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Live reports / 15.12.2014

Chrisette Michele

Dans la lignée d’une programmation de début de saison exceptionnelle qui a vu, entre autres, Raheem DeVaughn, Foreign Exchange, Algebra Blessett, Bilal, Kindred The Family Soul et même la revenante Cheryl Pepsii Riley fouler ses planches, le Bizz'Art accueillait Chrisette Michele, voix majeure de la soul contemporaine aussi reconnue dans son pays (des nominations multiples aux Grammys, aux Soul Train Awards, aux BET Awards, et un Grammy remporté) qu’ignorée par chez nous.

Deux ans après un passage très remarqué au New Morning avec son groupe US au grand complet, c’est avec son directeur musical Erskine Hawkins III (le petit-fils du trompettiste et chef d’orchestre des années 1930 et 1940 !), sa choriste fétiche Ashleigh Smith (lauréate récente de la Sarah Vaughan International Jazz Vocal Competition, dont un projet personnel est apparemment en préparation sur le label de Christette Michele), et un trio rythmique français de haute tenue (Gwen Ladeux à la basse, Laurent Fournier à la  guitare et Mathieu Edward à la batterie) qu’elle se présente cette fois-ci.

 

 

Dès son entrée sur scène – coiffure “pièce montée” de tresses avec diadème, robe blanche laissant apparaître de spectaculaires tatouages sur ses bras –, Michelle fait forte impression et il ne lui faut que quelques secondes de chant pour confirmer les immenses promesses de ses disques. Aussi virtuose qu’une Lalah Hathaway, elle la surpasse, à mon sens, par l’élégance et le naturel avec lequel elle parvient à faire usage de ses capacités vocales hors du commun sans tomber dans les acrobaties stériles auxquelles cède trop volontiers la fille de Donny Hathaway et bien de ses consœurs. Particulièrement à l’aise sur les ballades comme Epiphany ou A couple of forevers, elle n’hésite pas à se montrer plus hargneuse quand cela en vaut la peine, comme sur le magnifique Goodbye game, qu’elle introduit en s’excusant de devoir se mettre en colère ! Le répertoire emprunte essentiellement à ses différents albums déjà parus, ainsi qu’au disque à venir, mais Chrisette se permet également quelques incursions dans les standards, prouvant sur un Summertime partagé avec Ashleigh Smith ou sur God bless the child qu’elle n’a pas grand-chose à envier, dans ce registre, à Ledisi. Et un détour gospel, sur le Total praise de Richard Smallwood, se transforme en grand moment de grâce et de frisson quand une bonne partie de la salle se mue en chorale pour la rejoindre sur la fin du morceau.

 

 

 

Le public, connaisseur et enthousiaste comme toujours au Bizz'Art, est d’ailleurs largement responsable de la réussite de la soirée, par la belle interaction qui s’installe avec l’artiste tant sur les “tubes” comme Be OK que  sur des morceaux moins évidents comme Love is you, demandé et obtenu par un fan pour le premier rappel. Touchée par la réaction du public – elle n’est visiblement pas habituée aux rappels ! –, elle reviendra trois fois clore en beauté un moment qui restera parmi les concerts marquants de 2014. Le prochain qui vient vous expliquer qu’il n’y a plus de grandes chanteuses soul, vous pouvez le gifler de la part de Chrisette Michele.

Frédéric Adrian
Photos © Cuty Mike / Music4Live