sécession.

 

 

Soirée paisible au bord du fleuve : le LD Lounge & Kitchen for Good Folks paraît fermé ! Erreur ! Le house band s’installe à l’aise tandis que nous occupons les dernières chaises, le club étant pratiquement complet et bruissant d’habitués venus fêter un anniversaire en famille, se rencontrer, boire un verre et danser. Premier set aux synthés et guitariste poussifs. Attendons encore un peu, des micros restent perchés sur leur pied. Et le MC-chanteur d’apparaître, chic et chaud, interpellant le public, entonnant les classiques soul et ballades. La nuit de ce milieu de semaine sera certainement longue, une chanteuse bien replète attendant son “moment”. Ambiance garantie.

 

 

Texte et photos : André Hobus

Prochain chapitre : cap sur la Louisiane, avec Shreveport, Lafayette, Crowley…